De l’eau a coulé sous les ponts depuis les sorties conjointes de Michel Barnier, négociateur en chef pour Bruxelles, et le nouveau ministre du Brexit Dominic Raab. Le premier estimait réaliste, il y a dix jours, d’arriver à une entente d’ici « six à huit semaines » tandis que le second jugeait dans la foulée peu probable une absence d’accord.

Pourtant les difficultés sont encore nombreuses. Outre les tensions intérieures qui s’exercent sur le gouvernement conservateur, le cas de la frontière entre la République d’Irlande, pays membre de la zone Euro, et l’Irlande du Nord, nation du Royaume-Uni, semble particulièrement épineux. Theresa May aurait ainsi rejeté une nouvelle offre de l’UE sur cette question.

Le plan de Chequers établi au mois de juillet par la Première Ministre britannique ne conviendrait part ailleurs pas à l’Europe. Londres propose en effet la création d’une nouvelle « zone de libre échange » pour les biens et le secteur agro-alimentaire mais qui exclurait les services (80% de l’économie du RU) et les personnes. Si l’Allemagne a d’abord semblé prête à faire des concessions, Bruxelles reste très attachée à l’indivisibilité de son marché unique et ne transigera pas sur ce point fondamental.

Bien que le président du Conseil européen Donald Tusk ait salué une évolution positive dans les négociations, il a également confirmé que les propositions de Londres sur les futures relations économiques ne pourraient pas fonctionner. De la même façon, Emmanuel Macron a déclaré qu’elles n‘étaient pas acceptables en l’état.

Theresa May estime pourtant que son plan de sortie de l’UE est la seule alternative à un Brexit sans accord et vient de conclure le sommet de Salzbourg en affirmant que les négociations se trouvaient désormais dans une impasse, déplorant au passage l’absence de contre-proposition de la part de Bruxelles. Un comble pour la partie adverse qui se voit inviter à régler elle-même le problème des Britanniques.

L’hypothèse d’un nouveau référendum, souhaité par une frange massive de la population et de la classe politique outre-Manche, comme par l’ensemble des pays européens autour de la table, ne semble pas non plus être une issue possible à ce stade. Malgré des amendes infligées à plusieurs mouvements pro-Brexit pour non-respect des règles électorales pendant la campagne du référendum, Theresa May continue de marteler que le souhait du peuple exprimé dans les urnes ce 23 juin 2016 sera respecté.

Si un nouveau sommet se tiendra les 18 et 19 octobre, un autre rassemblement dédié au Brexit et destiné à sceller les négociations est prévu pour Novembre. En cas d’échec, Dominic Raab a déjà prévenu que le Royaume-Uni ne paiera pas l’intégralité de la facture liée au divorce (39 milliards de livres). Le FMI avertit qu’une sortie de l’UE sans accord « entrainerait des coûts importants » pour l’économie britannique. Et tant que Donald Trump sera aux affaires, pas sûr que Londres puisse compter sur le soutien de la Maison-Blanche pour traverser un tel fiasco.

Bruxelles dépend cependant aussi du marché britannique, notamment au niveau des secteurs de l’automobile ou de l’énergie, et un Brexit dur n’arrangerait donc définitivement personne, signe que de nouvelles concessions pourraient émerger de part et d’autre à l’automne.

Du côté de la politique monétaire, la banque centrale joue la montre, reléguant la macroéconomie au second plan. Les argentiers de la BoE surveillent la réaction des entreprises, des ménages et des marchés aux différents développements autour du Brexit. Mark Carney estime que l’impact d’une potentielle absence d’accord serait comparable à celui de la dernière crise financière (2008-2009).

Graphiquement, La Livre trébuche de nouveau alors qu’elle avait entamé un rallye plutôt convaincant à la fin du mois d’Août.  Sur le couple EUR/GBP, les investisseurs particuliers se ruent en masse côté vendeur selon les données fournies par les brokers en ligne et ils sont désormais 90% à parier sur un retracement de la parité. Si le cours franchit 0.8970 GBP en clôture quotidienne, l’opportunité sera optimale pour rejoindre la fine frange des intervenants et viser un retour vers 0.9086 GBP. Notons que le trading de la devise britannique se destine toutefois aux opérateurs les plus audacieux par les temps qui courent alors que les rebondissements liés au Brexit vont s’intensifier et invitent plus que jamais à la prudence.