La réalité géopolitico-économico-financière est rarement un jeu à somme nulle. Hier, les marchés ont été confrontés à l'annulation de facto de la trêve au Proche-Orient avec le retour des frappes israéliennes à Gaza. Pendant ce temps, le coup de fil très attendu entre Donald Trump et Vladimir Poutine a accouché d'un accord bancal qui a douché les espoirs de cessez-le-feu temporaire en Ukraine. La Maison Blanche semblait confiante dans sa capacité à obtenir 30 jours de trêve, elle n'aura eu du Kremlin qu'une proposition de 30 jours de suspension des frappes sur les infrastructures énergétiques ukrainiennes. En parallèle, il n'y a guère eu d'évolutions sur le front des surtaxes douanières, et rien en tout cas qui laisse entrevoir des discussions constructives entre les différentes puissances impliquées, c’est-à-dire principalement à ce stade les Etats-Unis, leurs anciens amis (UE, Canada, Mexique) et leur nouvel ennemi intime (Chine). Après avoir intégré ces éléments, les marchés actions américains ont repiqué du nez après deux jours de rebond. Ce sont encore les valeurs technologiques et les dossiers clinquants comme Palantir ou Tesla qui ont plombé l'ambiance. Le Nasdaq 100 a reperdu 1,66%, pendant que le S&P 500 lâchait 1,1%.
La méforme boursière de Wall Street a une cause principale : les investisseurs sont toujours très méfiants vis-à-vis de la politique de Donald Trump. Le nouvel accès de fièvre de l'or, qui explore actuellement des zones vierges, en est la preuve. Le sentiment général sur les marchés est que les Etats-Unis seront la principale victime de la guerre commerciale, parce qu'elle risque de dérégler la machine économique relativement bien huilée du pays. C'est ce qui explique le report vers d'autres cieux, notamment l'Asie et l'Europe, deux régions où la narration a repris un tour positif dernièrement. Le vieux continent parce que tout le monde s'agite pour tenter une reprise en main du destin de la région. L'ancien Empire du Milieu car les autorités ont profité du sursaut technologique qui a enfiévré le pays pour mettre les bouchées doubles sur le réveil interne. L'Europe et l'Asie ont ainsi continué leur ascension pendant que Wall Street faisait machine arrière. On se gardera de crier à la fin de l'exceptionnalisme américain, cette espèce de superpouvoir permettant aux Etats-Unis de faire la pluie, le beau temps, les tendances et à peu près tout ce qu'ils veulent depuis plusieurs décennies. Mais force est de constater que la machine est fragilisée.
Mais il reste de l'espoir ! Quand tout va mal en Amérique, il faut ressortir du chapeau un superhéros. Jerome Powell n'a pas vraiment le physique de l'emploi, contrairement à l'illustration fantasmée du jour, mais il dispose de la force de frappe nécessaire. C'est sur lui que comptent les investisseurs ce soir lors de la grand-messe périodique de la banque centrale américaine. A 19h00, il devrait annoncer que la Fed laisse ses taux directeurs inchangés. Il va aussi communiquer autour des nouvelles prévisions de l'institution sur la base du rapport qui sera publié en marge de la décision de politique monétaire. Ce rapport contient notamment le graphique en points (dot plot), qui matérialise les anticipations d'évolution des taux à court, moyen et long terme par les membres de la Fed. En d'autres termes, c'est le meilleur indicateur dont dispose le marché pour imaginer le nombre de baisses de taux qui devraient intervenir cette année et l'année prochaine (ou de hausses, mais ce scénario est écarté pour l'instant et serait d'ailleurs synonyme de gros, gros problème pour l'économie américaine). Le marché compte grandement sur le "Put Powell", c’est-à-dire le moment où la Fed va être contrainte d'adopter une attitude plus ouvertement pro-marché parce que la baisse aurait trop duré et menacerait la confiance économique. Il n'y a pas de niveau prédéfini, mais plus les doutes montent, plus ce moment se rapproche.
L'actualité est chargée aujourd'hui hors Fed. La Banque du Brésil doit trancher ce soir sur sa propre politique monétaire, tandis que la Banque du Japon a déjà rendu son verdict cette nuit. Les taux sont restés inchangés dans l'Archipel, mais la BoJ a fait part de son inquiétude pour le commerce international, ce qui laisse supposer que son approche sera plus souple dans les semaines à venir. L'euro a perdu un peu de terrain après le contact russo-américain décevant, mais le vote par le Bundestag des crédits de dépense d'infrastructure lui a fourni un solide filet de sécurité. Dans le domaine technologique, Nvidia a fait son show habituel lors de sa conférence annuelle des développeurs, mais la magie opère moins en ce moment. Il y a eu un afflux grotesque de dizaines de communiqués de partenariats de la part de multiples sociétés cotées dans la foulée. Là encore, le marché s'est lassé : il ne suffit plus d'accoler son nom à celui de Nvidia pour faire bondir une action. Les investisseurs attendent le coup d'après, celui qui démontrera que ces dépenses d'investissements somptuaires se traduiront dans les comptes de résultats et pas seulement dans l'alourdissement du bilan.
