"Etant donné qu'il existe une forte probabilité que des négociations aient lieu ou non avec l'Iran dans un futur proche, je prendrai ma décision d'y aller ou non dans les deux prochaines semaines". C’est la déclaration de Donald Trump, lue jeudi en conférence de presse, par la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt. Il n’aura donc fallu que 48 heures au président américain pour se décider. Dans la nuit de samedi à dimanche, les Etats-Unis ont bombardé les trois principaux sites nucléaires iraniens : Fordo, Natanz et Ispahan. C’est une escalade majeure dans le conflit entre l’Iran et Israël. C’est aussi une décision qui a pris tout le monde de court.

A la fin de la semaine dernière, il y avait un consensus chez les observateurs pour dire que cet horizon des deux semaines était surtout un moyen pour Washington de reprendre la main sur le narratif et de se donner du temps. D’autant que cette ficelle des deux semaines a déjà été utilisée plusieurs fois par Donald Trump, notamment sur les droits de douane ou la guerre en Ukraine. Selon un décompte réalisé par NBC, cette échéance a été brandie douze fois au cours des deux derniers mois.

Sachant qu’il ne s’est généralement pas passé grand-chose à l’issue des précédents ultimatums, tout le monde était un peu sceptique sur l’implication directe des Etats-Unis. Les marchés n’avaient d’ailleurs que peu réagi depuis le début du conflit. Entre le déclenchement de l’offensive israélienne, le 13 juin, et la clôture de Wall Street vendredi, le S&P500 n’a reculé que de 1%. Sur cette période, les actifs refuges n’ont pas connu non plus de mouvements majeurs : le dollar a légèrement progressé ; l’or et le 10 ans américain ont même un peu corrigé. Seul le pétrole est fortement remonté. Mais à 77 dollars le baril de Brent vendredi soir, le marché n’anticipait pas non plus un scénario de crise majeure.

Jusqu’ici, les marchés continuaient à parier sur le fait que Donald Trump finit toujours par reculer ; c’est le fameux "TACO trade". C’est peut-être avec ce prisme qu’il faut lire sa décision du week-end : le besoin de restaurer sa propre crédibilité. Car sur le fond, Donald Trump a toujours pourfendu les "guerres sans fin" de ses prédécesseurs, et sa base est opposée à toute intervention militaire extérieure. C’est donc un énorme risque qu’il prend. A la fois pour lui, politiquement, mais aussi et surtout pour l’ensemble du Moyen-Orient.

Tout dépendra maintenant de la réponse de l’Iran. Donald Trump semble prendre le pari que l’anéantissement des installations nucléaires, qu’il revendique, contraindra Téhéran à négocier les termes de sa reddition. Mais l’Iran pourrait au contraire mettre à exécution ses menaces de longue date : frapper les bases américaines dans la région, ou déstabiliser l’approvisionnement en hydrocarbures, soit en bloquant le détroit d’Ormuz, soit en ciblant les infrastructures des pays du Golfe, alliés de Washington.

Mais pour l’heure, le scénario central des investisseurs est un peu celui de Donald Trump : les frappes américaines vont mettre fin au conflit. L’Iran, très affaibli, n’a d’autre choix que de chercher la paix.

C’est en tout cas ce qui ressort des réactions de marché très mesurées, ce matin. Les indices européens ont ouvert en légère baisse, les futures US sont autour de l’équilibre. Le pétrole, de son côté, a déjà effacé une bonne partie de ses gains, malgré une ouverture en hausse.