New York (awp/afp) - L'euro, après avoir plongé à un plus bas en presque trois ans face au dollar à la mi-février, a effectué un vif rebond accentué lundi par l'anticipation d'une baisse des taux imminente aux Etats-Unis.

La devise européenne a culminé en cours de séance à 1,1185 dollar (+1,4%), un niveau inédit depuis janvier, et à 87,42 pence pour un euro, au plus haut depuis la mi-octobre et la conclusion d'un accord sur le Brexit entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Le dollar a longtemps profité de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine, plus restrictive, ce qui le rendait plus rémunérateur et donc plus attractif pour les cambistes.

Mais avec la propagation du nouveau coronavirus, les investisseurs craignent de plus en plus un choc économique.

La maladie a dépassé lundi le bilan des 3.000 morts. Et si l'épidémie de Covid-19 semble faiblir en Chine, où des mesures de quarantaine draconiennes visant plus de 50 millions de personnes ont été prises, elle continue de s'aggraver dans plusieurs pays.

L'OCDE, première grande institution internationale à publier une prévision d'impact économique de l'épidémie, a ramené lundi sa prévision de croissance planétaire de 2,9% à 2,4% pour 2020.

Dans ce contexte, les cambistes anticipent que la Banque centrale américaine montera au créneau pour atténuer les conséquences négatives de la crise sanitaire, en baissant ses taux.

Le président de la Réserve fédérale Jerome Powell a de fait pris vendredi l'initiative inhabituelle de publier un communiqué assurant que l'institution utiliserait les outils à sa disposition pour soutenir l'économie.

Les investisseurs évaluent désormais à 100% la probabilité d'une baisse des taux d'un demi-point de pourcentage --un geste rare-- lors de la prochaine réunion de la Fed, selon l'évaluation des produits à terme de CME Group.

Ils ont été confortés dans cette idée par la parution d'un indicateur montrant que l'activité du secteur manufacturier aux Etats-Unis avait ralenti en février après avoir enregistré en janvier un rebond marqué.

De quoi inciter nombre de cambistes à vendre du billet vert pour acheter de la monnaie unique.

Ajustements de portefeuilles

Dans le même temps, la grande incertitude régnant autour des conséquences de l'épidémie de pneumonie virale sur l'économie mondiale incite les acteurs du marché à ajuster leurs portefeuilles et à réduire les risques.

Or, rappelle Shaun Osborne, spécialiste du marché des changes pour ScotiaBank, "beaucoup d'investisseurs avaient d'une part fait des paris à la baisse sur l'euro", et cherchent en conséquence à en racheter en urgence pour éviter de perdre trop d'argent.

D'autre part, "beaucoup avaient utilisé l'euro pour acquérir des devises aux rendements plus élevés comme le dollar canadien ou le peso mexicain", indique-t-il.

Dans ces opérations spéculatives, les investisseurs empruntent de l'argent dans une devise où le taux d'intérêt est faible, comme c'est le cas actuellement dans la zone euro ou au Japon, pour le replacer dans une devise qui rapporte un taux d'intérêt plus élevé.

Mais dans un marché fébrile, comme c'est le cas actuellement, les investisseurs cherchent à se défaire de ces paris jugés plus risqués, ce qui par ricochet bénéficie à l'euro.

L'euro profite ainsi de la même dynamique qui fait du yen une sorte de "valeur refuge", abonde Matt Weller, analyste chez Gain Capital.

Si la devise européenne monte face aux autres grandes devises sur le marché mondial, "ce n'est certainement pas grâce à l'économie (de la zone euro, NDLR), qui reste embourbée dans une croissance lente et garde un taux de chômage élevé, malgré des taux d'intérêt négatifs et des programmes agressifs de rachats d'actifs" menés par la Banque centrale européenne, remarque-t-il.

Selon Neil Wilson, analyste pour Markets.com, interrogé par l'AFP, ce même raisonnement peut s'appliquer pour expliquer la chute de la livre, le marché tablant sur une baisse prochaine du taux d'intérêt, là où "la BCE ne va pas, ou plutôt ne peut pas couper aussi nettement" dans ses taux.

Avec des taux directeurs nuls, et même négatifs, la Banque centrale européenne dispose en effet de moins de marge de manoeuvre pour agir et le rendement de l'euro est donc moins menacé.

afp/rp