JERUSALEM/BEYROUTH (Reuters) -Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a exhorté dimanche les Casques bleus de l'Onu à quitter les zones de combats dans le sud du Liban, où des chars israéliens ont détruit la porte principale de la base de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) pour franchir la frontière.
La Finul a dénoncé de nouvelles "violations choquantes" de la part de l'armée israélienne, rapportant que des chars et des bataillons ont franchi dans la matinée la "Ligne bleue" séparant Israël et le Liban. Elle a dit avoir demandé des explications.
Dans un communiqué, l'armée israélienne a déclaré que l'un de ses chars a pénétré de plusieurs mètres à l'intérieur d'une position de la Finul après avoir tenté d'évacuer des soldats blessés dans des affrontements. Tsahal a ajouté que ses actions n'ont représenté aucune menace pour les Casques bleus.
Il s'agit d'un nouvel incident entre l'armée israélienne et la mission de maintien de la paix de l'Onu, dont plusieurs membres ont été blessés ces derniers jours dans des incidents distincts après des tirs de Tsahal.
Des puissances occidentales dont les Etats-Unis et la France ont condamné ces incidents, sur fond d'escalade des tensions au Proche-Orient alors qu'Israël a, en marge de son siège de la bande de Gaza, intensifié ses attaques à travers le Liban. Plusieurs hauts représentants du Hezbollah, dont son chef emblématique Hassan Nasrallah, ont été abattus.
En parallèle, Tsahal mène depuis près de deux semaines des opérations terrestres dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël, disant vouloir détruire les infrastructures du Hezbollah afin de permettre le retour dans le nord du pays des quelque 70.000 citoyens israéliens déplacés depuis un an par les tirs de roquettes du mouvement aligné sur l'Iran.
Selon le gouvernement libanais, plus de 2.100 personnes ont été tuées et 10.000 autres blessées dans des frappes israéliennes depuis le début des affrontements frontaliers, le 8 octobre 2023, dans la foulée de l'attaque du Hamas palestinien et de l'offensive israélienne à Gaza. La plupart de ces victimes ont été recensées au cours des trois semaines écoulées.
Plus de 1,2 million de personnes ont été déplacées par les bombardements intensifs d'Israël à travers le Liban, d'après le gouvernement libanais.
"BOUCLIERS HUMAINS"
Benjamin Netanyahu a demandé dimanche au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, d'ordonner le départ des Casques bleus des zones de combats dans le sud du Liban.
"Le temps est venu pour vous de retirer la Finul des bastions du Hezbollah et des zones de combats", a-t-il dit dans un communiqué adressé à Antonio Guterres, lequel a été déclaré plus tôt ce mois-ci indésirable en Israël.
"C'est ce que les forces israéliennes ont demandé à plusieurs reprises, et qui a été refusé à plusieurs reprises, avec pour effet de fournir aux terroristes du Hezbollah des boucliers humains", a ajouté le dirigeant israélien.
Le Hezbollah nie les accusations israéliennes selon lesquelles il considère les Casques bleus comme des otages, reprochant à Israël de vouloir le départ de la mission de la paix onusienne afin que celle-ci ne puisse pas surveiller les opérations militaires israéliennes.
La Finul compte environ 10.500 soldats envoyés par une cinquantaine de pays. Elle a été créée en 1978 pour superviser le retrait de l'armée israélienne du sud du Liban et pour aider le gouvernement libanais à restaurer son autorité dans la zone.
Une "Ligne bleue" définie par les Nations unies sépare Israël et le Liban depuis 2000, à la suite d'une longue occupation israélienne du Liban.
Israël reproche à l'Onu son incapacité à mettre en oeuvre une résolution adoptée dans la foulée de la guerre avec le Hezbollah en 2006 - la résolution 1701, selon laquelle les armes et soldats sont bannis des zones frontalières du sud du Liban, hormis l'armée libanaise. Celle-ci se tient traditionnellement à l'écart des affrontements entre Israël et le Hezbollah.
Le ministre israélien de la Défense a déclaré dimanche que les combattants du Hezbollah ne seraient pas autorisés à revenir dans des villages du sud du Liban. "Nous ne permettrons pas à ces terroristes de reprendre ces endroits", a dit Yoav Gallant dans une vidéo filmée à la frontière. "Cela est vital pour garantir la sécurité des habitants du nord" d'Israël.
CAPACITÉS DE SURVEILLANCE ENTRAVÉES
Cinq soldats de la Finul ont été blessés ces derniers jours dans des séries de frappes contre ses installations et son personnel. La Finul blâme l'armée israélienne pour la plupart de ces incidents.
La présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, parmi les principaux soutiens d'Israël en Europe de l'Ouest, a dénoncé dimanche les attaques israéliennes lors d'un entretien téléphonique avec Benjamin Netanyahu.
Elle a "réitéré qu'il était inacceptable que la Finul soit attaquée par les forces armées israéliennes", a rapporté le gouvernement italien dans un communiqué. Rome fournit à la Finul plus d'un millier de soldats, ce qui en fait l'un des principaux contributeurs.
Via le réseau social X, Benjamin Netanyahu a fait savoir qu'il a déclaré à Giorgia Meloni regretter "tout préjudice causé au personnel de la Finul" dans le sud du Liban. "Israël va tout faire pour éviter des dommages pour la Finul et va faire ce qu'il faut pour gagner la guerre", a-t-il dit.
Le ministre israélien des Affaires étrangères, Israel Katz, a rappelé dans la journée que l'Etat hébreu avait banni Antonio Guterres de son territoire, reprochant au secrétaire général de l'Onu de n'avoir pas condamné de manière adéquate l'attaque de missiles menée par l'Iran contre Israël le 1er octobre.
Reuters avait pu consulter, il y a plus de deux semaines, un message de l'armée israélienne demandant à la Finul de déplacer ses soldats de plus de 5 kilomètres en retrait de la frontière du sud du Liban, citant "le maintien de la sécurité" des Casques bleus.
Un porte-parole de la Finul a déclaré jeudi que des attaques contre une tour de contrôle, des caméras et des équipements de communication ont limité les capacités de surveillance de la mission onusienne.
Des sources au sein de l'Onu ont exprimé des craintes que les attaques israéliennes contre les installations de la Finul empêchent celle-ci de rendre compte de quelconques violations du droit international.
(James Mackenzie à Jérusalem, Laila Bassam à Beyrouth, Hatem Maher, Adam Makary et Ahmed Tolba au Caire, Tala Ramadan à Dubai, Michelle Nichols aux Nations unies; version française Jean Terzian)