Un an après avoir levé 75 M€ en Bourse, le groupe vendéen, pionnier du ciment « décarboné », lance la construction de sa deuxième usine, avant une troisième en région parisienne en 2023. Côté carnet de commandes, la crise sanitaire a perturbé les négociations de contrats, amenant le cimentier à décaler d’un peu plus d’un an, à 2025/26, l’atteinte de son objectif de produire 550 000 tonnes de ciment, soit 3% du marché français. Un retard bien encaissé par les investisseurs, le cours de Bourse évoluant à proximité de ses plus hauts. Entretien.

Julien Blanchard, pouvez-vous nous rappeler en quoi consiste votre innovation sur le marché bien établi du ciment ? Quelles réactions observez-vous de la part de la concurrence ?

"Tout d’abord, rappelons que le ciment, matériau manufacturé le plus consommé dans le monde, totalise 7% des émissions de CO2. Une tonne de ciment traditionnel, dit ciment Portland émet un peu moins d‘une tonne de CO2 lors de sa fabrication (N.D.L.R. le Portland est constitué de clinker, mélange à base de calcaire chauffé à très haute température pendant de nombreuses heures). Face à l’urgence climatique, il était temps de proposer de nouvelles solutions. Notre équipe, à commencer par mon associé, David Hoffmann, a ainsi conçu des ciments présentant une empreinte carbone réduite de façon très significative : divisé par 4 ou 5 selon les ciments. Nous avons mis au point trois technologies différentes (H-UKR, H-EVA et H-P2A) pour produire à froid des ciments décarbonés destinés à l’ensemble des marchés du secteur de la construction : béton préfabriqué, sacs de ciment, mortier et béton prêt à l’emploi. Les produits répondent à une attente environnementale forte et permettront de respecter les contraintes réglementaires croissante en matière d’impact carbone du secteur de la construction. La concurrence nous suit de près et nous avons vu fleurir des initiatives depuis quelques mois, de la part de petits comme de très gros acteurs du ciment et de la construction. C’est plutôt bon signe que nous ne soyons pas les seuls, mais aucun concurrent n’a à ce jour mis au point des solutions aussi décarbonées qu’Hoffmann. Nous comptons accentuer notre avance technologique avec toujours plus d’innovation et en accélérant notre développement grâce à la construction de "H2", notre 2eme cimenterie vendéenne."

Source : Hoffmann

Pourquoi cherchez-vous à faire évoluer votre technologie ? Les ingrédients utilisés, les laitiers d’aciérie par exemple, ont-ils leur limite ?

"Nous souhaitons multiplier les sources de co-produits aujourd’hui non valorisés que sont aujourd’hui le laitier d’aciérie, l’argile ou encore le gypse. Cela réduit notre dépendance et nos coûts de production, et certaines technologies s’adressent plus particulièrement à certains marchés.

Le point commun reste l’activation à froid, sans cuisson, sans clinker, sans impact sur les ressources naturelles, avec une réduction par au moins quatre ou cinq des émissions de carbone par rapport à un ciment traditionnel.  Nous étudions en permanence de nouvelles formulations attractives pour développer nos technologies existantes ou de nouvelles afin d’améliorer toujours plus les performances et proposer des solutions adaptées au marché et aux besoins de la construction. L’équipe de David Hoffmann en R&D a pour cela été étoffée." 

Hoffmann Green Cement a bien avancé depuis son introduction en Bourse il y a un an. Pourquoi décaler d’un an l’atteinte de vos objectifs ?

"La Covid-19 a entraîné quelques décalages. D’un point de vue commercial, aucune commande n’a été annulée, au contraire notre carnet de commandes a même été renforcé, mais nos clients ont été moins disponibles pour avancer les essais ou finaliser de nouveaux contrats ces derniers mois : ils se sont logiquement concentrés sur leur cœur d’activité au moment de la reprise. Depuis la fin du semestre, qui s’est achevé avec un carnet de commandes fermes de 155 000 tonnes, la dynamique de signatures est bonne cela devrait perdurer d’ici la fin de l’année. D’un point de vue industriel, nous démarrons ces prochains jours les travaux de ‘H2’, notre second site, avec quelques mois de retard par rapport aux prévisions initiales. Il sera terminé au 2e semestre 2022. Concernant le 3e site, nous sommes en train de sélectionner le terrain, avec un lancement de la construction prévu pour septembre 2023. Nous sommes plus que jamais engagés à mettre en œuvre notre stratégie, et avons la conviction que nos ciments sont une solution qui sera intégrée aux projets de construction de demain, comme l’illustre la signature récente du contrat GCC et Immobilière 3F pour créer des logements sociaux à plus faible empreinte carbone."

