Londres (awp/afp) - Après 20 ans dans le giron de l'américain Walmart, la chaîne de supermarchés Asda repasse sous pavillon britannique avec son rachat pour 6,8 milliards de livres par deux richissimes frères, magnats des stations-service.

Les frères Mohsin et Zuber Issa se sont associés au fonds d'investissement TDR Capital pour mettre la main sur le numéro trois britannique du secteur au Royaume-Uni, selon un communiqué publié vendredi.

Le géant américain de la distribution s'était résolu à mettre en vente Asda après avoir échoué en 2019 à marier sa filiale britannique au numéro deux du secteur au Royaume-Uni, Sainsbury's, une opération retoquée par le gendarme de la concurrence.

Il avait évoqué un temps la possibilité d'introduire en Bourse la chaîne britannique, avant d'opter pour une cession dont le processus a été ralenti par la pandémie de Covid-19.

Walmart va conserver une participation minoritaire dans Asda, ainsi que des liens commerciaux et une présence au conseil d'administration.

L'américain, qui vient d'enregistrer la plus forte croissance de ses ventes en plus d'une décennie aux Etats-Unis au deuxième trimestre, réduit la voilure dans plusieurs pays, pour miser davantage sur des marchés en forte croissance en Chine et en Inde.

Il a vendu 80% du capital de sa filiale brésilienne et chercherait un acquéreur pour ses supermarchés au Japon.

Asda réalise un chiffre d'affaires de 23 milliards de livres par an mais pèse peu à l'échelle d'un géant comme Walmart. En outre, le marché britannique étant très concurrentiel, il est difficile de réaliser des marges confortables et tout développement nécessite de coûteux investissements.

Asda, né en 1965 et connu pour son logo aux couleurs vertes, possède une part de marché de 14,5%, selon les chiffres à début septembres du cabinet Kantar. L'enseigne est juste derrière Sainsbury's (14,9%) mais loin du numéro un Tesco (26,8%).

L'opération de rachat doit encore être approuvée par les autorités de régulation mais a de bonnes chances d'être validée, puisque Asda et l'activité des frères Issa ne sont pas des concurrents directs.

Partis de rien

La cession d'Asda survient dans un secteur en plein bouleversement au Royaume-Uni en raison de la pandémie, qui a poussé de nombreuses enseignes à investir massivement dans leurs opérations en ligne pour répondre à la demande de consommateurs souhaitant recevoir leurs courses à domicile.

Asda, qui compte plus de 600 supermarchés, précise avoir presque doublé ses opérations sur internet en l'espace de quelques mois.

Les nouveaux propriétaires conserveront le siège de l'enseigne à Leeds (nord de l'Angleterre) et s'engagent à investir plus d'un milliard de livres dans l'activité au cours des trois prochaines années, ce salue le ministre des Finances Rishi Sunak vendredi.

Les frères Issa veulent "augmenter la proportion de fournisseurs basés au Royaume-Uni", se félicite aussi M. Sunak dans un tweet.

Ils entendent par ailleurs maintenir les effectifs et conserver des prix bas pour les consommateurs dans un secteur très concurrentiel.

Les grandes enseignes se livrent à une guerre des prix depuis plusieurs années, sous la pression des enseignes allemandes de maxi-discompte Aldi et Lidl qui ne cessent de gagner des parts de marché et d'ouvrir des magasins.

Originaires de Blackburn (nord-ouest de l'Angleterre), les frères Issa, qui n'ont pas encore la cinquantaine, sont à la tête du groupe EG, un mastodonte des stations-service qui en gère 6.000 sur trois continents.

Ils exploitent notamment des magasins de stations-service pour les hypermarchés Carrefour en France.

Partis de rien, ils ont bâti en vingt ans un véritable empire en rendant leurs stations-service les plus attractives possible pour les consommateurs qui peuvent prendre un café ou se restaurer.

Leur groupe possède le terrain de la station-service et vend sous sa propre marque du carburant qui vient des pétroliers BP ou Shell.

Le Financial Times s'interrogeait lui, récemment, sur la capacité des frères à financer l'acquisition d'Asda, puisque leur groupe vaut certes autour de 10 milliards de livres mais avec une dette déjà élevée de quelque 8 milliards de livres.

afp/rp