WASHINGTON (Reuters) -La Réserve fédérale a abaissé mercredi l'objectif des taux des "fed funds" de 50 points de base à 4,75%-5,00%, évoquant l'importance de soutenir l'activité américaine, ce alors que l'inflation retourne vers sa cible de 2% et que les marchés du travail se sont normalisés.
"Les risques à la hausse sur l'inflation sont moindres, et les risques sur les marchés de l'emploi plus importants", a justifié le président de l'institution, Jerome Powell, à l'occasion d'une conférence de presse, insistant sur la "patience" de la Fed, l'une des dernières banques centrales de pays développé à assouplir sa politique monétaire.
Pour autant, Jerome Powell estime que la banque centrale n'est pas en retard sur l'économie, estimant que cette "recalibration permettra de maintenir la force de l'économie et des marchés du travail", proches du plein emploi selon le dirigeant.
La décision de la banque centrale pourrait néanmoins interroger sur le signal envoyé sur l'économie américaine, car une baisse de taux de cette ampleur peut suggérer qu'un assouplissement rapide est nécessaire pour éviter d'étouffer l'activité par des taux trop restrictifs.
"Le moment durant lequel il convient de soutenir les marchés de l'emploi est lorsqu'ils sont forts", a souligné Jerome Powell, ajoutant qu'il n'était "plus besoin de voir les marchés du travail s'affaiblir davantage pour pouvoir ramener l'inflation à sa cible".
"Je ne vois rien dans l'économie qui suggère actuellement que les risques d'une récession seraient élevés", a précisé le président de la Fed.
La banque centrale devrait donc continuer d'assouplir sa politique monétaire, décidant réunion par réunion de l'ampleur d'une éventuelle baisse.
"Il ne faudrait pas imaginer que l'assouplissement monétaire se fera à un rythme comparable à celui d'aujourd'hui", a précisé le président de la Fed.
"Nous sommes à un moment important: l'inflation et les taux d'intérêts diminuent, ce alors que l'économie demeure résistante", a commenté le président américain, Joe Biden, qui s'exprimera jeudi sur l'activité américaine.
La baisse des taux est une "bonne nouvelle pour les américains qui ont souffert des prix élevés", a déclaré la vice-présidente américaine et candidate démocrate à l'élection présidentielle, Kamala Harris.
La décision de mercredi a été prise à l'unanimité moins une voix, celle de la gouverneure Michelle Bowman, a précisé la banque centrale. C'est la première fois qu'un membre du comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) s'oppose à une décision depuis 2005.
RECUL DE L'INFLATION
Les projections mises à jour de la Fed montrent que les membres du conseil des gouverneurs prévoient 50 points de base d'assouplissement supplémentaire cette année, 100 pb en 2025 et 50 pb en 2026, et un taux terminal à 2,9% contre 2,8% attendu en juin.
Le taux de chômage attendu fin 2024 a été révisé légèrement à la hausse, à 4,4% contre 4,0% vu précédemment.
Le taux de croissance est revu en baisse pour 2024, à 2,0% contre 2,1% prévus en juin, tandis que la prévision de croissance pour 2025 est maintenue à 2%. L'inflation PCE sous-jacente est attendue à 2,6% en 2024, contre 2,8% attendu en juin, puis 2,2% en 2025, contre 2,3% prévus précédemment.
Les observateurs estiment que la Fed éloigne, par sa décision, les risques d'un retournement de l'activité.
"Ce signal accommodant devrait atténuer les inquiétudes du marché selon lesquelles la banque centrale avait pris du retard, alors que des fissures commencent à apparaître sur le marché du travail américain", estime James McCann, économiste en chef adjoint d'abrdn.
De fait, les rendements ont progressé aux Etats-Unis suite à la décision, le rendement du 10 ans touchant un plus haut depuis le 10 septembre au cours de la séance, signe que les opérateurs jugent moins probables les risques d'un fort ralentissement de l'économie.
"La priorité est claire: ramener la politique monétaire à un niveau plus proche du taux neutre afin de limiter les risques de récession", ajoute James Knightley, chef économiste pour les Etats-Unis chez ING.
Les marchés monétaires parient désormais sur 70 pb de baisse d'ici décembre.
Les économistes interrogés par Reuters estimaient en grande majorité que la banque centrale abaisserait ses taux de 25 points de base au cours de sa réunion de septembre.
(Ann Saphir, Howard Schneider, rédigé par Corentin Chappron, édité par Jean-Stéphane Brosse)