Source : Hoffmann

Quel regard portez-vous sur les résultats semestriels 2020 du Groupe ?

 "Le premier semestre 2020 a été très actif, notamment sur les plans industriel et commercial. Nous avons poursuivi nos actions sur l’ensemble de nos axes stratégiques dans des conditions parfois délicates en raison de la pandémie de la Covid-19. Le déploiement de notre plan industriel avance conformément à nos objectifs. Nous avons également profité de cette période pour intégrer des ressources supplémentaires qui vont nous permettre d’accélérer notre développement dans les mois et années à venir. Notre effectif moyen est passé de 14 à 17 en un an. Nous avons commencé à fabriquer et vendre nos premières tonnes de ciment : 378 sur le semestre. L’impact sanitaire sur les volumes a été significatif, notre Ebitda est ressorti logiquement en pertes de 2,1 M€. Sur l’ensemble de l’année, nous devrions écouler 1 500 tonnes puis 20 000 tonnes en 2021, traduisant une montée en charge de notre 1ère usine."

 Vos placements financiers, d’une soixantaine de millions d’euros, ont été impactés par des pertes financières de l’ordre de 3M€. Que s’est-il passé ?

 "Sur les 75 M€ de fonds levés il y a un an, nous avions investi vingt millions dans un fonds obligataire à échéance 2026. La valeur liquidative de cet OPCVM a fortement chuté dès le début de la crise. Afin de limiter notre exposition, nous avons pris les mesures nécessaires en soldant la position de moitié. Le résultat financier à -3,0 M€ est marqué par cet effet. A fin juin 2020, une perte a été enregistrée à hauteur de -2,1 M€ et une provision pour moins-value latente a été comptabilisée à hauteur de 1,0 M€. Le rendement du fonds obligataire devrait permettre de compenser cette perte à horizon 2026.

Au 30 juin 2020, la Société possède un bilan solide avec des capitaux propres s’établissant à 66,1 M€. La trésorerie disponible s’élève à 56,4 M€ y compris l’OPCVM, après avoir investi 2,3 M€ sur le semestre. La Société dispose par ailleurs d’une ligne de crédit disponible non utilisée d’un montant de 10,0 M€ et n’a pas eu recours au PGE. Rappelons que chacune de nos deux nouvelles usines, d’une capacité de production de 250 000 tonnes chacune, nécessitera un investissement de l’ordre de 22 M€."

Source : Hoffmann

Quelles sont vos perspectives ?

"Nous avons les mêmes ambitions qu’il y a un an, mais l’impact de la pandémie de la Covid-19 et une certaine prudence nous ont amené à décaler à 2025/26 notre horizon d’atteinte de 3% de part de marché du ciment en France, pour un chiffre d’affaires de 120 M€. Cet objectif correspond à une capacité de production totale de 550 000 tonnes à partir du 1er janvier 2024, c’est-à-dire quand notre 3eme unité de production parisienne sera mise en service. Nous visons un Ebitda positif dès 2022 et un résultat opérationnel positif dès 2023. A noter que l’application de la réglementation environnementale qui obligera à construire plus vert a été décalée de janvier 2020 à janvier 2021 et que les discussions se multiplient actuellement avec de nombreux majors de la construction qui cherchent à proposer à leurs clients des solutions de plus en plus bas carbone."

 Quelles sont vos perspectives à l’international ?

 "Comme envisagé lors de notre introduction en Bourse, notre déploiement à l’international passera par la signature de contrats de licence d’exploitation de nos technologies à l’international. Leur concrétisation pourrait prendre de l’avance sur l’horizon 2022/2023 annoncé lors de l’IPO puisque nous avons été approchés par des acteurs étrangers."