BEYROUTH (Reuters) - L'Iran envisage d'envoyer des missiles, des drones et davantage de conseillers en Syrie, a déclaré vendredi un haut responsable iranien, alors que les groupes rebelles poussent leur offensive éclair vers le sud, en direction de la ville de Homs, dans le plus grand défi lancé depuis des années au régime du président syrien Bachar al Assad.

Les insurgés ont émergé de leur bastion d'Idlib, dans le nord-ouest du pays, après des années derrière des lignes de front figées, réalisant la progression la plus rapide depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011 et poussant vers le sud jusqu'à Homs, une ville carrefour reliant la capitale Damas au nord et les bastions de Bachar al Assad le long de la côte.

Après Alep, dans le Nord, les rebelles ont conquis jeudi la ville de Hama dans le centre du pays, nouveau revers pour le président syrien Bachar al Assad.

En treize ans de guerre civile, la rébellion n'avait jamais réussi à s'emparer de cette localité stratégique verrouillant l'accès à Homs et Damas plus au sud.

S'emparer de Homs couperait la capitale de la côte, qui est depuis longtemps un bastion du président et où ses alliés russes disposent d'une base navale et d'une base aérienne.

"Il est probable que Téhéran doive envoyer des équipements militaires, des missiles et des drones en Syrie (...) Téhéran a pris toutes les mesures nécessaires pour augmenter le nombre de ses conseillers militaires en Syrie et déployer des forces", a déclaré un haut responsable iranien sous couvert d'anonymat.

"Aujourd'hui, Téhéran fournit des renseignements et un soutien satellitaire à la Syrie", a-t-il précisé.

Le chef de la faction qui mène l'assaut - Hayat Tahrir al Cham (HTC), ancienne branche syrienne d'Al Qaïda,- a pour sa part dit à CNN que son groupe avait pour objectif de "construire la Syrie" et de ramener les réfugiés syriens du Liban et d'Europe chez eux.

Il s'agit de la première interview d'Abou Mohammed al-Joulani depuis que Hayat Tahrir al Cham a commencé à reprendre des territoires aux forces du président syrien Bachar al Assad le 27 novembre dernier.

La Russie, l'Iran et le Hezbollah, principaux alliés du gouvernement syrien, ont été touchés par d'autres conflits ces derniers temps, de la guerre en Ukraine à l'offensive israélienne à Gaza, ce qui a permis aux groupes islamistes sunnites de lancer leur offensive.

Selon deux sources de sécurité libanaises, le Hezbollah a envoyé un petit nombre de "forces de supervision" du Liban vers la Syrie pendant la nuit pour aider à empêcher les combattants de s'emparer de la ville Homs.

Un officier militaire syrien et deux responsables régionaux proches de Téhéran ont également déclaré à Reuters que des forces d'élite de la milice chiite avaient traversé le Liban dans la nuit et pris position à Homs.

EMBOUTEILLAGES AU DÉPART DE HOMS

Les insurgés ont pour leur part affirmé avoir pris les villes de Talbisa et de Rastan, ce qui les place à quelques kilomètres de Homs.

Mazloum Abdi, le commandant en chef des Forces démocratiques syriennes (FDS) a pour sa part affirmé que l'État islamique, qui a semé la terreur dans de grandes parties de l'Irak et de la Syrie jusqu'à ce qu'il soit vaincu en 2017 par une coalition dirigée par les États-Unis, a pris le contrôle de certaines parties de l'est de la Syrie.

"En raison des récents développements, il y a une augmentation des mouvements des mercenaires de l'État islamique dans le désert syrien, au sud et à l'ouest de Deir Al-Zor et dans la campagne d'al-Raqqa", a déclaré Mazloum Abdi lors d'une conférence de presse.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG basée au Royaume-Uni, des milliers de personnes ont commencé à fuir jeudi soir vers les régions côtières de Lattaquié et de Tartous, des bastions du gouvernement syrien.

Un habitant de la région a déclaré que des milliers de personnes avaient commencé à arriver de Homs, craignant une avancée rapide des groupes rebelles.

Wasim Marouh, un habitant de Homs qui a décidé de ne pas partir, a déclaré que la plupart des principales rues commerçantes de la ville étaient vides et que seules quelques épiceries étaient ouvertes alors que des milices pro-gouvernementales parcouraient les rues.

Des milliers de familles ont quitté précipitamment la ville pendant la nuit, et des embouteillages ont bloqué la circulation pendant des heures.

ATTAQUES ISRAELIENNES

Vendredi matin, des frappes aériennes israéliennes ont touché deux postes-frontières entre le Liban et la Syrie, a déclaré le ministre libanais des Transports, Ali Hamieh.

L'agence de presse syrienne SANA a rapporté que le poste frontière d'Arida avec le Liban était hors service en raison de l'attaque.

L'armée israélienne a pour sa part annoncé avoir attaqué des sites de transfert d'armes et des infrastructures du côté syrien de la frontière libanaise pendant la nuit, affirmant que ces routes avaient été utilisées par le Hezbollah libanais pour faire passer clandestinement des armes.

Un officier de l'armée syrienne a déclaré à Reuters que des bombardements russes avaient également détruit le pont de Rustan le long de l'autoroute M5, principale route vers Homs, afin d'empêcher les groupes rebelles de l'utiliser.

"Il y a eu au moins huit frappes sur le pont", a-t-il ajouté. Les forces gouvernementales acheminent des renforts vers leurs positions autour de la ville, a-t-il ajouté.

Le président turc Tayyip Erdogan, soutien des insurgés soulevés contre Bachar al Assad, a déclaré pour sa part qu'il souhaitait que les rebelles poursuivent leur progression.

"Les avancées de l'opposition se poursuivent à l'heure actuelle (...) Nous espérons que cette marche en Syrie se poursuivra sans problème", a-t-il déclaré aux journalistes après la prière du vendredi.

Les ministres des Affaires étrangères de la Russie, de la Turquie et de l'Iran s'entretiendront sur la Syrie au Qatar le 7 décembre, a annoncé vendredi la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, rapporte l'agence TASS.

(Reportage Maya Gebeily ; avec la contribution de Clauda Tanios ; version française Diana Mandiá)

par Maya Gebeily, Suleiman Al-Khalidi et Parisa Hafezi