Au début de l'année, les investisseurs faisaient peu de cas d'un durcissement des échanges commerciaux pour cette industrie en croissance séculaire. La donne a changé mi-juin quand l'administration Trump a étendu à certains semiconducteurs ses projets de surtaxes. Des escarmouches, mais pas encore de bataille rangée. Un coup d'œil à la structure du marché permet de comprendre pourquoi.

Une croissance plurisectorielle

Le marché mondial des semiconducteurs pesait 412 milliards de dollars en 2017, selon les données issues du World Semiconductor Trade Statistics. La ventilation par destination (graphique 1) montre que les communications représentent le débouché le plus important pour l'industrie, avec 32% des ventes, devant l'informatique (30,3%), les produits électroniques de grande consommation (13,6%), l'industrie / administration (13,1%, dont 12,1% pour la seule industrie) et l'automobile (11%), qui fait l'objet d'un traitement à part. 
 

Les débouchés du secteur des semiconducteurs (source WSTS)

Et la tendance reste particulièrement robuste. Le WSTS a annoncé en mai tabler sur une croissance solide de 12,4% en 2018 (463 milliards de dollars), puis de 4,4% en 2019 (484 milliards de dollars).
 

Les ventes mondiales de semiconducteurs depuis 1997 (Source WSTS & SIA)

L'industrie est largement globalisée

Une analyse plus en profondeur, fournie par la Semiconductor Industry Association, un groupement professionnel représentatif du secteur quoique très américano-centré, montre que les intérêts économiques des Etats-Unis et de la Chine sont convergents. C'est même un euphémisme. En 2017, les industriels américains des semiconducteurs réalisaient 46% des ventes mondiales, loin devant la Corée (22%), le Japon (10%) et l'Europe (9%). Les chinois de Chine pesaient 5% et ceux de Taiwan 6%.

Mais où les américains vendent-ils le plus leurs puces ? En Chine pardi, où ils détenaient l'année dernière 50,5% d'un marché de 131,5 milliards de dollars. Car l'ancien Empire du Milieu draine près du tiers des ventes de "semis" dans le monde (32% exactement), tandis que la région Asie Pacifique représente plus de 60% du marché (Graphique 3).
 

Le marché d'Asie-Pacifique, plus de 60% des ventes mondiales (source WSTS et SIA)

Attention, cela ne signifie pas que les entreprises américaines produisent toutes leurs puces sur le territoire américain. C'est même un peu moins de la moitié en réalité, les autres installations étant basées à Singapour, à Taiwan, en Europe at au Japon essentiellement. Mais l'export de semiconducteurs depuis les Etats-Unis pèse malgré tout 44 milliards de dollars, soit le quatrième poste de l'économie américaine, au coude à coude avec l'automobile (47 milliards de dollars), derrière le pétrole raffiné (83 milliards de dollars) et l'aéronautique (121 milliards de dollars). Et emploie directement près de 240 000 personnes, tout en contribuant à entretenir 1 million d'emplois additionnels (la SIA estime qu'un emploi dans les semiconducteurs crée 4,89 emplois ailleurs dans l'économie US).

La SIA contre les surtaxes

Sans même aborder la question des produits technologiques assemblés en Chine pour aller ensuite inonder les marchés mondiaux, il est facile de comprendre qu'il existe une interdépendance majeure. Toute conservatrice qu'elle est, la SIA le sait d'ailleurs pertinemment. Elle a officiellement interpellé l'administration Trump sur les mesures annoncées mi-juin, les jugeant "contreproductives", même si elle partage l'analyse sur la nécessité de combattre les transferts de technologie forcés et les violations de propriété intellectuelle. Espérons qu'elle sera entendue... au-delà de l'engagement du Département du commerce de ne pas taxer les importations de smartphones.