Des encours sous gestion ISR et ESG en  croissance de 21% en France en 2019  - Source : AFG

Des encours sous gestion ISR et ESG en  croissance de 21% en France en 2019  - Source : AFG

"Trop d’informations tuent l’information", "greenwashing" sont peut-être les réflexions que vous vous êtes fait en tant qu’investisseur individuel lorsque, profondément intéressé ou par simple curiosité vous vous êtes attaqués à la lecture de la  déclaration de performance extra-financière (DPEF) d’une société cotée. Rassurez-vous : les professionnels de la gestion sont également confrontés à la difficulté de traiter cette multitude d’informations souvent non standardisées, non comparables instables dans le temps et non auditées.

Qu’est ce que la DPEF ?

La déclaration de performance extra-financière résulte de la transcription puis mise en œuvre en 2018 d'une directive européenne de 2014 sur le reporting extra-financier. Son but est de constituer un outil de pilotage stratégique de l’entreprise, à la fois concis et accessible, concentré sur les informations essentielles.

La DPEF concerne les sociétés dont les chiffres d'affaires et effectifs dépassent les seuils suivants :

-           20M€ de bilan ou 40 M€ de CA et 500 personnes pour les sociétés cotées

-           100M€ de bilan ou 100 M€ de CA et 500 personnes pour les sociétés non cotées

Les sociétés cotées sur Euronext Growth, marché non réglementé, obéissent aux seuils des sociétés non cotées. Ne pas dépasser les seuils n’exonère pas les sociétés de publier des informations non financières, notamment des informations relatives aux questions environnemental et de personnel comme l’indique ce schéma (source : AMF).

Obligations en matière de reporting extra-financier des sociétés cotées sur un marché non réglementé (source : AMF)

Obligations en matière de reporting extra-financier des sociétés cotées sur un marché non réglementé (source : AMF)

La DPEF concerne quatre axes : social, environnemental, la lutte contre la corruption et droits de l'homme. La liste des éléments concernés par la déclaration incorpore notamment les mesures prises par les sociétés pour l'adaptation aux conséquences du changement climatique, les objectifs de réduction fixés volontairement à moyen et long terme pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et les moyens mis en œuvre à cet effet, ainsi que les actions visant à lutter contre la discrimination et à promouvoir la diversité. La DPEF est insérée dans le rapport de gestion et doit faire en outre l’objet d’une publication sur le site internet de la société.

Des rapports d’une grande diversité selon les sociétés (Source : Medef)

Des rapports d’une grande diversité selon les sociétés (Source : Medef)

Dans son baromètre 2020 des "Pratiques et tendances de reporting extra-financier en France", le cabinet d’audit Mazars, qui a étudié les rapports extra-financiers de 68 entreprises du CAC 40, CAC Next 25 et SBF 120, indique que la "volonté des entreprises d’intégrer pleinement la RSE dans leur stratégie d’entreprise n’est plus à démontrer". Le passage à la DPEF a permis de produire des données plus matures et plus professionnelles. Les émetteurs vont au-delà du reporting d’informations listées par le législateur : elles montrent la performance extra-financière de l’entreprise dans une optique de création et de partage de valeur. 98% des entreprises publient une stratégie RSE et y associent des engagements. 60% d’entre elles présentent des objectifs quantitatifs avec un horizon de temps, conformément aux recommandations de l’AMF, ce qui n’est pas obligatoire. Enfin, elles mettent en place leurs propres indicateurs de pilotage pour suivre dans le temps l’efficacité des politiques déployées et le respect des engagements.

4 piliers chacun mesurés par 10 indicateurs extra-financiers indispensables selon l’AFG

L’absence d’un langage commun entre investisseurs et entreprises en matière d’informations extra-financières continue cependant de freiner le développement de la gestion ESG (i.e. selon des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance). Face à la croissance et à la multiplicité des données ESG publiées par les entreprises, l’Association Française de Gestion (AFG) estime qu’il est urgent de disposer d’une liste d’indicateurs extra-financiers répondant à un double objectif :

  • définir les informations extra-financières nécessaires pour évaluer une entreprise
  • dialoguer avec les entreprises pour construire un cadre de publications en phase avec les exigences de la réglementation

Dans un rapport publié cet été, l’AFG, après échange avec les émetteurs, a distingué deux niveaux d’informations. Il a d’abord été défini un maximum de 10 indicateurs extra-financiers indispensables par pilier qui permettraient aux SGP d’évaluer les entreprises de façon cohérente : la liste des “Indicateurs indispensables”, reproduite ci-dessous. Au-delà, ont été identifiés d’autres thèmes sur lesquels les investisseurs ont besoin de transparence et qui permettent d’engager le dialogue avec l’entreprise (liste “Indicateurs de transparence”).

La liste des “Indicateurs indispensables” selon l’AFG

La liste des “Indicateurs indispensables” selon l’AFG

Des professionnels qui se déclarent unanimement concernés, pour qui l’éthique des affaires prime

En pratique, d’après le dernier Baromètre ESG réalisé par la commission Analyse extra-financière de la SFAF (Société Française des Analystes Financiers) du 8 septembre au 9 octobre 2020, 96% des gérants et analystes ayant répondu affirment utiliser les données ESG, montrant que l’usage d’informations ESG est effectivement "devenu une pratique mainstream".

56% des répondants ont un outil propriétaire de traitement et d’analyse des données ESG et l’éthique des affaires est citée par 83% des répondants comme l’un des risques majeurs intégrés dans l’analyse ESG, devant le climat.

Principaux risques intégrés

"L’homogénéisation des indicateurs est indispensable à la fois aux entreprises et aux sociétés de gestion. Elle permettra d’agréger les données à l’échelle des portefeuilles et facilitera également les mesures d’impact. Cette uniformisation des données servira également de guide pour les sociétés de gestion souhaitant se mettre en conformité avec le nouveau cahier des charges du label ISR d’Etat. Les prochaines étapes consisteront à amorcer le dialogue avec les pouvoirs publics pour inciter les émetteurs à adopter ces indicateurs afin d’augmenter leur transparence en matière d’informations extra-financières" réagissait fin octobre Coline Pavot, responsable de la recherche ESG au sein de La Financière de l’Echiquier, dans une interview à la SFAF.

Quelles que soient les limites de l’exercice de standardisation des données extra-financières et de la notation qui en découle, force est de constater qu’elles sont en train d’être repoussées sous l’influence grandissante des autorités d’une part, et des citoyens d’autre part. Un exercice auquel se prêtent de plus en plus volontiers les entreprises, même s’il peut encore paraître fastidieux pour les entreprises de taille modeste.