Après une année 2020 riche en production, Xilam va bénéficier en 2021 d’une forte hausse des livraisons de programmes. C’est plus qu’un doublement du CA qui est attendu. Cette croissance est tirée par les plateformes SVOD et AVOD qui pourraient rapidement peser pour plus de la moitié de l’activité, contre moins d’un tiers en 2018. La directive européenne SMA qui favorise la production française et qui entrera en vigueur à partir d’avril 2021 assure également des débouchés croissants. Tour d’horizon avec le fondateur de ce studio d’animation français.

Marc du Pontavice, vous indiquez que la dynamique de production de Xilam n’a jamais été aussi forte. Pourtant, le titre Xilam ne réagit plus vraiment aux annonces…

"Notre chiffre d’affaires 2020 a probablement déçu mais il est peu représentatif de notre production et de notre dynamique commerciale. Il faut toujours avoir en tête que dans notre activité la livraison des programmes qui déclenche le chiffre d’affaires a 12 à 18 mois de retard sur la production d’images. Nous avons en quelque sorte stocké beaucoup de chiffre d’affaires qui ne se voit pas encore, auquel s’ajoutent des effets de cut-off et des décalages de livraisons consécutifs au contexte sanitaire."

Quelles ont été les impacts de la crise sanitaire sur Xilam ?

"Le contexte n’a pas empêché Xilam de maintenir une forte activité de développement et de production. Seulement nous avons subi des décalages au niveau de la post-production de certaines séries (enregistrements des comédiens qui nécessitent leur présence et assemblage final) qui ont entraîné des décalages de livraison. Les produits tirés de notre catalogue ont par ailleurs pâti de la baisse de 34% sur l’AVOD (vidéo à la demande avec annonces publicitaires NDLR type Youtube) car si l’audience a été très bonne avec les confinements, les budgets des annonceurs ont été réduits, sans compter les nouvelles règles de diffusion de publicité ciblée sur Youtube. Heureusement, cette activité AVOD a commencé à reprendre de la vigueur dès le deuxième semestre et la demande des chaînes TV traditionnelles a largement compensé puisque notre CA catalogue a pu rebondir à 8,6M€ après un trou ponctuel en 2019."

Histoire 20 ans

20 ans de croissance pour devenir un acteur mondial de l’animation

(source : Xilam, présentation de février 2021)

Vous avez indiqué que les plus de 250 demi-heures en cours de production vous permettaient de confirmer viser des produits d’exploitation cumulés sur 2020-2021 de 78M€. Cela signifie que vous visez un passage de 24.6 M€ à plus de 53 M€ de produits d’exploitation entre 2020 et 2021. De quoi atteindre une rentabilité record ?

"Nos charges contiennent un certain nombre de charges fixes qui ne sont pas immobilisées et qui sont essentiellement des charges de commercialisation, et principalement des charges d’amortissement puisque dans notre métier nous immobilisons nos coûts de production que nous amortissons à la livraison en moyenne à hauteur de 60/70% selon les séries et les espérances de recette futures, le solde étant amorti sur une période de 10 ans maximum selon les perspectives de recettes futures révisées chaque année. Nous devrions retrouver en 2021 notre rentabilité opérationnelle courante de l’ordre de 30% que je considère comme normative pour le modèle économique de Xilam."

Pourquoi n’y a-t-il pas plus d’effet de levier opérationnel dans votre modèle économique ?

"La forte croissance pèse sur notre rentabilité car en produisant plus nous amortissons plus. Nous restons prudents dans notre méthode d’amortissement des œuvres chez Xilam, malgré des préfinancements de plus en plus importants. Par ailleurs, l’intégration de Cube a eu un effet dilutif sur nos marges en 2020 et il faudra attendre 2023 pour que la montée en gamme et la hausse des productions propriétaires permettent à ce studio d’atteindre le niveau normatif de rentabilité de Xilam."

Total des produits d’exploitation cumulés / prévisionnels cumulés incluant les Autres produits opérationnels courants (dont CIA).

(source : Xilam, présentation de février 2021)

Les revenus issus du catalogue, qui sont les plus générateurs de profits, ont repris le chemin de la hausse en 2019. Est-elle durable ?

"Effectivement, les ventes catalogues, surtout quand elles portent sur les œuvres les plus anciennes, totalement amorties, impactent directement la rentabilité. Conjoncturellement, la crise publicitaire est plutôt derrière nous et structurellement, nos productions croissantes alimentent le catalogue. Les ventes catalogue devraient donc augmenter en absolu, mais pas en relatif dans les années à venir.

Quelle est la part des productions qui rejoint le catalogue Xilam après la livraison ?

"Toute production propriétaire rejoint le catalogue un an après la livraison. Or, à quelques exceptions près, comme Chip&Dale que nous avons réalisé pour le compte de Disney+, nos nouvelles productions nous appartiennent. Une fois en catalogue, selon la durée des préventes auprès des clients qui ont financé la production, le décollage des revenus catalogue pourra prendre plus ou moins de temps et durer plus ou moins longtemps selon les canaux de diffusion, les pays et les séries."

Comment le paysage concurrentiel de Xilam évolue-t-il ?

"Le monde de l’animation reste très atomisé. En France par exemple, nous sommes leader et pourtant nous ne pesons que 15% du marché. Les plateformes de streaming prennent une place énorme et créent une véritable rupture sur notre marché car elles cherchent à travailler avec des acteurs très établis. Cela oblige un certain nombre de petits acteurs locaux à se réorganiser. La concentration est donc en marche aux Etats-Unis, et cela viendra en Europe comme on a pu l’observer dans la fiction. Il n’y a pas encore de gros studios en Europe. Les plus gros sont en France, en Italie (Mondo et Rainbow) et au Royaume Uni. Ce sont ceux-là qui sont structurés pour travailler avec les grandes plateformes. Ailleurs, il n’y a pas 10 acteurs comme Xilam."

Etes-vous toujours en recherche d’acquisition ?

"Nous souhaitons être acteur de cette concentration, l’idée étant d’être ultra-sélectifs dans nos acquisitions et d’amener à un haut niveau de technicité et de rentabilité les studios rachetés. Nous sommes satisfaits de l’intégration de la société Cube dans laquelle nous sommes montés sur l’exercice de 50,1% à 67% du capital de Cube avec toujours l’intention de monter à 100% dans les prochaines années, pour un montant total de 5 M€ , cohérent avec les multiples d’acquisitions visés de 1,5 à 2x le CA."

Comment évoluent vos prix de vente ?

"Le fait de travailler avec des plateformes a un impact très positif sur les prix et notre rentabilité, et ce malgré la hausse des budgets de production. Le rapport de force producteur-diffuseur est en ce moment à l’avantage des producteurs qui peuvent répondre à la demande."

Xilam est-il une cible ?

"Oui, mais nous ne sommes pas vendeurs, c’est trop tôt. Nous avons tellement à faire dans les 3 ans à venir avec ces nouvelles plateformes, sachant que Xilam va disposer d’un nouveau levier de croissance avec la transposition en cours de la directive européenne SMA en droit français. Celle-ci obligera en effet dès 2021 les plateformes de streaming à financer la création originale française à hauteur de 20% de leur chiffre d’affaires réalisé en France. Compte tenu d’un chiffre d’affaires des plateformes de streaming attendu autour de 3 milliards d’euros à l’horizon 2025, c’est près de 600 millions d’euros qui devraient annuellement irriguer la production française. Cette évolution réglementaire nous place dans une position très favorable."

Actionnariat

Actionnariat - Un groupe familial indépendant (source : Xilam, présentation de février 2021)