(Répétition sans changement d'une dépêche transmise vendredi)

* Les investisseurs restent confiants dans les actions

* Mais ils se montrent prudents à court terme

* L'impact des tensions commerciales à surveiller sur l'économie

* Mais aussi sur le discours des dirigeants d'entreprise

par Blandine Henault

PARIS, 16 juillet (Reuters) - Comme souvent sur les marchés, c'est l'histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide : dans la partie pleine, une croissance économique mondiale relativement solide et des résultats d'entreprises attendus toujours robustes. Dans la partie vide, des incertitudes accrues liées à l'escalade protectionniste.

Ce contexte de marché pousse les investisseurs à adopter une position d'équilibriste : ils restent majoritairement positionnés sur les actions mais tendent à réduire au moins à court terme leur exposition au risque.

"Malgré notre optimisme à l'égard des actions, nous préférons réduire l'exposition au risque en raison des incertitudes croissantes", résume Isabelle Mateos y Lago, directrice générale au BlackRock Investment Institute.

"Les incertitudes macroéconomiques – liées principalement aux tensions commerciales et à leur potentiel impact sur la croissance mondiale – ainsi que le resserrement des conditions financières soulignent l'importance de renforcer la résistance du portefeuille".

Toute la question est de savoir jusqu'où ira la guerre commerciale entre les Etats-Unis et leurs partenaires et quel sera son impact sur la dynamique de croissance mondiale et des bénéfices des entreprises, et donc sur les marchés d'actions.

A défaut d'accord commercial avec Pékin, Donald Trump a menacé de mettre en oeuvre à terme des taxes douanières sur 500 milliards de dollars (425 milliards d'euros) de produits chinois, soit la quasi-totalité des importations américaines en provenance de Chine. Or les négociations semblent pour l'heure au point mort entre les deux puissances économiques mondiales.

"On sent que tout est possible et qu'une catastrophe potentielle est en formation", s'inquiète Vincent Juvyns, stratège chez JPMorgan AM.

UNE CROISSANCE ENCORE SOLIDE

L'économie américaine affiche toujours une santé de fer, sans que les pressions inflationnistes n'accélérent trop, ce qui laisse des marges de manoeuvre confortables à la Réserve fédérale (Fed) pour resserrer sa politique monétaire.

Si les prix à la production aux Etats-Unis ont augmenté plus fortement que prévu en juin, ceux à la consommation ont à peine progressé le mois dernier, conformément aux attentes.

"Si les Etats-Unis nous créent pas mal de soucis, in fine ils sont gagnants : le S&P 500 et le Russell 2000 affichent les meilleures performances cette année et l'économie américaine est celle qui s'en sort le mieux", pointe Vincent Juvyns.

Le stratège estime que la croissance de l'économie américaine pourrait atteindre 3% à 4% au deuxième trimestre en rythme annualisé et ne voit aucun signe avant-coureur d'une récession dans les douze prochains mois.

En zone euro, les indicateurs tendent vers un léger rebond après le net ralentissement observé au premier trimestre. La production industrielle de la région a ainsi augmenté plus que prévu en mai par rapport à avril.

"Si les tensions commerciales ne s'intensifient pas davantage, les fondamentaux domestiques positifs pourraient de nouveau porter la croissance de la zone euro autour de 2% fin 2018", estime Holger Schmieding, économiste chez Berenberg.

LES ACTEURS ÉCONOMIQUES S'INQUIÈTENT

Les tensions commerciales sont toutefois bel et bien déjà perceptibles dans certains indicateurs mesurant la confiance des acteurs économiques.

Le moral des investisseurs allemands, mesuré par l'indice Zew, est ainsi tombé en juillet à un creux de six ans.

Cette chute "surestime probablement de façon significative les risques baissiers. Les marchés financiers tendent à être plus nerveux que les chefs d'entreprises. Néanmoins, nous devons nous attendre à une chute d'autres indicateurs clés du sentiment en juillet", prévient Holger Schmieding.

