MILAN/LONDRES (Reuters) - La reprise de l'activité économique après les confinements du printemps permettait d'espérer que les actions européennes sortent par le haut de la bande étroite dans laquelle elles fluctuent depuis plusieurs mois. Mais le retour en force des mesures de restriction pour freiner la résurgence de l'épidémie menace désormais ce scénario optimiste.

Le couvre-feu en France, la limitation des réunions privées au Royaume-Uni et les incitations à limiter les interactions sociales en Allemagne font craindre de voir le rebond économique tourner court. Or les actions européennes accusent encore un repli d'environ 11% depuis le début de l'année.

"Tout compte fait, ce trimestre est globalement un trimestre de reprise", estime Sylvain Goyon, responsable de la stratégie actions d'Oddo BHF à Paris. "Il y a eu une amélioration des attentes et il y a de bonnes chances que les prévisions économiques continuent d'être révisées à la hausse."

Selon les données Refinitiv I/B/E/S, les analystes financiers tablent pour le troisième trimestre sur une chute de 36,7% des bénéfices de l'indice Stoxx 600 par rapport à la même période l'an dernier.

"C'est mieux que ce qu'on a vu le trimestre dernier mais ça reste assez brutal", résume Philipp Lisibach, responsable de la stratégie actions globale de Credit Suisse à Zurich, en rappelant que les profits européens ont baissé de 51% au deuxième trimestre.

Signe de la fragilité de la tendance, les révisions à la baisse des estimations d'analystes, qui avaient pratiquement disparu en septembre, ont fait leur retour ces dernières semaines.

Au-delà des résultats de juillet-septembre, les investisseurs sont à l'affût d'indications sur le quatrième trimestre et 2021 ainsi que de commentaires sur l'évolution de l'activité ces dernières semaines ou encore sur l'impact du blocage des discussions entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Ils surveilleront aussi la manière dont les sociétés cotées maîtrisent l'évolution de leurs coûts et encaissent la hausse de l'euro.

Des résultats supérieurs aux attentes de grands noms ce la cote pourraient constituer "un catalyseur pour orienter les cours des actions à la hausse", estime Kevin Thozet, membre du comité d'investissement de Carmignac.

Un pronostic validé lundi par le bon accueil réservé par les marchés aux résultats de Philips, nettement supérieurs aux attentes.

La semaine dernière, les publications de Publicis, de Daimler, de LVMH et du chimiste allemand Covestro avaient déjà contribué à rassurer.

A l'agenda des jours prochains figurent entre autres Kering, L'Oréal et le suite Logitech, considéré comme l'un des gagnants européens de l'essor du télétravail lié à la crise.

En raison d'une exposition plus importante aux activités cycliques, l'évolution des bénéfices et les performances boursières en Europe sont davantage liées aux fluctuations de la conjoncture économique qu'aux Etats-Unis, où la tendance boursière est dictée pour une bonne part par les poids lourds des hautes technologies tels qu'Apple et Amazon.

Les secteurs européens de l'énergie et de la finance devraient ainsi enregistrer une baisse de leurs bénéfices de 81,6% et 38,6% respectivement au troisième trimestre.

Si ce déséquilibre explique en partie le retard des actions européennes par rapport aux américaines (le Standard & Poor's 500 est en hausse de 7% depuis le 1er janvier), il pourrait devenir un avantage une fois qu'un vaccin fiable sera disponible ou en cas de plan de relance massif aux Etats-Unis.

"Dans une période où l'économie reste soumise à une énorme pression, le manque de secteurs de croissance pénalise l'Europe mais dans le même temps, on peut avancer l'argument que si la reprise continue, il y aura un important potentiel de rattrapage", dit Philipp Lisibach.

Aux Etats-Unis, la baisse des profits au troisième trimestre devrait être limitée à 18,9% grâce au poids des "techs", qui ont bénéficié de l'évolution des modes de travail et de consommation ces derniers mois.

(Avec Sujata Rao à Londres, version française Marc Angrand, édité par Patrick Vignal)

par Danilo Masoni et Julien Ponthus