Aujourd'hui, le titre cote autour de 34 EUR. Ça reste mieux que son prix d'introduction de 21,50 EUR en septembre 2015, mais c'est trois fois moins que l'année dernière. Ce qui vaut au titre de figurer dans notre rubrique de losers magnifiques. L'action a perdu -50% cette année, -60% sur un an, -17% sur trois ans et -20% sur cinq ans. Tout en étant numéro un européen de son secteur. C'est balèze. On dirait presque du Alcatel grande époque (non, quand même pas).  

Comme je suis une buse en analyse technique, je pourrais demander à un des nombreux collègues compétents qui m'entourent le nom de la figure graphique que dessine l'action Zalando depuis deux ans. Mais je préfère suivre mon instinct et considérer puisqu'il paraît assez évident que nous sommes en présence d'un Totoro, une figure rarissime qui me semble tout à fait éloquente quant à la direction que va prendre ce titre dans les semaines à venir.

Totoro en version analyse graphique

Un Totoro presque parfait vient contrarier la moyenne mobile 200 avec Vénus en maison XII

Un leader européen venu d'Allemagne

Zalando est à l'origine un magasin de chaussures qui s'appelait Ifansho, créé en 2008. Le nom a rapidement évolué en Zalando. Pourquoi Zalando ? Il y a trois explications différentes sur Wikipédia en français, en anglais et en allemand. Mais elles ont toutes l'air fausses si l'on fait confiance à l'explication la plus rationnelle qui a été fournie par l'un des dirigeants. Les créateurs ont copié l'américain Zappos et la première entreprise de vente en ligne de l'un des fondateurs s'appelait Alando. Et zou, voilà Zalando. Si cette explication est trop barbante pour vous, vous pouvez penser que le nom vient de zalare (faire des blagues en italien) ou de zapatos (chaussures en espagnol), comme le suggère Wikipédia.

La présence européenne

Le groupe est leader sur plusieurs marchés européens (Source présentation Zalando)

L'entreprise a donc démarré dans les chaussures pour se diversifier dans toute la palette de la mode en ligne. Plus récemment, elle a amorcé un virage "place de marché", pour suivre une tendance mondiale qui rend le modèle économique plus agile et plus rémunérateur. Le marchand s'est aussi ouvert aux cosmétiques et aux vêtements d'occasion, pour aller chasser sur les terres d'autres marchands. Avec un chiffre d'affaires de 10,4 Mds€ en 2021, le groupe revendique environ 8% du marché européen de la vente en ligne d'articles de mode, avec pour objectif d'atteindre 10%. Parmi les "pure-player" positionnés sur le segment intermédiaire, c'est le plus gros acteur de la spécialité, face notamment à des acteurs comme Asos, Boohoo ou Otto. On retrouve aussi dans cet écosystème les principaux sites dits de "vente privée". Mais aussi d'autres poids-lourds sur le segment supérieur, comme Yoox et Farfetch, et à l'autre extrémité des géants de la "fast fashion", comme l'ogre chinois Shein ou son compatriote Alibaba avec AlieExpress ou plus récemment AllyLikes . Sans parler d'Amazon, qui n'est jamais loin.

Oh, la belle couette

Tiens, tiens, AliExpress vend une couette Totoro. Coïncidence, je ne crois pas (Copie d'écran AliExpress)

Le métier n'est pas de tout repos et la bataille est rude pour se maintenir dans le haut des pages de Google, assurer une logistique ultra-rapide et garantir à une clientèle exigeante des retours faciles (près de la moitié des produits expédiés sont retournés !). Zalando affiche une marge opérationnelle oscillant entre 2,80 et 6% sur la période 2014 à 2021, avec une moyenne à 4,12%. On est plutôt sur du constructeur automobile grand public que sur de l'éditeur de logiciels, si vous voyez ce que je veux dire. La génération de cash-flow est modeste, même si elle a été dopée en 2020 et 2021 par l'appétit forcé des consommateurs pour la vente en ligne.

N'en jetez plus

Le plongeon boursier de la société ces derniers mois est la conséquence d'un cocktail de mauvaises nouvelles. L'entreprise a perdu son sex-appeal de valeur-covid puisque le covid n'est plus vraiment la principale préoccupation des Occidentaux. Les investisseurs ont en plus eu le mauvais goût de découvrir qu'elle n'est pas immunisée contre les soucis d'approvisionnement et la hausse des coûts logistiques. En parallèle, les acteurs du secteur doivent investir lourdement dans les outils d'optimisation de la chaîne logistique, puisque leurs faibles marges ne laissent pas beaucoup de place à l'improvisation. Le ticket moyen de 56,50 EUR par client au 1er trimestre 2022 continue à baisser, ce qui se marie assez mal avec la hausse des coûts à l'œuvre en coulisses. Les analystes doutent d'ailleurs que Zalando atteindra ses objectifs cette année.

La rentabilité n'est pas folle
La rentabilité attendue dans les années à venir par les analystes n'est pas folle (Source Zonebourse avec S&P Capital IQ)

Les entreprises du secteur donnent l'impression d'être dans une perpétuelle fuite en avant pour garder la corde face à la concurrence, en proposant toujours plus de références, toujours plus de rapidité, toujours plus de facilités. Malheureusement, leurs efforts se télescopent actuellement avec une inflation sur les coûts logistiques et des pénuries qui pèsent sur les marges. Il me faut ajouter que les acteurs européens cherchent à améliorer leurs pratiques d'approvisionnement et leurs politiques sociales, alors que leurs concurrents asiatiques inondent sans complexe le marché de produits bas de gamme à prix incroyablement faibles.

Pas étonnant, dans ces conditions, que les entreprises du secteur soient sous pression. Sur un an, Boohoo a perdu 74%, Asos 70% et Zalando, donc 60%.

"Fallait pas l'inviter" identifie des entreprises qui traversent une passe compliquée en bourse. Sait-on jamais, elles pourraient s'en remettre ! Les derniers articles de la rubrique :