Les producteurs d'énergie de l'Alberta, première province pétrolière du Canada, ont largement dépassé en 2024, pour la deuxième année consécutive, la limite annuelle de torchage de gaz naturel que la province s'était elle-même imposée, selon des calculs de Reuters.
En fin de semaine dernière, l'organisme de réglementation de l'énergie de l'Alberta a annoncé la suppression de cette limite sur le torchage. Reuters est le premier média à rapporter ce changement, que le régulateur a discrètement publié dans un bulletin sur son site Internet.
Lundi, l'organisme de réglementation a confirmé la suppression de la limite, précisant qu'il agissait en réponse à une directive du gouvernement provincial.
La production pétrolière connaît un essor au Canada, quatrième producteur mondial, qui cherche à diversifier ses exportations en dehors des États-Unis depuis l'arrivée au pouvoir du président Donald Trump, lequel a commencé à imposer des tarifs sur de nombreux produits canadiens.
Les entreprises énergétiques canadiennes espèrent que le Premier ministre Mark Carney sera plus favorable à l'industrie que son prédécesseur Justin Trudeau.
Un recensement effectué par Reuters à partir des données de l'Alberta Energy Regulator révèle que les producteurs de pétrole et de gaz de la province ont torché environ 912,7 millions de mètres cubes de gaz naturel en 2024, dépassant ainsi le plafond provincial annuel de 670 millions de mètres cubes de 36%.
La province avait déjà franchi ce plafond en 2023, les données réglementaires faisant état d'un volume total de torchage annuel de 753 millions de mètres cubes cette année-là.
Le torchage consiste à brûler l'excédent de gaz naturel associé à la production pétrolière. Lorsque les volumes de gaz résiduels sont faibles et qu'il n'existe pas de pipeline à proximité pour transporter le gaz, les entreprises choisissent souvent, pour des raisons économiques, de le torcher plutôt que de le capter et de le stocker.
Mettre fin à cette pratique permettrait de réduire d'au moins 381 millions de tonnes les émissions de dioxyde de carbone équivalent, nuisibles pour l'environnement, relâchées dans l'atmosphère, selon la Banque mondiale.
Ryan Fournier, porte-parole de la ministre de l'Environnement de l'Alberta, Rebecca Shulz, a indiqué par courriel que la province avait lancé une révision de sa politique sur le torchage du gaz après que l'industrie pétrolière et gazière eut dépassé la limite pour la première fois en 2023.
Il a précisé que la province avait déterminé que le plafond de torchage, en vigueur depuis 20 ans, n'était plus une politique efficace pour réduire le torchage, et que cette limite ne tenait pas compte de l'augmentation de la production pétrolière ni des nouvelles stratégies de réduction des émissions.
Les ministères fédéraux de l'Énergie et de l'Environnement n'ont pas immédiatement répondu aux demandes de commentaires.
La production de pétrole brut de l'Alberta a atteint un record historique en 2024 avec 1,5 milliard de barils, soit une hausse de 4,5% par rapport à 2023.
Un rapport de 2022 de l'Alberta Energy Regulator montrait que les volumes de torchage dans la province sont en augmentation depuis 2016.
Un rapport de 2024 de la Banque mondiale -- qui milite pour une fin mondiale du torchage de routine d'ici 2030 -- a révélé que le torchage par les compagnies pétrolières et gazières dans le monde a augmenté de 7% en 2023, alors que la production de pétrole brut n'a augmenté que de 1% sur la même période.
Bien que le torchage soit préférable pour l'environnement à d'autres méthodes d'élimination du gaz, comme le rejet direct dans l'atmosphère, il libère tout de même divers sous-produits et gaz à effet de serre dans l'atmosphère, ainsi que des particules de suie noire nocives pour la santé humaine, explique Amanda Bryant, analyste principale du secteur pétrolier et gazier à l'Institut Pembina, un groupe de réflexion sur l'énergie propre.
Elle souligne que les entreprises disposent d'alternatives, comme investir dans des équipements permettant de capter les gaz de torchage sur site et de les réinjecter dans la production pour les utiliser comme combustible.
« Supprimer la règle ne supprime pas le problème », a déclaré Bryant lors d'un entretien. « Le rôle d'un régulateur doit vraiment être de prévenir les impacts nocifs de l'industrie et de garantir que nos ressources sont exploitées de manière responsable. »