Rio de Janeiro (awp/afp) - La Banque centrale du Brésil devrait à nouveau abaisser mercredi son taux directeur, de 3% à 2,25%, selon une majorité de spécialistes, qui doutent néanmoins de l'efficacité de cette mesure pour atténuer l'impact économique du coronavirus.

Il s'agirait de la huitième réduction consécutive de ce taux, une mesure censée stimuler les investissements et la consommation quand l'inflation est sous contrôle.

Début mai, la Banque centrale avait déjà abaissé son taux de 0,75 point, tout en laissant entendre qu'elle ferait de même en juin.

Le Brésil vient d'enregistrer une inflation négative deux mois de suite, en avril (-0,31%) et en mai (-0,38%).

Le PIB a reculé de 1,5% au premier trimestre, mais la contraction devrait être bien plus importante dans les mois à venir, la Banque mondiale tablant sur une récession de 8% de la première économie d'Amérique Latine en 2020.

La production industrielle a déjà fortement chuté, de 18,8% en avril par rapport à mars.

Et malgré les réductions successives du taux directeur, qui se situe déjà à un plancher historique, le crédit n'a pas vraiment été facilité.

Le Brésil est un des pays au monde où il est le plus difficile d'emprunter, avec un taux moyen à 13% pour les entreprises.

"Pour les prochaines demandes de prêts, les taux devraient encore augmenter, en raison des risques accrus", a estimé en mai Octavio de Lazari Júnior, patron de la banque Bradesco, une des plus importantes du pays, dans un entretien à l'hebdomadaire Veja.

Pour les ménages les plus défavorisés, les taux sont encore plus prohibitifs, avec par exemple le "chèque spécial", une sorte d'autorisation de découvert pouvant atteindre plus de 300% d'intérêts sur un an.

"Avec des taux pareils, ça ne change rien de réduire le taux directeur de 0,75 point", explique Roberto Troster, du cabinet de consultants Troster & Associados.

"Le taux directeur n'a jamais été aussi bas, alors pourquoi une telle résistance du système financier à concéder des crédits?", s'interroge Jason Vieira, analyste chez Infinity Assets. "La Banque Centrale devrait se pencher sur ces modèles de crédit qui ne fonctionnent pas", ajoute-t-il.

Le Brésil est le deuxième pays au monde le plus touché par le coronavirus, après les Etats-Unis, aussi bien pour le nombre de décès (43.959) que pour les cas confirmés (888.271).

Ce pays de 212 millions est miné par l'absence d'une politique nationale de lutte contre la pandémie, que le président d'extrême droite Jair Bolsonaro ne cesse de minimiser, remettant en cause les mesures de confinement prises par les gouverneurs des Etats.

"Ces tensions politiques sont très mal vues par les investisseurs, qui ont besoin de stabilité", estime Mauro Rochlin, professeur d'Economie de la fondation Getulio Vargas.

afp/rp