Les parcours sont disparates en Asie-Pacifique ce matin. Le Japon a perdu 0,25% en clôture. La Chine et Hong Kong se promènent autour de l'équilibre. La Corée du Sud et l'Inde sont en légère progression. L'Australie a cédé 0,4% et Taiwan coiffe le bonnet d'âne avec un repli de 1,4%.
Le CAC40 démarre la séance en repli de 0,2% à 8101 points. Le SMI lâche 0,35% à 13 022 points. Le Bel20 accuse une contraction de 0,3% à 4486 points.
Les temps forts économiques du jour
Après la lecture finale de l'inflation européenne de février (11h), place à la décision de la Fed sur ses taux et aux projections économiques de l'institution (19h00), suivies de la conférence de présentation de la décision à partir de 19h30. Tout l'agenda ici.
Les cotations sont celles du jour autour de 7h00 :
- Euro : 1,0933 USD
- Spread Bund / OAT : 68 points (+0,7%)
- VIX : 21,7 (+1%)
- Once d'or : 3036 USD
- Brent : 70,25 USD
- 10 ans US : 4,296%
- Bitcoin : 83 080 USD
Les principaux changements de recommandations
- Bechtle : Landesbank Baden-Württemberg dégrade sa recommandation d'achat à conserver avec un objectif de cours de 44 EUR.
- Bravida Holding : Pareto Securities démarre le suivi à l'achat avec un objectif de cours de 110 SEK.
- Bureau Veritas : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours relevé de 36 à 37 EUR.
- Centrica : Barclays dégrade de surpondérer à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 175 GBX à 170 GBX.
- Compass : BNP Paribas Exane passe de neutre à sousperformance en visant 2500 GBX.
- Daimler Truck : DZ Bank AG Research dégrade son conseil d'achat à conserver avec un objectif de cours réduit de 46 EUR à 42 EUR.
- Dassault Aviation : Morgan Stanley maintient sa recommandation de pondération de marché avec un objectif de cours relevé de 225 à 310 EUR.
- DocMorris : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 24 à 17 CHF.
- Exosens : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours relevé de 31 EUR à 45,50 EUR.
- Ferrovial : Deutsche Bank démarre le suivi à l'achat avec un objectif de cours de 48 EUR.
- Holcim : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 91,90 à 108,70 CHF.
- ING Groep : Landesbank Baden-Württemberg passe d'acheter à conserver avec un objectif de cours relevé de 18,10 EUR à 19,50 EUR.
- Instalco : Pareto Securities démarre le suivi à conserver avec un objectif de cours de 37 SEK.
- Leonardo : Morgan Stanley reste à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 35 à 60 EUR.
- Manitou Group : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance et réduit l'objectif de cours de 29 à 27 EUR.
- Polypeptide Group : Barclays maintient sa recommandation de surpondérer et réduit l'objectif de cours de 40 CHF à 36 CHF.
- Recordati : Deutsche Bank améliore sa recommandation de vendre à conserver avec un objectif de cours de 52 EUR.
- Redeia Corporacion : Morgan Stanley améliore sa recommandation de souspondérer à pondération de marché avec un objectif de cours relevé de 16 EUR à 18 EUR.
- Rémy Cointreau : JP Morgan maintient sa recommandation de souspondérer avec un objectif de cours réduit de 50 à 46 EUR.
- Schneider Electric : RBC Capital passe de sousperformance à surperformance avec un objectif de cours relevé de 225 EUR à 270 EUR.
- Shell : TD Cowen reprend la couverture à acheter avec un objectif de cours de 3075 GBX.
- Siemens : RBC Capital déclasse à performance de secteur de surperformance avec un objectif de cours de 245 EUR.
- Thales : Morgan Stanley maintient sa recommandation de pondération de marché avec un objectif de cours relevé de 161 à 244 EUR.
- TUI : JP Morgan démarre le suivi à surpondérer avec un objectif de cours de 12 EUR.
En France
Annonces importantes (et moins importantes… Je précise que les informations sont données à chaud avant l'ouverture et ne préjugent pas de la couleur des actions pendant la séance)
- Alstom va fournir 27 trams supplémentaires à la ville de Strasbourg.
- Dassault Systemes investit dans Click Therapeutics.
- Thales équipera les futurs sous-marins néerlandais.
- Le trafic de Vinci a augmenté sur les autoroutes et dans les aéroports en février.
- Bolloré visé par une plainte pour recel et blanchiment par un collectif panafricain.
- Air France a dévoilé une nouvelle suite de première classe, dans le cadre de ses efforts visant à attirer les voyageurs fortunés des avions d'affaires.
