Le secteur tente en vain depuis plus de dix ans de se consolider mais plusieurs projets de fusion entre grands opérateurs boursiers ont échoué en raison des réticences des autorités, pour des questions de concurrence ou de prestige national.

Les bénéfices tirés de l'activité traditionnelle des opérateurs boursiers, comme les transactions sur les actions, ne cessent cependant de reculer, amenant ces derniers à rechercher d'autres relais de croissance, soulignent des analystes et des sources du secteur.

Le développement des revenus issus des données, un phénomène amené à s'amplifier, pousse parallèlement les opérateurs à viser ce marché, qui leur permettrait de commercialiser des services basés sur ces données et ces informations, comme des indices et des offres payantes post-transactions.

"Aujourd'hui plus que jamais, les données sont l'élément vital des marchés financiers et leur valeur ne cesse de croître", a déclaré Kevin McPartland, directeur de la division structure de marché et recherche technologique chez Greenwich Associates.

Si l'opérateur de la Bourse de Londres parvient à mettre la main sur Refinitiv, un fournisseur mondial d'informations, de données et d'analyses au secteur financier contrôlé par le fonds américain Blackstone et Thomson Reuters, l'opération serait parfaite, estiment les analystes.

"PLUS INTÉRESSANTS POUR LES CLIENTS"

"Cela les rend tout simplement plus compétitifs et plus intéressants (...) pour les clients (...)", souligne Spencer Mindlin, analyste chez Aite Group, un cabinet spécialisé dans les services financiers.

LSE et Thomson Reuters n'ont pas souhaité s'exprimer sur le sujet et Blackstone, pour sa part, n'était pas disponible dans l'immédiat.

Dans son communiqué confirmant des discussions en vue du rachat de Refinitiv, LSE a déclaré que l'opération lui permettrait d'accroître ses capacités en matière de données et de distribution, de diversifier ses offres dans le trading et d'étendre sa présence dans le monde, lui permettant ainsi de tirer parti "des futures opportunités de croissance liées aux données et à la technologie".

L'opération permettrait aussi à LSE de réduire ses coûts de plus de 350 millions de livres (388 millions d'euros) par an sur cinq ans, à l'issue de la finalisation de la transaction. Elle serait aussi relutive sur le bénéfice par action après la première année complète de l'opération.

Refinitiv est basé à Londres et compte plus de 40.000 clients, principalement des traders et des professionnels de l'investissement, dans plus de 190 pays.

Patrick Young, consultant chez Exchange Invest, estime que le projet d'acquisition de LSE constituerait pour l'opérateur de la Bourse de Londres "un pivotement majeur avec une prise de distance vis-à-vis de l'UE" .

David Schwimmer, directeur du London Stock Exchange, a déclaré le mois dernier qu'il était difficile ne serait-ce que d'envisager de grandes fusions en raison des réticences au niveau politique.

DIVERSIFIER LES SOURCES DE REVENUS

LSE a tenté en vain à plusieurs reprises de fusionner avec l'allemand Deutsche Börse. Il n'est pas non plus parvenu à racheter l'opérateur de la Bourse de Toronto, le canadien TSX.

En 2011, Singapore Exchange a aussi tenté d'acquérir l'australien ASX.

Tous ces échecs montrent la difficulté d'un mariage transfrontalier, même si Euronext est récemment parvenu à mettre la main sur l'opérateur de la Bourse d'Oslo, l'un des derniers indépendants en Europe occidentale.

Les principaux opérateurs boursiers, comme Intercontinental Exchange, Nasdaq et Deutsche Börse, ont en revanche rencontré davantage de succès dans la conclusion de transactions plus modestes destinées à diversifier leurs activités.

Les services de base proposés par les opérateurs sont les flux de données de marché en temps réel, une activité qui génère aux Etats-Unis environ 1,4 milliard de dollars de revenus annuels pour le secteur, selon Greenwich Associates. Les données permettent de dégager des revenus supplémentaires via des produits et des services associés aux transactions.

Xavier Rolet, l'ancien directeur général de LSE, s'était déjà efforcé de diversifier les revenus de l'opérateur après sa prise de fonctions en 2009.

Selon le rapport annuel 2018 de LSE, les services d'information représentaient près de 40% du chiffre d'affaires annuel du groupe, de 2,14 milliards de livres. Ce segment devançait l'an dernier les services post-marché (un peu plus de 30% du CA) et les activités traditionnelles sur les marchés des capitaux comme les opérations sur actions et les introductions en Bourse (19%). Cette dernière catégorie comptait pour environ 46% il y a dix ans.

(avec Michelle Price à Washington D.C., Noor Zainab Hussain à Bangalore et Pamela Barbaglia à Londres,; Claude Chendjou pour le service français, édité par Bertrand Boucey)

par Huw Jones et Elizabeth Dilts