Aux Etats-Unis, la première estimation de l'indice de confiance de l'Université du Michigan a ainsi montré une détérioration du moral des consommateurs américains ce mois-ci.

Dans ce contexte, les investisseurs seront attentifs à la publication, lundi aux Etats-Unis, de l'indice manufacturier "Empire State" et des ventes au détail, ainsi qu'à celles des chiffres de la production industrielle, mardi, et de l'indice d'activité "Philly Fed", jeudi.

Autre grand-rendez-vous de la semaine, l'audition semestrielle de Jerome Powell, mardi et mercredi au Congrès, devant lequel le président de la Fed pourrait commenter l'impact éventuel de la politique protectionniste de Donald Trump sur l'économie américaine.

Mais les opérateurs de marché vont aussi guetter auprès des chefs d'entreprise tout signe de prudence relatif aux tensions commerciales internationales.

DES ENTREPRISES PLUS PRUDENTES ?

"A la fin du premier trimestre, en avril dernier, les entreprises évoquaient encore l'impact positif de la réforme fiscale de Donald Trump. Aujourd'hui, les chefs d'entreprises devront intégrer l'impact potentiel des hausses de droits de douanes sur leurs perspectives d'activité et dans leurs comptes", soulignent les stratèges d'Aurel BGC.

La saison des publications des résultats du deuxième trimestre vient de débuter aux Etats-Unis et elle commencera dans les prochains jours en Europe, avec les annonces, entres autres, de SAP, Novartis ou encore Publicis .

Parmi les premières entreprises à avoir publié aux Etats-Unis, les banques JPMorgan Chase, Wells Fargo et Citigroup ont annoncé vendredi des résultats trimestriels pour le moins contrastés.

Les publications dans le secteur financier domineront encore l'agenda ces prochains jours avec les annonces de Bank of America, BlackRock, Goldman Sachs et Morgan Stanley.

"Les investisseurs seront très sensibles à leur discours sur la demande de crédit des entreprises : un gel des investissements pourrait lourdement peser sur les résultats des banques commerciales américaines, déjà affectées par l'aplatissement de la courbe des taux", prévient Aurel BGC.

Dans l'absolu, les perspectives bénéficiaires des entreprises restent néanmoins très encourageantes.

Selon les données Thomson Reuters, les profits du Standard & Poor's 500 américain devraient avoir bondi de 21% au deuxième trimestre.

LES ACTIONS AMÉRICAINES EN VEDETTE

Pour beaucoup d'investisseurs, cette croissance des bénéfices des entreprises justifie de maintenir un positionnement sur les actions en dépit des incertitudes actuelles sur la croissance.

"Les valorisations sont attractives après la correction, tandis que la saison de résultats pour le deuxième trimestre devrait montrer une solide croissance des bénéfices", soulignent les gérants de Candriam.

"Les actions américaines, en particulier, bénéficient du soutien de la réforme fiscale, des rachats d'actions et de valorisations intéressantes par rapport aux obligations".

Même appétit pour les actions américaines pour Isabelle Mateos y Lago, chez BlackRock, qui souligne une croissance des bénéfices "actuellement sans égal" et préfère délaisser par prudence les actions européennes et japonaises.

Chez Cholet Dupont, on estime que le potentiel des indices actions est compris entre 5% et 6% d'ici la fin de l'année. La recommandation reste à "surpondérer" les actions à moyen terme mais de se positionner à "neutre" sur le court terme.

Outre les tensions commerciales, la période estivale nourrit en effet une prudence particulière : la faiblesse des volumes amplifie les mouvements, à la hausse comme à la baisse, et il est peu probable que Donald Trump abandonne pendant ses congés son utilisation compulsive de Twitter.

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GESTION-Face aux incertitudes, les investisseurs privilégient les actifs refuges - BAML

(Édité par Patrick Vignal)