- Ipsen émet 500 M€ d'obligations à 7 ans à 3,85%.
- Soitec promeut ses technologiques photoniques, qui permettent de réduire la consommation d'énergie des solutions CPO pour l'IA.
- Assystem dégage une marge opérationnelle de 6,6% en 2024 et vise un niveau identique cette année.
- Deezer confirme son objectif d'atteindre un Ebitda ajusté positif en 2025.
- Nicox annonce que la visite finale du dernier patient a été effectuée dans l'étude de phase IIIb Whistler sur le NCX 470 pour le glaucome.
- MaaT Pharma peut poursuivre son essai clinique de phase III avec MaaT013 dans la maladie aiguë du greffon contre l'hôte, après avis favorable final du DSMB.
- Une ancienne filiale de Novacyt plaide coupable et attend la condamnation pour septembre dans une affaire de santé publique au Royaume-Uni.
- Netgem s’appuie sur l’IA générative pour élargir son offre de services aux éditeurs de média en s’associant à la société Bary.
- Les principales publications du jour : Burelle, Infotel, Haulotte, BOA Concept, Ateme, Qwamplify, Barbara Bui, Fill Up, Idsud, Prodways, Gensight… Le reste ici.
Dans le vaste monde
Annonces importantes (et moins importantes)
D'Europe
- Rio Tinto soutient la structure à double cotation et demande aux actionnaires de rejeter l'offre de Pallister.
- Volkswagen va vendre jusqu'à 2,2% de sa participation dans Traton (à 32,75 EUR pièce).
- Pfizer cède le solde de ses titres Haleon (7,3% du capital) via un placement accéléré, à 385 GBX par action, aux dernières nouvelles.
- Vonovia présente ses perspectives de moyen terme.
- Softcat revoit à la hausse ses prévisions de bénéfices pour 2025 en raison de la demande croissante en matière d'IA.
- Eni vend à Vitol des actifs en Afrique de l'Ouest pour 1,65 milliard de dollars.
- La famille fondatrice de Strabag met en vente environ 1,7% de la société de construction autrichienne, révèle Bloomberg.
- Ben & Jerry's affirme qu'Unilever a décidé d'évincer le PDG du fabricant de glaces.
- AP Moller Maersk nie avoir expédié des armes à Israël pendant le conflit de Gaza.
- Hunting Plc étudie des options de fermeture d'un site d'exploitation OCTG aux Pays-Bas.
- Brembo constate une baisse de son chiffre d'affaires et risque de voir ses volumes affectés par les droits de douane américains.
- Südzucker dépasse ses prévisions de bénéfices en 2024.
- Le directeur financier de Hargreaves Lansdown sur le départ.
- La suédoise Einride en pourparlers avec des banques en vue d'une cotation aux États-Unis, selon le FT.
- Les principales publications du jour : Talanx AG, Vonovia SE, Prudential Plc, Snam, Jerónimo Martins, Swatch Group …
D'Amérique du Nord
- Alimentation Couche-Tard, qui a publié des trimestriels sans saveur, a rencontré les actionnaires de Seven & I pour soutenir son offre de rachat.
- En marge d'une conférence Nvidia, de nombreux groupes ont annoncé des projets avec le fournisseur de puces (Super Micro Computer, IBM, CrowdStrike, Hon Hai, Teradyne, Dell, Telus, Accenture…).
- Le fonds activiste Starboard s'apprête à lancer une bataille en AG contre Autodesk, selon le WSJ
- Morgan Stanley prévoit environ 2000 suppressions d'emplois pour maîtriser ses coûts, selon Bloomberg.
- Tesla obtient le premier d'une série de permis dont elle a besoin pour faire fonctionner des robotsaxis en Californie.
- Les principales publications du jour : Progressive Corporation, General Mills, Raymond James Financial, Power Corporation of Canada, Williams-Sonoma …
D'Asie Pacifique et d'ailleurs
- La Chine retarde l'approbation de l'usine mexicaine de BYD, selon le FT.
- Leapmotor lance ses ventes au Royaume-Uni avec deux modèles de véhicules électriques.
- Zeekr et Xpeng proposent des voitures dotées de fonctionnalités de conduite autonome de catégorie L3.
- Les principales publications du jour : Tencent Holdings, ANTA Sports, China United Network …
Le reste de l'agenda mondial des publications ici.
Lectures
- Les petites capitalisations ne signalent pas de récession (Financial Times, en anglais).
- L'entreprise de défense qui est devenue l'une des plus grandes fraudeuses fiscales des Etats-Unis (Wall Street Journal, en anglais).
- Automobile : la production française au plus bas depuis les années 1960 (Les Echos).
- Amazon attaque Nvidia avec des remises agressives sur les puces d'IA (The Information, en anglais).
- Nucléaire : le thorium est-il l’avenir de l'énergie atomique ? (L'Express).