par Samia Nakhoul, Humeyra Pamuk et Maya Gebeily

6 février (Reuters) - Une délégation américaine était attendue jeudi à Beyrouth avec la ferme intention d'encourager les dirigeants libanais à limiter fortement l'influence du Hezbollah et ses alliés sur la formation d'un nouveau gouvernement.

L'envoyée spéciale adjointe du président américain pour le Proche-Orient, Morgan Ortagus, entend signifier à ses interlocuteurs que le Liban risque de s'enfoncer dans l'isolement et la débâcle économique sans un gouvernement capable d'entreprendre des réformes, de lutter contre la corruption et de sortir de l'emprise du groupe armé chiite, selon des sources régionales et un diplomate occidental.

Morgan Ortagus doit rencontrer le président libanais Joseph Aoun, élu le 9 janvier dernier, ainsi que le Premier ministre désigné Nawaf Salam et le président du Parlement Nabih Berri.

Nawaf Salam a été chargé il y a trois semaines de composer un nouvel exécutif en prenant garde aux équilibres entre communautés religieuses, en vertu du système de partage du pouvoir en vigueur au Liban depuis plus de 75 ans.

Mais les Etats-Unis cherchent à réduire au maximum le poids politique du Hezbollah, affaibli depuis la campagne militaire menée à son encontre par Israël l'automne dernier et la chute en décembre de son allié le président syrien Bachar al Assad.

"Il est important pour nous de dessiner ce à quoi devrait ressembler, selon nous, un nouveau Liban à l'avenir", a expliqué un haut responsable de l'administration de Donald Trump.

Washington, a-t-il dit, n'a pas l'intention de "choisir" chaque membre du gouvernement libanais, mais seulement éviter que le parti-milice pro-iranien n'en fasse partie.

"Il y a eu une guerre, le Hezbollah a été vaincu et le nouveau gouvernement doit s'adapter à cette réalité", a affirmé ce haut fonctionnaire.

"ON NE PEUT PAS CONTINUER COMME AVANT"

Reste que le Parti de Dieu et son allié le Mouvement Amal, dirigé par Nabih Berri, contrôlent un nombre important de sièges au Parlement de Beyrouth, qui doit valider la formation de tout nouvel exécutif par un vote de confiance.

Nawaf Salam a autorisé le Hezbollah et son allié à nommer quatre des cinq ministres chiites du futur gouvernement, dont le ministre des Finances. Selon des sources politiques libanaises, les deux groupes ont toutefois insisté pour avoir un droit de veto sur le choix du cinquième.

Cette altercation a fait taire les rumeurs d'une nomination imminente du gouvernement avant l'arrivée de la délégation américaine. Nawaf Salam a quitté jeudi la présidence sans s'adresser à la presse.

Pour David Schenker, ancien secrétaire d'Etat adjoint pour le Proche-Orient sous le premier mandat de Donald Trump (2017-2021), désormais chercheur au Washington Institute, la mise à l'écart du Hezbollah et du Mouvement Amal est indispensable pour que le Liban avance en tant que pays souverain.

"On ne peut pas continuer comme avant", estime-t-il.

Les appels des pays occidentaux, Etats-Unis ou France, à la mise en oeuvre de réformes sont relayés par les pays du Golfe, dont le soutien financier est crucial pour la reconstruction du pays, confronté à cinq ans de crise financière et aux destructions engendrées par les opérations militaires israéliennes de l'an dernier.

Selon le Fonds monétaire international, la livre libanaise s'est dépréciée en cinq ans de 98% et le produit intérieur brut s'est contracté de 40%.

Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Faiçal ben Farhan al Saoud, a averti le mois dernier qu'il attendait du Liban "des actes et de vraies réformes" avant d'allouer des fonds au redressement du pays. (Samia Nakhoul à Dubaï, Humeyra Pamuk à Washington, Maya Gebeily à Beyrouth, Jean-Stéphane Brosse pour la version française)