Des dizaines de cuisines communautaires à Gaza ont fermé leurs portes jeudi en raison d'un manque total de ravitaillement, privant ainsi des centaines de milliers de personnes d'une aide alimentaire vitale. Ce nouveau coup dur vient entraver davantage la lutte contre la faim grandissante dans l'enclave palestinienne.

Cette vague de fermetures est survenue quelques heures seulement après que l'ONG américaine World Central Kitchen (WCK) a annoncé avoir épuisé les ingrédients nécessaires à la préparation de repas gratuits, tout en se voyant empêcher par Israël d'acheminer de l'aide humanitaire.

Amjad al-Shawa, directeur du Réseau des ONG palestiniennes (PNGO) à Gaza, a confirmé à Reuters que la plupart des 170 cuisines communautaires de l'enclave avaient cessé leurs activités, faute de stocks, en raison du blocus israélien persistant.

Selon Shawa, la décision de la WCK, annoncée mercredi soir, conjuguée à la fermeture des cuisines communautaires jeudi, entraînera une diminution de 400 000 à 500 000 repas gratuits par jour pour les 2,3 millions d'habitants de Gaza.

« Tout le monde à Gaza a faim aujourd'hui. Le monde doit agir maintenant pour sauver la population », a-t-il déclaré à Reuters par téléphone depuis Gaza.

« Les cuisines encore ouvertes vont bientôt fermer. La catastrophe alimentaire dépasse l'entendement. Les gens perdent leur unique source de nourriture », a-t-il ajouté.

Ceux qui tentent de cuisiner par leurs propres moyens se plaignent quant à eux de la qualité de la farine encore disponible sur le marché.

« La farine est pleine d'acariens et de sable... On la tamise trois ou quatre fois, au lieu d'une seule, pour pouvoir la cuire », témoigne Mohammad Abu Ayesh, père de neuf enfants déplacé du nord de Gaza.

« NOUS SOMMES IMPUISSANTS »

Jeudi, le ministère de la Santé de Gaza a annoncé qu'au moins 105 personnes avaient été tuées en 24 heures lors de frappes israéliennes à travers l'enclave, l'un des bilans quotidiens les plus lourds en deux mois. Plus de 52 700 personnes ont été tuées par Israël depuis le début de la guerre, le 7 octobre 2023, selon le ministère.

Le conflit a débuté lorsque le Hamas a tué 1 200 personnes et pris 251 otages, selon les chiffres israéliens.

« Nous ne voulons pas en manger, mais nous nourrissons les enfants, pour eux. L'odeur est insupportable, même le bétail n'en voudrait pas, mais nous y sommes contraints, nous sommes impuissants », confie-t-il à Reuters.

Israël fait face à une pression internationale croissante pour lever le blocus de l'aide humanitaire, imposé en mars après l'échec d'un cessez-le-feu soutenu par les États-Unis qui avait suspendu les combats pendant deux mois.

Israël accuse plusieurs agences, dont l'ONU, de permettre à d'importantes quantités d'aide de tomber entre les mains des combattants du Hamas, qui, selon lui, s'en emparent au détriment des civils pour approvisionner leurs propres forces.

Le Hamas rejette ces accusations et accuse Israël d'utiliser la famine comme une arme contre la population, dont la majorité a déjà été déplacée au moins une fois durant ce conflit vieux de 19 mois.

À Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, Huda Abu Diyya, une Palestinienne, vient de rentrer d'une cuisine communautaire où elle a reçu ce que les responsables lui ont présenté comme le dernier repas pour sa famille.

« Sans la cuisine communautaire, nous serions morts. Pour nos enfants, que faire ?... Que vais-je leur donner à manger demain ? », confie-t-elle à Reuters.

« NOUS ALLONS MOURIR DE FAIM »

« Il n'y a plus rien ici. Tout est devenu hors de prix, nous n'avons plus rien. La situation est en dessous de zéro. Encore un peu comme ça, et nous mourrons de faim », ajoute-t-elle.

Il y a deux semaines, la plupart des habitants survivaient avec une ration quotidienne d'un repas et demi. Ces derniers jours, ils n'ont plus droit qu'à un seul repas par jour, dépourvu de viande, de légumes ou de tout élément nutritif essentiel, selon Shawa.

« Les repas gratuits sont généralement à base de riz ou de lentilles, mais ils risquent aussi d'être suspendus d'ici la semaine prochaine. Je crains de voir apparaître des décès parmi les personnes âgées, les enfants vulnérables, les femmes enceintes et les malades », alerte Shawa.

La multiplication des pillages visant les cuisines communautaires, les stocks des commerçants locaux et les locaux de l'ONU a poussé les forces de sécurité du Hamas à sévir contre les gangs locaux. Selon des sources proches du mouvement, le Hamas a exécuté au moins six membres de gangs la semaine dernière.

L'agence humanitaire de l'ONU, OCHA, estime que plus de 2 millions de personnes - soit la quasi-totalité de la population de Gaza - sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë. Les marchés sont à sec et les prix ont explosé, devenant inaccessibles pour la grande majorité. Un sac de farine de 25 kg (55 lb) se vend désormais autour de 500 $, contre 7 $ auparavant.