Paris (awp/afp) - Exigences de capital suspendues, tests de résistance et inspections reportés: les gendarmes européens de la finance ont allégé jeudi diverses contraintes réglementaires imposées, afin de leur permettre de soutenir l'économie mondiale face au coronavirus.

"L'épidémie de Covid-19 et sa propagation mondiale depuis février ont généré des défis immédiats significatifs pour la société et des risques pour les perspectives économiques", s'inquiète l'Autorité bancaire européenne (ABE) dans un communiqué publié jeudi.

Apparu en Chine, le virus affecte dorénavant tous les continents, sauf l'Antarctique, et perturbe la vie quotidienne et économique dans un nombre croissant de pays, tout particulièrement en Europe.

Dans ce contexte, l'Autorité bancaire européenne a décidé jeudi de remettre à 2021 une batterie de tests de résistance bancaire, lancés fin janvier et dont le résultat devait être dévoilé le 31 juillet.

À défaut, elle mènera cette année un exercice pour obtenir des informations actualisées sur les expositions des banques et la qualité de leurs actifs.

Cette décision "permettra aux banques de se concentrer sur leur coeur d'activité et d'en assurer la continuité, et notamment le soutien à leurs clients", juge l'ABE.

Elle recommande aux superviseurs nationaux "de planifier leurs activités de surveillance, y compris les inspections sur place, de manière pragmatique et souple, et de reporter éventuellement celles qui sont jugées non essentielles".

"Nous trouvons choquant de ne pas conduire les tests de résistance qui servent aux superviseurs à évaluer la solidité d'une banque en cas de crise, cela revient à conduire à l'aveugle", déclare à l'AFP Thierry Philipponnat, directeur de la recherche et du plaidoyer de l'ONG Finance Watch.

Surcouche de capital

L'EBA appelle également ces superviseurs à utiliser le cas échéant toute la latitude permise par la règlementation pour soutenir le secteur bancaire, premier financeur du secteur privé en Europe. Aux États-Unis, les entreprises se financent davantage sur le marché.

La Banque centrale européenne (BCE) a de son côté autorisé jeudi les banques de la zone euro à opérer temporairement en dessous de certaines exigences de fonds propres et de liquidité en vigueur.

En zone euro, chaque établissement de crédit doit présenter à tout moment un niveau minimal de fonds propres réglementaires.

S'y ajoutent d'éventuelles surcouches de capital définies par le superviseur ou les autorités macroprudentielles et des exigences supplémentaires fixées par le superviseur, en fonction des risques portés individuellement par les établissements.

C'est sur ces exigences supplémentaires que s'applique la décision de la BCE.

Cette dernière "permet temporairement aux banques d'avoir moins de fonds propres que ce qui est exigé" et d'alimenter partiellement ces coussins de sécurité avec des fonds propres de moindre qualité que ceux habituellement requis, comme du capital mis en réserve ou des actions de la banque, décrypte pour l'AFP Eric Dor, directeur de recherche à l'Institut d'économie scientifique et de gestion (IESEG).

Cette décision devrait être renforcée par un assouplissement prochain de certaines exigences de capital fixées par les superviseurs nationaux de chaque État-membre de la zone euro, ajoute la banque centrale, qui discute par ailleurs avec les banques de mesures plus individualisées.

Éviter une vague de défaillances

Parmi les solutions évoquées, le report de certaines inspections ou encore l'allongement des délais pour la mise en oeuvre de mesures de correction.

"Il est attendu des banques qu'elles utilisent les effets positifs liés à ces mesures pour soutenir l'économie, et non pour augmenter la distribution de dividendes ou les rémunérations variables", a toutefois mis en garde la BCE.

Pour éviter une vague de défaillances, les gardiens de l'euro ont aussi décidé jeudi d'accorder des "conditions nettement plus favorables" aux banques lors de prochaines opérations de prêts.

"Avec toutes ces mesures, on répond aux voeux du secteur bancaire, cela rend la situation extrêmement avantageuse", estime Eric Dor.

Finance Watch pour sa part s'interroge: "si à la première crise, les exigences mises sur le système bancaire ne sont pas suffisantes et qu'on est obligé de les relâcher, cela ne signifie-t-il pas qu'on a failli dans la construction d'un système bancaire suffisamment solide ?", s'interroge M. Philipponnat.

afp/rp