Depuis quelques séances, l’Euro Franc Suisse est la deuxième paire la plus traitée*, juste derrière EUR/USD, le couple phare du marché des changes. Les tailles engagées par les investisseurs retail n’ont jamais été aussi importantes depuis le fameux plancher de la BNS, autrefois fixé à 1.20 CHF. Des positions à 96% short*, c’est-à-dire pariant massivement sur une baisse du cours, assorties d'un prix d'entrée moyen de 1.1340 CHF. Une configuration qui déséquilibre la liquidité disponible et assèche les carnets d’ordres, principalement lorsque le marché des devises est le moins actif.

*chiffres collectés auprès de plusieurs brokers en ligne, constituant un échantillon représentatif du marché des spéculateurs particuliers, agissant principalement à horizon très court terme et avec un fort effet de levier

La dernière fois que de tels extrêmes furent constatés, sur fond de volumes extraordinaires, c’était en tout début d’année 2019. Le phénomène était même double puisqu’à la fois le Yen était totalement délaissé tandis que le Dollar australien s’attirait la faveur presque unanime des traders particuliers. Résultat : 98% du marché retail était long AUDJPY et un simple avertissement d’Apple sur la teneur de ses résultats trimestriels en séance asiatique, la période la moins liquide de la journée, a fait plonger la paire de 8% en quelques minutes. Un flash krach et une vague d’appels de marge plus tard, les prix trouvaient l’élan nécessaire pour revenir à leur niveau initial en seulement quelques heures.

Graphiquement, en cas de squeeze, la paire pourrait donc provisoirement effacer plusieurs niveaux successifs à 1.1475, 1.1548, 1.1623 et 1.1704 CHF. Cela dépendra du contexte : catalyseurs, liquidité disponible, comportement de l’Euro de façon intrinsèque, activité de la BNS. La Banque nationale suisse n’a jamais caché intervenir régulièrement sur le marché pour acheter des euros et presser le Franc à la baisse. Elle serait assurément l’une des grandes gagnantes d’un flash krach de la devise helvétique.

Notons enfin que nous ne cherchons pas ici à prédire l’avenir. Nous n’affirmons pas que tel ou tel évènement se produira. Nous évaluons simplement une probabilité et constatons que les conditions sont largement réunies pour se méfier du comportement de la paire dans les jours, voire les semaines qui viennent. Le marché doit retrouver un équilibre et les carnets de la liquidité. D’une façon ou d’une autre.

Un long squeeze déclencherait des appels de marge sur une forte proportion de comptes retail, un évènement profitable pour les contreparties avant un retour du cours à son niveau antérieur.

Un repli de la paire dès maintenant permettrait en revanche aux traders particuliers d’encaisser des profits, un scénario également possible, une hypothèse crédible mais à la probabilité infiniment plus faible, en particulier au regard des volumes engagés à ce stade par l’industrie professionnelle.