KYIV (Reuters) - Plusieurs millions d'Ukrainiens restaient privés de courant et de chauffage vendredi, deux jours après les frappes aériennes russes les plus destructrices visant le réseau électrique du pays, et à Kyiv, la population a été appelée à stocker l'eau, la nourriture et les vêtements chauds pour se préparer à de nouvelles attaques.

Moscou a déclaré que les frappes visant les infrastructures étaient justifiées d'un point de vue militaire et que l'Ukraine pouvait mettre fin aux souffrances de son peuple en cédant aux exigences russes. Kyiv parle pour sa part de crimes de guerre puisque les frappes visent délibérément la population civile.

"Nous avons enduré ensemble neuf mois de guerre à grande échelle et la Russie n'a pas trouvé le moyen de nous briser, et elle ne le trouvera jamais", a déclaré le président ukrainien, Volodimir Zelensky, lors de son allocution télévisée quotidienne jeudi soir.

Les frappes de mercredi se sont soldées par les plus importants dégâts enregistrés depuis le début du conflit il y a tout juste neuf mois, privant des millions de personnes d'éclairage, d'eau courante et surtout de chauffage alors que les températures en Ukraine sont devenues négatives.

Près de 48 heures après, Ukrenergo, l'opérateur du réseau électrique national, a déclaré que les capacités de celui-ci restaient inférieures de 30% à la demande.

"Priorité a été donnée aux infrastructures critiques dans toutes les régions: les chaufferies, les stations de distribution de gaz, l'approvisionnement en eau, les installations de traitement des eaux usées, les activités de transport de l'électricité dans certaines régions, a-t-il précisé.

Les trois centrales nucléaires situées en territoire sous contrôle ukrainien fonctionnent, a précisé Ukrenergo alors que les frappes de mercredi avaient conduit à leur arrêt simultané pour la première fois depuis 40 ans.

VLADIMIR POUTINE A REÇU DES MÈRES DE SOLDATS RUSSES

Volodimir Zelensky a aussi accusé Moscou de bombarder sans relâche Kherson, ville du sud de l'Ukraine abandonnée il y a quelques jours par les troupes russes. Sept personnes y ont été tuées et 21 autres blessées jeudi lors d'une attaque russe, selon les autorités locales.

Vendredi, le système de défense antiaérienne a été activé à Armiansk, en Crimée, la péninsule ukrainienne annexée depuis 2014 par la Russie, selon l'agence de presse russe Tass, qui cite un élu local.

Vue de l'espace, l'Ukraine apparaît désormais comme une tache sombre au coeur de l'Europe sur les images satellites diffusées par la Nasa.

La Russie assure qu'elle ne vise pas spécifiquement des civils mais des organisations internationales de défense des droits humains estiment que cette affirmation est contredite par les attaques à grande échelle lancées sur les infrastructures civiles.

"Des millions de personnes sont plongées par ces frappes dans des difficultés extrêmes et des conditions de vie terribles", a déclaré dans un communiqué Volker Türk, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, en rappelant que le droit international suppose "un avantage militaire spécifique et direct pour chaque cible attaquée".

Pour Nigel Povoas, procureur et membre de l'une des équipes d'experts internationaux qui assistent la justice ukrainienne dans les enquêtes sur des crimes de guerre présumés, "chaque vague de ces attaques tend à renforcer la solidité des allégations de crimes graves visant le Kremlin".

Le président russe, Vladimir Poutine, a reçu vendredi au Kremlin des mères de soldats envoyés en Ukraine et affirmé partager leur douleur.

Les alliés de l'Ukraine, tout en continuant de lui fournir des équipements militaires, lui apportent désormais de l'aide logistique et matérielle pour tenter de pallier une partie des dommages subis par ses infrastructures.

La France est ainsi en train d'acheminer en Roumanie 100 générateurs de forte puissance qui seront remis aux autorités ukrainiennes dans les prochains jours, a annoncé le ministère des Affaires étrangères. Au total, des pays de l'Union européenne prévoient de fournir 500 générateurs à Kyiv.

(Reportage Pavel Polityuk et Tom Balmforth, avec Stefaniia Bern, Ronald Popeski et les bureaux de Reuters; version française Marc Angrand, édité par Tangi Salaün)

par Max Hunder et Tom Balmforth