• Obligations : marchés primaires et secondaires 

Dans un premier temps, ayons bien en tête qu’il existe un marché obligataire primaire et un marché obligataire secondaire. Sur le marché primaire, une entreprise, un Etat ou une collectivité locale émet des obligations auprès d’investisseurs institutionnels. Ces titres de dette pourront être échangés sur le marché secondaire. L’entité émettrice emprunte donc auprès de plusieurs souscripteurs (institutionnels) en leur vendant aux enchères des titres de dette, ici des obligations dont les revenus rapportent un taux fixe appelé coupon. Les souscripteurs initiaux pourront à leur tour échanger ces titres sur le marché secondaire.

  • Risque de taux : pourquoi la valeur des obligations monte quand les taux d’intérêts baissent

Comme les marchés actions, les mouvements à la hausse ou à la baisse du marché obligataire sont gouvernés par l’offre et la demande. Un des principaux déterminants de la  fluctuation de l’offre et de la demande est la variation de taux d’intérêts qui influe sur la valeur du coupon et par suite, sur les flux de trésorerie que rapportent les obligations et donc sur la valeur de cette dernière. Prenons l’exemple d’une obligation à taux constants. Lorsque les taux d’intérêts montent, l'émetteur d’obligations émettra sur le marché primaire des obligations dont le coupon sera supérieur aux obligations précédentes. Les investisseurs se mettent à vendre les obligations dont le coupon est inférieur pour obtenir les nouvelles obligations, ce qui fait baisser la valeur des anciennes obligations. Voilà en quoi le taux des obligations émises sur le marché primaire influent sur l’offre et la demande des obligations déjà existantes et donc sur la valeur de ces dernières.

Ce qu’il faut retenir ici, c’est qu’il est possible pour l’investisseur si ce dernier vend l’obligation avant l’échéance de perdre ou gagner de l’argent car si le taux de coupon est fixe, il n’en va pas de même pour la valeur (prix) de l’obligation. C’est ce que l’on appelle le risque de taux. (Les opérateurs de marché préfèrent raisonner en terme de rendement obligataire qu’en terme de “prix”).

Ils raisonnent donc de la manière suivante : 

Vous achetez une obligation 1000 EUR au moment de son émission, avec un taux d’intérêt nominal de 10% et une échéance de 10 ans :

- Si le prix tombe à 800 EUR (négociation au-dessous du pair) ; le rendement sera de 100/800*100 = 12,5 %

- Si le prix monte à 1200 EUR (négociation au-dessus du pair) ; le rendement sera de 100/1200*100 = 8.33 %

Illustration du rapport qu’entretiennent la valeur d’une obligation et les taux d’intérêts

Source : AMF

  • La courbe des taux permet de “connaître” les anticipations des investisseurs en terme de risque de taux, d’inflation et de contrepartie

Un investisseur cherche toujours à obtenir le bon ratio entre le risque et le rendement de son investissement. Il en va de même pour les obligations. Ainsi, plus l’investisseur estime que son investissement est risqué, plus il exigera un rendement important. En dessinant la courbe des taux d’intérêts d’un même émetteur pour des échéances différentes on peut faire un certain nombre d’hypothèses sur les anticipations des investisseurs en ce qui concerne la santé financière de l'émetteur (risque de contrepartie), l’inflation ou l’augmentation des taux d’intérêts (risque de taux). Mais c’est surtout la dynamique de cette dernière (stabilité, inversion, pentification ou aplatissement) qui donne des informations sur les changements d’anticipations des investisseurs. 

Dans une économie stable est saine, on peut considérer qu’une courbe de rendement est croissante et concave (voir ci-dessous). En effet, plus l’échéance est longue et plus les risques de défauts causés par un événement inattendu sont grands. Toutefois, l’hypothèse à long terme que l’Etat émetteur devienne insolvable (20 ans, 30 ans) apparaît (historiquement) peu probable d’où une pente de moins en moins importante à mesure que les échéances deviennent plus longues.

Source : lafinancepourtous.com

  • Comment interpréter la “pentification” récente de la courbe des taux 

La semaine dernière, comme le souligne la banque Mirabaud, “la courbe des taux américaine s’est accentuée (pentifiée) de façon spectaculaire avec un écart entre le rendement du 2 ans et le 10 ans qui a atteint son plus haut niveau depuis près de 4 ans”. 

Source : lafinancepourtous.com

On observe ce phénomène sur le graphique ci-dessous : 

Source : Treasury department

A première vue, on se rend compte que le spread entre les taux de rendement obligataires court terme et long terme s’est fortement accentué depuis un an. 

Dès lors, on peut interpréter cela de différentes manières. La courbe se rapprochant (un peu) de sa forme théorique, cela pourrait présager d’un retour de conditions économiques plus normalisées, c'est-à-dire dans l’esprit de la théorie économique contemporaine, une inflation entre 0 et 3% (plus proche de 3 que de 0) et des comptes publics équilibrés. 

Mais en se replaçant dans le contexte actuel, on peut également l’interpréter d’une autre manière. En effet, la promesse du maintien des taux bas “quoi qu’il en coûte” par la FED ainsi que sa politique de quantitative easing atténuerait considérablement le risque de taux à court terme ce qui pourrait expliquer sa forme pratiquement plate pour les échéances courtes (1 mois à 3 ans). Pour ce qui est de l’intense pentification des taux aux échéances trois ans et plus, l’augmentation potentielle des dépenses publiques sous le mandat de Joe Biden et la “détérioration” future des conditions budgétaires pourraient expliquer la forme actuelle de la courbe. 

Enfin, une dernière explication possible pourrait être l’anticipation d’un taux d’inflation important occasionné par des déterminants structurels de l’économie actuelle parmi lesquels on peut compter la transition écologique, le vieillissement de la population et le taux important d’épargne mais aussi par la quantité astronomique de liquidités versées aux marchés par les banques centrales pour faire face aux conséquences économiques de la pandémie de COVID.