par David Randall

NEW YORK, 2 septembre (Reuters) - Les valeurs financières américaines n'ont plus la cote auprès des gérants de fonds commun de placement même si certains gérants "value" et des analystes continuent de voir des opportunités intéressantes dans le secteur.

Les fonds dits mutuels ont réduit en moyenne de 1,1 point de pourcentage leur participation dans les valeurs financières à environ 14% de leur portefeuille, soit la plus forte baisse sur un trimestre depuis au moins 2013, selon une étude récente de Goldman Sachs.

Le désamour pour les valeurs bancaires mais aussi les compagnies d'assurances et sociétés hypothécaires intervient alors que le secteur financier a sous-performé l'indice S&P-500 de plus de 5% depuis le début avril.

Beaucoup de gérants pensent que les banques ont déjà atteint leurs pics en termes de bénéfices. L'un des signaux d'alerte est pour eux l'aplatissement de la courbe des taux américains, avec les rendements des échéances courtes qui augmentent sur fond de hausse des taux de la Réserve fédérale tandis que ceux des maturités longues baissent en réaction aux inquiétudes sur la croissance et les tensions commerciales.

L'aplatissement de la courbe des rendements est préjudiciable aux bénéfices des banques.

Certains investisseurs craignent même une inversion de la courbe, avec les rendements à long terme qui passent sous ceux des échéances courtes, ce que beaucoup considèrent comme le signe annonciateur d'une récession.

"Plus la courbe des rendements s'aplatit et plus il est difficile de faire de l'argent", résume Ian McDonald, co-responsable de la recherche sur les valeurs financières chez Janus Henderson Investors, qui a 370,1 milliards de dollars (318,9 milliards d'euros) sous gestion. "Les fonds regardent et se disent que si la croissance ralentit, c'est le moment de sortir des financières", dit-il.

L'écart de rendement ("spread") entre le rendements des obligations à deux ans et celui des Treasuries à 10 ans est le plus resserré depuis 11 ans. La hausse des taux courts augmente les coûts de refinancement des banques alors que la baisse des taux longs limite les intérêts qu'elles peuvent demander sur des crédits.

Pour autant, Ian McDonald juge que des grands noms du secteur comme JPMorgan Chase and Co, Bank of America et Citigroup peuvent continuer de tirer leur épingle du jeu même si le secteur dans son ensemble perd de son attrait. Les grandes banques, explique-t-il, ont fortement investi dans des services en ligne et applications mobiles, ce qui les rend attractives auprès de la jeune génération des "millenials" et les fait moins dépendre de leur réseau d'agences plus coûteux.

"L'industrie américaine de la banque de détail est en train de passer de la phase post-crise de gestion du risque à celle de la fintech et de la gestion de l'expérience client", dit-il.

REGARDER VERS L'EUROPE

Ben Kirby, gérant du fonds Thornburg Investment Income Builder (15,4 milliards de dollars), dit lui se tourner vers des banques européennes comme la néerlandaise ING Groep pour profiter de leur décote après le mouvement de baisse qui a suivi le décrochage de la livre turque, laquelle a perdu plus de 40% de sa valeur cette année sur fond de tensions avec les Etats-Unis et de doutes sur l'indépendance de la banque centrale.

"Les Etats-Unis ont été le chouchou du marché depuis 10 ans et cela a conduit à des valorisations de plus en plus tendues dans un cycle économique de plus en plus mature", explique-t-il. "En Europe au contraire, le cycle est moins avancé et la croissance accélère davantage."

Les sociétés financières du S&P-500 se traitent à un ratio cours/bénéfice de 14,5 et gagnent 2,2% depuis le début de l’année, selon les données de Thomson Reuters. En comparaison, l'indice général S&P-500 se paie 22,06 fois les bénéfices échus et affiche une performance de près de 9% en 2018.

Le désamour pour les valeurs financières est général comme le montre le fonds indiciel Financial Sector Select SPDR, un ETF qui réplique la performance des valeurs financières du S&P-500 et qui a accusé des sorties de 1,7 milliard de dollars sur les quatre dernières semaines, selon les données de Lipper.

Même si les banques affichent des bilans plus solides qu'au début de la crise il y a 10 ans, "on peine à trouver une bonne raison d'investir dans les financières", convient Tom Plumb, gérant du Plumb Equity Fund (29,7 milliards de dollars).

Plutôt que des banques, Tom Plumb privilégie les émetteurs de cartes de crédit comme Visa et Mastercard, qui profitent de l'essor des achats en ligne.

Pour Kyle Martin, analyste chez Westwood Holdings Group, une firme de Dallas avec 21,6 milliards de dollars d'actifs sous gestion, la hausse des taux d'intérêt et l'aplatissement de la courbe des rendements font craindre une récession en 2020, ce qui rend les valeurs financières moins attractives.

Son pari dans le secteur est la banque d'investissement californienne Houlihan Lokey, appelée selon lui à profiter d'une activité accrue de fusion et acquisition dans les entreprises de taille moyenne si les conditions économiques deviennent moins favorables et que la menace la "disruption" technologique s'accroît. "Les grandes banques sont clairement plus sûres qu'il y a 10 ans mais on va bientôt voir leurs résultats commencer à baisser", avertit-il. (Véronique Tison pour le service français)