Le président sud-africain Cyril Ramaphosa se rend à la Maison Blanche ce mercredi pour une mission périlleuse : convaincre le président américain Donald Trump de conclure des accords avec son pays plutôt que de le réprimander et de le sanctionner, comme il le fait depuis le début de son second mandat.

En attaquant la loi sud-africaine sur la réforme foncière, destinée à réparer les injustices de l'apartheid, ainsi que la plainte pour génocide contre Israël déposée par Prétoria, Trump a annulé l'aide américaine au pays, expulsé son ambassadeur et offert l'asile à des Afrikaners blancs sur la base d'allégations de discrimination raciale que Prétoria juge infondées.

« La visite sera axée spécifiquement sur la redéfinition des relations bilatérales, économiques et commerciales », a indiqué le bureau de Ramaphosa avant sa rencontre avec Trump.

L'enjeu est de taille pour l'Afrique du Sud. Les États-Unis sont son deuxième partenaire commercial, derrière la Chine, et la coupe de l'aide a déjà entraîné une baisse des tests de dépistage du VIH, touchant principalement les femmes enceintes, les jeunes et les nourrissons.

« Que cela nous plaise ou non, nous sommes liés et nous devons dialoguer avec eux », a déclaré Ramaphosa à la télévision publique sud-africaine avant de s'envoler pour Washington.

Il proposera à Trump un vaste accord commercial, a indiqué un porte-parole du ministère du Commerce, sans donner davantage de détails.

Ramaphosa prévoit également d'évoquer les opportunités d'affaires pour Tesla et Starlink, entreprises appartenant à l'allié milliardaire de Trump, Elon Musk, né et élevé en Afrique du Sud, qui a accusé Ramaphosa de mener des politiques anti-blancs, ce que ce dernier rejette.

Trump devrait demander à Ramaphosa que toutes les entreprises américaines soient exemptées des « exigences raciales », selon un responsable de la Maison Blanche.

Selon la loi sud-africaine, les entreprises d'une certaine taille doivent détenir au moins 30 % de leur capital au profit de groupes défavorisés, dont les Sud-Africains noirs. Alternativement, elles peuvent investir un montant équivalent dans la formation ou d'autres initiatives.

Modifier ces lois pourrait s'avérer difficile pour Ramaphosa, car elles sont largement considérées comme conformes aux principes de justice raciale défendus par son parti.

Les discussions pourraient inclure des tarifs préférentiels pour les importations de Tesla en Afrique du Sud en échange de la construction de stations de recharge pour véhicules électriques, ainsi que l'octroi de licences pour Starlink, a précisé le porte-parole de Ramaphosa.

Le ministre de l'Agriculture, John Steenhuisen, qui accompagne Ramaphosa, a déclaré qu'il oeuvrerait à garantir l'accès en franchise de droits des agriculteurs sud-africains au marché américain dans le cadre de l'African Growth and Opportunity Act, menacé par la politique tarifaire de Trump.

UNE HISTOIRE DOULOUREUSE

Le décret signé par Trump le 7 février, attaquant l'Afrique du Sud, cite la loi sur la réforme foncière du pays et des « propos haineux et des actions gouvernementales » qui, selon lui, alimentent une violence disproportionnée contre les propriétaires terriens blancs.

Prétoria a répondu que « le fondement de ce décret manque de précision factuelle et ne reconnaît pas la profonde et douloureuse histoire de colonialisme et d'apartheid de l'Afrique du Sud ».

Trente ans après la fin de l'apartheid, les Blancs, qui représentent environ 7 % de la population sud-africaine, restent plus riches que la majorité noire (environ 82 %) selon tous les indicateurs économiques, et possèdent toujours les trois quarts des terres agricoles du pays.

Les statistiques criminelles ne montrent aucune preuve que les Blancs soient ciblés de manière disproportionnée. La loi sur la réforme foncière permet des recours judiciaires contre toute ordonnance d'expropriation, qui ne peut être prononcée que dans l'intérêt public. Aucune expropriation n'a encore eu lieu.

Ramaphosa dirigeait l'équipe de négociation de l'African National Congress lors des discussions dans les années 1990 qui ont conduit à une fin pacifique de l'apartheid, gagnant le respect à contrecoeur du dernier président blanc, F.W. de Klerk, qui saluait sa « langue d'argent et ses phrases mielleuses ».

Il aura besoin de ces talents pour convaincre Trump, mais pourra aussi s'appuyer sur son expérience d'homme d'affaires prospère, ayant créé l'un des plus grands fonds d'investissement noirs du pays avant de devenir président en 2018.

« C'est un homme d'affaires international, et je pense qu'il doit mettre en avant ce côté de sa personnalité », estime Jan Venter, enseignant en politique et relations internationales à l'université North-West d'Afrique du Sud.

Joshua Meservey, chercheur principal au sein du think tank conservateur américain Hudson Institute, estime que les minéraux stratégiques seront probablement abordés, car prioritaires pour Trump, mais prévient que la conclusion d'accords pourrait ne pas suffire à réparer la relation.

« Il existe des problèmes politiques qui sont au coeur de la rupture de la relation », affirme-t-il.