Après l'annonce par la BCE du maintien de sa politique monétaire très accommodante, largement anticipée, l'ex-directrice générale du Fonds monétaire international s'est employée à répondre aux interrogations des marchés et de la presse sur sa capacité à se distinguer de son prédécesseur, Mario Draghi.

"J'aurai mon propre style. Ne surinterprétez pas, ne jouez pas aux devinettes, ne faites pas de comparaisons. Je serai moi-même et donc probablement différente", a-t-elle dit aux journalistes lors de sa déclaration introductive.

"Vous n'êtes pas le seul public", a-t-elle ajouté en expliquant qu'elle voulait adopter un langage différent, moins technique, dans le but de diffuser le message de la BCE au plus grand nombre.

Elle a ensuite précisé que la BCE lancerait début 2020 une revue exhaustive de sa stratégie qui devrait être achevée avant la fin de l'an prochain, en s'appuyant sur de nombreuses sources, y compris la société civile et la recherche universitaire.

"L'objectif sera de ne pas simplement prêcher l'évangile que nous pensons maîtriser mais aussi d'écouter (...). Il n'y a pas de zone d'atterrissage préconçue à ce stade", a dit Christine Lagarde à propos de cette revue stratégique, comparable à celle déjà lancée par la Réserve fédérale américaine.

La présidente de l'institution a confirmé que cet exercice s'attacherait à des questions de fond telles que l'impact du progrès technologique et du changement climatique sur la politique monétaire ou encore la montée des inégalités.

UNE REPRISE LENTE MAIS RÉGULIÈRE EN VUE D'ICI 2022

La plupart des analystes s'attendent à ce que la BCE ne modifie pas sa politique monétaire en 2020, un pronostic que les décisions et les déclarations de la Fed n'ont fait que conforter mercredi, la banque centrale américaine laissant entendre qu'elle ne modifierait pas ses taux l'an prochain.

Christine Lagarde, qui a pris ses fonctions à la tête de la BCE début novembre, n'a fourni jeudi aucun élément susceptible de remettre en cause ce scénario d'un statu quo prolongé.

Le taux de refinancement de l'institution reste fixé à zéro et son taux de dépôt à -0,50%, son plus bas niveau historique.

Le communiqué https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2019/html/ecb.mp191212~06d84240ae.fr.html publié par le Conseil des gouverneurs laisse la porte ouverte à l'éventualité d'une baisse supplémentaire et réaffirme la volonté de la BCE de maintenir les taux "à leurs niveaux actuels ou à des niveaux plus bas" jusqu'à ce que les perspectives d'inflation "convergent durablement" vers son objectif, soit une hausse des prix légèrement inférieure à 2% sur un an.

La BCE avait annoncé en septembre de nouvelles mesures de soutien au crédit avec notamment la reprise - effective depuis le 1er novembre - de ses achats de titres, au rythme de 20 milliards d'euros par mois.

Ces achats continueront "aussi longtemps que nécessaire", a-t-elle répété jeudi.

Alors que plusieurs membres du Conseil avaient exprimé publiquement leur désaccord avec ces mesures il y a trois mois, Christine Lagarde a souligné sa volonté de favoriser le consensus.

"Une fois pour toutes, je ne suis ni une colombe, ni un faucon. Mon ambition est d'être cette chouette souvent associée à un peu de sagesse", a-t-elle dit.

La BCE a par ailleurs légèrement modifié ses prévisions économiques pour la zone euro, disant tabler pour 2020 sur une croissance de 1,1% seulement, contre 1,2% prévu en septembre.

Pour 2022, année pour laquelle il s'agit de ses toutes premières prévisions, la BCE attend une croissance de 1,4% et une inflation à 1,6%.

La perspective d'une reprise lente mais régulière a permis aux rendements obligataires et aux valeurs bancaires de la zone euro de progresser tandis que l'euro enregistrait une brève poussée à la hausse, inscrivant un plus haut de cinq semaines à 1,1154 dollar avant de revenir à 1,1120.

(Balazs Koranyi, version française Marc Angrand)

par Balazs Koranyi et Francesco Canepa