Ce retour d'une volatilité accrue devrait pousser les intervenants de marché à revoir leur tolérance au risque et pourrait avoir un impact sur les stratégies d'allocation d'actifs.

L'indice Vix, qui mesure la volatilité implicite des options sur l'indice S&P 500, a grimpé mardi à plus de 50, un niveau généralement associé à un marché d'actions baissier.

Il évolue encore mercredi autour de 30 points, contre une moyenne historique à 19 et alors qu'il avait touché, le 4 janvier, un plus bas historique à 8,92.

L'an dernier, le Vix, surnommé "l'indice de la peur", n'avait pas dépassé la barre de 18 points.

Cette volatilité anémique, liée notamment aux interventions massives des banques centrales, s'est finalement heurtée aux craintes d'une poussée inflationniste susceptible d'accélérer le resserrement monétaire des instituts d'émission.

"Une chose est claire : l'environnement a changé, la volatilité est de retour, et 2018 s'annonce plus complexe pour les investisseurs étant donné la réduction du soutien des banques centrales", observent les stratèges de Natixis.

DES INVESTISSEURS PRIS À REBOURS

Pour les intervenants de marché, le regain de volatilité actuel a déjà eu pour conséquence de remettre en cause les très nombreuses stratégies reposant sur la vente de contrats de volatilité. Avec pour effet d'amplifier le mouvement de vente récent sur les marchés d'actions.

Cette correction "est en grande partie due à un débouclage des stratégies quantitatives vendeuses de volatilité, contraintes de couvrir leurs ventes d'options par des ventes d'actions afin de conserver le même niveau de risque", expliquent ainsi les stratèges d'Oddo BHF.

Les ETFs et fonds indiciels avec des positions vendeuses non couvertes (short) de volatilité, dont les désormais fameux ETN VIX Inverse, ont été obligés de racheter, dans la panique, les indices futures VIX.

Ce mouvement technique dit "d'ajustement de gamma et vega" a engendré la fermeture forcée de certains ETF, comme l'ETN VelocityShares sur lequel les transactions cesseront d'ici le 20 février.

"Il est également probable que des fonds 'risk parity' (stratégie de parité de risque), dont le niveau d'exposition dépend de la volatilité des derniers mois sur les marchés, aient été contraints de réduire leurs risques" et donc de couper leurs positions en actions, indiquent les gérants de Edmond de Rothschild.

En fonction des niveaux de volatilité des prochaines semaines, la pression vendeuse provenant de ces stratégies pourrait continuer, préviennent pour leur part les stratèges de Goldman Sachs.

QUEL APPÉTIT POUR LE RISQUE ?

Au-delà de ces stratégies, la fin du régime de faible volatilité est susceptible de changer la distribution du risque au sein des allocations d'actifs, prévient la banque américaine.

"La vraie question est de savoir si la tolérance au risque des investisseurs a réellement augmenté. Ces dernières années, l'appétit pour les actifs risqués s'expliquait par le recul de la volatilité et la faiblesse des rendements", indiquent les stratèges d'Aurel BGC.

"Même s'il s'agit d'un 'retour à la normale' de la volatilité, les investisseurs internationaux ne sont peut-être pas prêts à cette 'normalisation' des risques", ajoutent-ils.

Et de prévenir: "dans ce cas, la correction des marchés risqués ou des valeurs ayant un bêta élevé sur les marchés actions pourrait être violente !".

Les stratèges d'Aurel BGC conseillent donc d'adopter une allocation d'actifs plus défensive en réduisant la duration des portefeuilles obligataires dans les prochains mois, en favorisant en Bourse les valeurs les moins sensibles aux variations de marchés et en s'écartant des actifs émergents.

"S'il va falloir apprendre à vivre avec une volatilité plus élevée, une hausse de celle-ci n'est pas incompatible avec une tendance boursière haussière", nuance pour sa part Hervé Goulletquer, stratège chez la Banque Postale AM. "L'exemple américain de la deuxième moitié des années 90 le montre".

Beaucoup d'observateurs soulignent que les fondamentaux actuels restent solides pour les actifs risqués, avec une reprise économique vigoureuse et une croissance soutenue des résultats d'entreprises.

Les stratèges de Goldman Sachs observent ainsi que leur indicateur d'appétit pour le risque demeure élevé : les discussions qu'ils ont eues avec des investisseurs ont montré que ces derniers n'étaient pas inquiets de l'émergence d'un marché baissier et qu'ils envisageaient d'ajouter du risque dans leur portefeuille.

(Edité par Marc Angrand)

par Blandine Henault

Valeurs citées dans l'article : NASDAQ Comp., DJ Industrial, NASDAQ 100, S&P 500