En volume, les fusions et acquisitions (M&A) auront augmenté de 20% par rapport à 2017, à 3.910 milliards de dollars (3.424 milliards d'euros).

Et ce bien que les M&A aient probablement chuté de 27% en variation annuelle au dernier trimestre de 2018, et de 16% par rapport au trimestre précédent, à 724 milliards de dollars, selon des données de Refinitiv.

Les turbulences boursières et la montée des tensions commerciales entre Washington et Pékin ont altéré la confiance des professionnels de cette activité.

"La volatilité boursière s'est faite beaucoup remarquer durant les derniers mois de l'année; acheteurs et vendeurs ont eu du mal à s'entendre sur le prix, bloquant bon nombre de transactions", a dit Chris Ventresca, co-responsable à l'international des M&A de JPMorgan Chase.

L'indice S&P-500 est tombé à des plus bas de 15 mois cette semaine, des résultats d'entreprise décevants ayant alimenté une humeur assombrie par la Réserve fédérale qui a douché les espoirs de la voir se montrer un peu plus accommodante.

De son côté, la Banque centrale européenne (BCE) a mis fin à son programme d'assouplissement quantitatif, alimentant un peu plus l'incertitude en Europe, tandis qu'en Chine et dans d'autres grandes puissances économiques la croissance ralentit.

"On s'attend à ce qu'une récession nous tombe dessus", résume Jeffrey Marell, co-directeur du département M&A du cabinet d'avocats Paul, Weiss, Rifkind, Wharton & Garrison.

Parmi les grosses opérations de l'année, on peut citer l'OPA de 64 milliards de dollars du laboratoire japonais Takeda Pharmaceutical sur son homologue britannique Shire, celle, améliorée, de 71 milliards de dollars de Walt Disney sur les actifs film et télévision de Twenty-First Century Fox et enfin celle de 52 milliards de dollars de l'assureur maladie Cigna sur le gestionnaire d'ordonnances médicales Express Scripts Holding.

Les Etats-Unis se sont taillé la part du lion du marché des M&A en 2018, avec une croissance de 32% à 1.700 milliards de dollars, selon Refinitiv.

En Europe, la croissance est également de 32%, à 975 milliards de dollars, tandis que dans la région Asie-Pacifique, les M&A ont diminué de 2% à 871 milliards de dollars.

"Il est évident qu'il y a de l'incertitude en Europe du fait du Brexit, de la fin de l'assouplissement quantitatif et du risque de résultats de sociétés faibles mais les objectifs stratégiques à long terme de nos clients n'ont pas changé", dit Pier Luigi Colizzi, responsable des M&A de Barclays pour l'Europe et le Proche-Orient.

RUÉE SUR LES IPO

Un autre élément pèse sur le marché des M&A: la ruée d'entreprises technologiques telles qu'Uber, Lyft, Slack et Pinterest, soucieuses de précéder un éventuel retournement économique en se lançant dans une introduction en Bourse (IPO) plutôt que de rechercher un acquéreur potentiel.

"Dans un marché des IPO pétillant, avec des valorisations élevées, il est plus difficile pour les acquéreurs de marchander ou de présenter à une société non cotée une alternative qui la persuade de renoncer à une solution de l'IPO jugée très intéressante", observe George Boutros, directeur général de Qatalyst Partners, une banque d'investissement spécialisée dans les valeurs technologiques.

Les fonds de capital investissement risquent par ailleurs d'avoir du mal à faire des affaires en 2019 si le coup de bambou du segment du financement à effet de levier persiste l'an prochain.

Toutefois, si le marché de la dette se stabilise, ces fonds, à l'affût d'affaires à bon compte dans un marché boursier éteint, pourraient au contraire prendre l'ascendant.

"Le private equity est moins impacté par la volatilité et les remous", dit Jeff Raich, co-président de la banque d'investissement Moelis.

Même s'il est toujours possible que la tendance des M&A se retourne pour le mieux en 2019, pour autant que le sentiment économique s'améliore, les professionnels se préparent à se serrer un peu la ceinture.

"Alors que 2018 se termine, il y a des signes avant-coureurs d'un tassement et il est probable que nous sommes à la fin du cycle haussier qui a commencé en 2014", note Robert Leitao, directeur du conseil chez Rothschild.

(Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Joanny)

par Liana B. Baker et Pamela Barbaglia