TOKYO/SEOUL, 9 juillet (Reuters) - Le Japon et la Corée du Sud ont fait monter les enchères mardi dans leur contentieux actuel diplomatique et commercial, qui menace de perturber l'approvisionnement mondial en téléphones portables et en semi-conducteurs, Séoul dénonçant les informations japonaises voulant qu'il ait livré un produit chimique "sensible" à la Corée du Nord.

A l'origine de ces tensions diplomatiques entre Séoul et Tokyo se trouvent les indemnisations réclamées par la Corée du Sud pour ses ressortissants qui avaient été contraints à travailler pour des entreprises nippones durant la Seconde Guerre mondiale.

La situation s'est détériorée la semaine dernière quand Tokyo a déclaré qu'il allait renforcer les restrictions sur les exportations de trois composants essentiels à l'électronique grand public, parce que, à ses yeux, la confiance avec la Corée du Sud avait été rompue du fait des dissensions sur la question du travail forcé durant la guerre.

Les restrictions sur les exportations de matériaux vers la Corée du Sud pourraient nuire aux géants technologiques comme Samsung Electronics et SK Hynix, qui fournissent des semi-conducteurs à de grands groupes technologiques comme Apple et Huawei.

Ces mesures soulignent la mainmise du Japon sur un maillon crucial de la chaîne mondiale d'approvisionnement, argument de pression qu'utilise le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, à une dizaine de jours des élections du 21 juillet à la chambre des Conseillers (chambre haute du parlement japonais).

Le ministre sud-coréen de l'Industrie, Sung Yun-mo, a instamment demandé mardi au Japon d'"en finir tout de suite avec ses affirmations sans fondement" - réaction, semble-t-il, à des informations parues la semaine dernière dans la presse japonaise.

Celle-ci a cité un haut responsable du PLD (Parti libéral-démocrate) de Shinzo Abe d'après lequel du fluorure d'hydrogène exporté du Japon vers la Corée du Sud avait au bout du compte été expédié en Corée du Nord.

VERS DES CONTRE-MESURES SUD-CORÉENNES ?

Le fluorure d'hydrogène, produit chimique figurant sur une liste de produits dont l'exportation hors du Japon est soumise à des restrictions, peut servir à fabriquer des armes chimiques.

Le contentieux bilatéral actuel découle du mécontentement de Tokyo face à l'absence de mesures prises par Séoul contre une décision de la justice sud-coréenne ordonnant au groupe japonais Nippon Steel d'indemniser des travailleurs forcés du temps de la guerre.

Le Japon estime que la question du travail forcé a été complètement réglée en 1965 lors du rétablissement de relations diplomatiques entre Séoul et Tokyo.

"Malheureusement, des élections approchent", a déploré un observateur au fait de la politique gouvernementale japonaise. "Le PLD fera n'importe quoi pour renforcer sa base électorale".

Mardi, d'ailleurs, le Japon a évoqué la possibilité de prendre de nouvelles mesures de rétorsion contre Séoul.

"Le fait que le Japon mettra ou non en oeuvre des mesures supplémentaires dépendra de l'attitude de la Corée du Sud", a déclaré le ministre nippon de l'Industrie, Hiroshige Seko, lors d'une conférence de presse.

Le Japon "n'envisage pas du tout" de mettre fin à ses restrictions à l'exportation, qui ne violent en rien les règles de l'OMC (Organisation mondiale du commerce)", a-t-il estimé.

La Corée du Sud a soulevé la question de ces restrictions mardi lors d'une réunion des pays membres de l'OMC et compte aussi le faire auprès de responsables américains à Washington, ont indiqué des officiels sud-coréens.

Le président sud-coréen, Moon Jae-in, a déclaré que son pays n'excluait pas de prendre des contre-mesures, en raison des torts causés à ses entreprises. Il doit rencontrer mercredi des cadres des grands conglomérats du pays. (Takaya Yamaguchi et Hyunjoo Jin; Eric Faye pour le service français)

Valeurs citées dans l'article : SK Hynix Inc, Samsung Electronics Co Ltd, Nippon Steel Corp, Apple