GENEVE (Reuters) - Les ministres des Affaires étrangères américain et russe se rencontrent ce vendredi à Genève, en Suisse, pour discuter des tensions croissantes à propos de l'Ukraine, après une série de réunions entre les Occidentaux et Moscou la semaine dernière qui n'ont pas permis d'avancer vers une issue à la crise.

En amont de son arrivée à Genève pour y rencontrer son homologue Sergueï Lavrov, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a effectué plusieurs escales en Europe pour s'assurer de la volonté des alliés des Etats-Unis à frapper de sanctions la Russie si celle-ci décide d'envahir l'Ukraine.

La volonté de Washington d'afficher un front commun face à Moscou a toutefois été mise à mal par les propos ambigus du président américain Joe Biden, qui a prédit mercredi que la Russie allait lancer une offensive contre l'Ukraine et qu'elle en paierait les conséquences.

S'exprimant lors d'une conférence de presse à la Maison blanche, il a suggéré que des divisions pourraient apparaître chez les Occidentaux sur la réponse à apporter en cas d'"incursion mineure" russe en Ukraine.

La Russie a déployé des dizaines de milliers de soldats à la frontière ukrainienne, alimentant les craintes de l'Occident sur une nouvelle offensive après l'annexion de la péninsule de Crimée en 2014.

Moscou nie toute intention agressive mais a toutefois prévenu qu'il pourrait prendre des mesures militaires - sans préciser lesquelles - si l'Occident ne répondait pas favorablement à ses demandes sécuritaires, dont la garantie que l'Otan ne permettra jamais à l'Ukraine de la rejoindre.

Interrogé sur les commentaires de Joe Biden, le porte-parole du Kremlin a déclaré que la Russie recevait des avertissements similaires depuis au moins un mois.

"Cela ne contribue aucunement à apaiser les tensions qui sont apparues en Europe et peut, en outre, contribuer à la déstabilisation de la situation", a dit Dimitri Peskov.

En visite à Kiev mercredi, Antony Blinken s'est évertué à rassurer l'Ukraine du soutien des Etats-Unis, tout en indiquant que le président russe Vladimir Poutine pourrait lancer "à très courte échéance" une attaque contre l'Ukraine.

Le chef de la diplomatie américaine s'est par la suite entretenu, à Berlin, avec des représentants allemands, français et britanniques d'efforts pour désamorcer la crise ukrainienne.

UNE "CERTAINE IRRITATION"

Des discussions bilatérales entre représentants américains et russes, en début de semaine dernière à Genève, puis en format plus large avec les pays de l'Otan, n'ont pas permis d'apaiser les tensions.

Alors que Moscou voit comme une "ligne rouge" une possible adhésion de l'Ukraine à l'Alliance transatlantique, Washington et ses alliés rejettent fermement l'idée que la Russie puisse avoir son mot à dire sur la question et refusent de faire une telle promesse.

Plusieurs représentants américains ont dit s'attendre à peu de résultats concrets lors de la réunion de vendredi.

Dénonçant ce qu'il a qualifié de "désinformation" de la part de la Russie afin de déstabiliser l'Ukraine, Antony Blinken a déclaré jeudi que les efforts diplomatiques effectués cette semaine lui permettraient de présenter à son homologue la position commune des Occidentaux et d'exhorter Moscou à faire marche arrière.

"Cette unité nous donne de la force - une force, puis-je ajouter, que la Russie n'a pas et ne peut égaler", a dit le secrétaire d'Etat américain.

"Et c'est pour cela (...) que je serai en mesure de présenter une opinion commune, une préférence partagée, de la part des Etats-Unis, de nos alliés européens et de nos partenaires, pour trouver une marche à suivre diplomatique vers une désescalade de ce conflit".

Parmi les alliés des Etats-Unis, toutefois, certains s'inquiètent depuis les commentaires de Joe Biden que Washington soit disposé à laisser à Moscou une certaine marge de manoeuvre afin d'éviter une invasion à grande échelle de l'Ukraine.

Réagissant semble-t-il aux propos de son homologue américain, le président ukrainien Volodimir Zelenski a déclaré jeudi via Twitter qu'"il n'y a pas d'incursions mineures et de petits pays. De même qu'il n'y a pas de bilans mineurs et de chagrin léger après la perte d'êtres chers".

Une analyste ukrainienne du centre de réflexion Chatham House, à Londres, a déclaré que la réunion de Genève offrait une occasion aux Etats-Unis de clarifier les propos de Joe Biden, à condition qu'Antony Blinken soit autorisé à le faire.

Il y a, à Kiev, une "certaine irritation" que les Occidentaux n'ont pas transformé les paroles de soutien en actions plus concrètes, a dit par ailleurs Orissia Loutsevich.

(Reportage Simon Lewis, avec Alexander Ermochenko à Donetsk et Mark Trevelyan à Londres; version française Jean Terzian)

par Simon Lewis