par Simon Lewis et Sabine Siebold

BERLIN, 20 janvier (Reuters) - Les pays occidentaux ont procédé jeudi à une démonstration d'unité sur leur volonté de répondre de façon concertée et vigoureuse à toute forme d'offensive russe en Ukraine, tentant de redresser le tir au lendemain de propos du président des Etats-Unis Joe Biden suggérant que des divisions pourraient apparaître en réponse à une "incursion mineure".

Tout franchissement de la frontière ukrainienne par des troupes russes ferait l'objet d'une réponse commune, "prompte (...) et sévère", a assuré le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, à Berlin, où il s'est entretenu dans la matinée avec les ministres des Affaires étrangères Annalena Baerbock (Allemagne), Jean-Yves Le Drian (France) ainsi que le vice-ministre britannique James Cleverly.

Lors d'une conférence de presse aux côtés de son homologue allemande, Antony Blinken a précisé que Washington et ses alliés travaillaient ensemble à une réponse coordonnée à toute action déstabilisatrice susceptible d'émaner de la Russie.

"Nous prions instamment la Russie de s'engager vers une désescalade", a renchéri la cheffe de la diplomatie allemande lors de cette conférence de presse commune en prévenant que toute agression russe aurait de "graves conséquences".

"Il ne s'agit de rien de moins que de maintenir la paix en Europe", a-t-elle souligné.

A la veille d'une rencontre à Genève entre Antony Blinken et son homologue russe, Sergueï Lavrov, d'autres voix se sont élevées pour étouffer toute suspicion de division.

"NI INCURSIONS MINEURES, NI PETITES NATIONS"

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a elle aussi assuré que l'Union européenne répondrait par des "sanctions économiques et financières massives" en cas de nouvelles agressions contre l'Ukraine.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a quant à lui assuré que "le Royaume-Uni était totalement solidaire (pour défendre) la souveraineté et l'intégrité de l'Ukraine."

A Kiev, si les services de la présidence ukrainienne ont atténué la portée des propos de Joe Biden, le président Volodimir Zelenski a souligné dans un message sans ambages sur Twitter qu'il n'existait "ni incursions mineures, ni petites nations."

Parallèlement à ces démonstrations publiques d'unité, certains responsables ont fait part en privé de leur frustration au sujet des propos de Joe Biden, tout en relativisant l'impact de cette gaffe sur les projets de Moscou.

"Ça n'a pas aidé, en fait c'était un cadeau à (Vladimir)Poutine, mais nous ne devons pas y accorder trop d'importance. (Joe) Biden n'a pas donné un feu vert à Moscou pour attaquer l'Ukraine. Sa langue a fourché, et c'est la position officielle des Occidentaux qui s'appliquera", a déclaré une source sécuritaire occidentale.

GAFFE

Pour une autre source, "les Russes sauront exactement quel poids accorder aux propos de Joe Biden et le considéreront à sa juste valeur, c'est à dire comme une gaffe."

Lors d'une conférence de presse mercredi à la Maison Blanche, Joe Biden a déclaré s'attendre à ce que son homologue russe Vladimir Poutine lance une offensive contre l'Ukraine mais il a semblé suggérer que Washington et ses alliés pourraient diverger sur la réponse à apporter à une opération russe de moindre ampleur.

"La Russie sera tenue pour responsable si elle envahit - et cela dépendra de ce qu'elle fera", a dit Joe Biden. "C'est une chose s'il s'agit d'une incursion mineure et que nous nous retrouvons à nous disputer sur quoi faire ou pas, et cetera", a-t-il expliqué. "Mais s'ils font véritablement ce qu'ils sont capables de faire (...) ce sera un désastre pour la Russie si elle envahit l'Ukraine".

Le président américain s'est efforcé de préciser sa position jeudi en affirmant que "si n'importe quelle unité russe franchit la frontière ukrainienne, il s'agira d'une invasion", qui entraînerait selon lui des conséquences économiques "graves et coordonnées" avec les alliés de Washington.

De son côté, Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l'Otan, a assuré dans un entretien à CNN que la référence à une "invasion mineure" n'était "pas du tout" un feu vert donné une éventuelle invasion russe.

Il a précisé que les Etats-Unis et leurs alliés envisageaient actuellement "d'augmenter le déploiement de troupes de l'Otan dans la partie orientale de l'alliance".

Le déploiement ces derniers mois de dizaines de milliers de soldats russes à la frontière ukrainienne est à l'origine de tensions croissantes, les pays occidentaux craignant que Moscou ne prépare une nouvelle offensive contre ce pays, dans le sillage de l'annexion de la péninsule de Crimée en 2014 et du soutien accordé depuis aux séparatistes qui combattent l'armée ukrainienne dans la région orientale du Donbass.

La Russie dément toute intention de mener une nouvelle offensive en Ukraine mais prévient qu'elle pourrait engager une opération militaire non précisée si ses demandes de garanties sécuritaires ne sont pas prises en compte.

La Russie se juge menacée par le renforcement des liens entre Kiev et l'Occident et entend empêcher l'Ukraine d'adhérer à l'Otan.

Des discussions la semaine dernière entre les deux parties n'ont pas permis de progresser vers une sortie de crise. (Reportage Simon Lewis, Benoit Van Overstraeten, Marine Strauss et Dmitry Antonov, rédigé par Peter Graff ; version française Myriam Rivet, édité par Jean-Michel Bélot)