Des minerais congolais tels que le tungstène, le tantale et l'étain, que Kinshasa accuse depuis longtemps son voisin rwandais d'exploiter illégalement, pourraient être exportés légalement vers le Rwanda pour y être transformés, dans le cadre d'un accord de paix actuellement négocié par les États-Unis, ont confié trois sources à Reuters.

Kinshasa considère le pillage de ses ressources minières comme l'un des principaux moteurs du conflit qui l'oppose aux rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, dans l'est du Congo. Ce conflit s'est intensifié depuis janvier, Kinshasa accusant Kigali de faire passer en contrebande pour plusieurs dizaines de millions de dollars de minerais chaque mois, ensuite revendus depuis le Rwanda.

Washington pousse à la signature d'un accord de paix entre les deux parties dès cet été, accompagné de contrats miniers destinés à attirer des milliards de dollars d'investissements occidentaux dans la région, a déclaré Massad Boulos, conseiller principal de Donald Trump pour l'Afrique, à Reuters plus tôt ce mois-ci.

Il a indiqué sur X la semaine dernière que les États-Unis avaient soumis un premier projet d'accord aux deux parties, bien que le contenu n'ait pas été rendu public.

Deux sources diplomatiques et une source onusienne, informées par des responsables américains, ont indiqué à Reuters que ces négociations pourraient permettre aux minerais issus des zones d'exploitation artisanale de l'est du Congo d'être raffinés et commercialisés à partir du Rwanda.

« Leur point de vue (celui de Washington) est simple : si le Rwanda peut bénéficier légalement des minerais congolais via le traitement, il sera moins tenté d'occuper son voisin et de piller ses ressources », a commenté l'un des diplomates.

« Et pour le Congo, l'industrialisation augmenterait ses revenus, améliorerait la traçabilité et permettrait de lutter contre les groupes armés qui vivent actuellement de l'exploitation minière. »

Un porte-parole du gouvernement congolais, qui affirme de longue date vouloir s'éloigner de l'exportation brute pour privilégier la transformation locale, a renvoyé les questions au ministère des Affaires étrangères, lequel n'a pas répondu.

Un responsable congolais, s'exprimant sous couvert d'anonymat, a déclaré qu'aucune coopération sur les minerais ne serait possible sans le retrait des troupes rwandaises et de « leurs supplétifs », une allusion au M23, qui contrôle aujourd'hui plus de territoire que jamais dans l'est du Congo.

Le responsable a ajouté que le Rwanda devrait également respecter « notre souveraineté sur tout, y compris nos minerais ».

Pour le Rwanda, ces négociations pourraient entraîner un afflux massif de liquidités, permettant d'assainir un secteur jusqu'ici largement illicite de son économie. Les États-Unis, de leur côté, pourraient ainsi garantir à eux-mêmes et à leurs alliés un accès accru aux ressources minières congolaises, aujourd'hui dominées par la Chine.

Un porte-parole du département d'État américain a indiqué que, dans une déclaration signée à Washington le mois dernier, le Congo et le Rwanda s'étaient engagés à créer « des chaînes de valeur minérales transparentes, formalisées et licites (de la mine au métal raffiné) reliant les deux pays, en partenariat avec le gouvernement américain et des investisseurs américains ».

Les détails sur l'ampleur exacte des investissements, et sur l'identité des investisseurs, restent à préciser, mais Boulos a confié à Reuters la semaine dernière que des responsables américains avaient approché « probablement jusqu'à 30 » investisseurs américains pour « faire des affaires au Rwanda dans le secteur minier », y compris dans les activités de transformation en aval.

Il a également indiqué que la U.S. International Development Finance Corporation - un organisme chargé de mobiliser des capitaux privés pour soutenir la politique étrangère et la sécurité nationale américaines, notamment via des financements par la dette - « apporterait son plein soutien à ces transactions et investissements ».

L'histoire de violence de la région souligne le risque auquel seraient exposées les entreprises prêtes à se lancer.

CAUSES PROFONDES

Les projets miniers à eux seuls ne suffiront pas à mettre fin à un conflit qui remonte au génocide rwandais de 1994, ont estimé les sources.

« Un accord minier ne peut pas apporter la paix. Ces projets prendront trois, cinq ou dix ans », a déclaré un autre diplomate. « Il y a des problèmes immédiats et des causes profondes à traiter. »

Le Congo, l'ONU et les États-Unis ont à plusieurs reprises accusé le Rwanda de tirer profit de l'exploitation illégale des ressources minières congolaises, des allégations que Kigali nie.

Une précédente tentative de coopération minière officielle entre le Rwanda et le Congo, il y a quatre ans, s'était soldée par un échec.

En juin 2021, les deux parties avaient signé des accords, dont un protocole d'accord sur l'exploitation et la commercialisation conjointes de l'or congolais entre l'entreprise publique Sakima et la société privée rwandaise Dither.

Mais Kinshasa a suspendu cet accord en juin 2022, invoquant le soutien militaire présumé du Rwanda au M23 et la prise par les rebelles de la ville stratégique frontalière de Bunagana.

Le Rwanda a nié soutenir le M23, tout en reconnaissant avoir déployé des « mesures défensives » dans l'est du Congo contre les milices hutues rwandaises. Les analystes estiment que le groupe le plus souvent cité, les Forces démocratiques de libération du Rwanda, ne représente plus aujourd'hui une menace significative.

Une source diplomatique a indiqué que, du point de vue de Kigali, Kinshasa n'est pas un partenaire de négociation fiable. « L'effondrement de l'accord Sakima les a contrariés », a-t-elle déclaré à propos des responsables rwandais.

« Aucun des deux pays ne se fait confiance », estime William Millman, consultant indépendant sur l'industrie du tantale-niobium, qui a visité des mines dans les deux pays.

« Donc, à moins d'avoir quelqu'un avec une grosse influence, comme les États-Unis, ils n'honoreront pas les accords. »