La dernière attaque d’envergure visant deux sites pétroliers de Saudi Aramco, dans un contexte de tensions diplomatiques déjà exacerbées entre le royaume saoudien et Téhéran, a ainsi réveillé de vieux souvenirs puisque les cours pétroliers ont établi des variations journalières de près de 15%, du jamais vu depuis la guerre du Golfe en 1991. Si la fièvre est nettement retombée depuis grâce à un retour à la normale de la production saoudienne, il n’en reste pas moins que cette accalmie demeure fragile compte tenu de l’intensification des attaques de la part des rebelles yéménites, les houthis, sur le territoire saoudien.

Les attaques d’installations pétrolières ne sont pas nouvelles

Avant de passer brièvement en revue le nombre considérable d’attaques houthis en Arabie Saoudite, il convient de rappeler quelques éléments de contexte pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants du conflit yéménite. Depuis cinq ans, le Yémen est enlisé dans une guerre civile au lourd bilan humain, opposant les rebelles houthis, organisation chiite soutenus par l’Iran, à un camp anti-houthistes hétéroclite et divisé, composés de loyalistes, de séparatistes et d’autres groupes anti-insurgés, tous appuyés militairement par une coalition arabo-sunnite menée par l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis. Les houthis contrôlent la capitale Sanaa et les zones les plus densément peuplées à l’ouest du pays, un pouvoir vu d’un mauvais œil par l’Arabie Saoudite, qui craint l’influence de l’Iran au sud du royaume.

Le décor planté, revenons à l’attaque des installations pétrolières d’Aramco, revendiquées par les rebelles houthis, qui s’inscrit au sein d’une longue liste de raids déployés sous la forme de drones ou bien de missiles balistiques sur le territoire saoudien.

  • 14/09 : les houthis revendiquent l’attaque de deux installations d’Aramco, situées à Abqaiq et Khurais.
  • 06/09: les houthis annoncent avoir tiré plusieurs missiles balistiques sur l’aéroport de Najran et lancé des attaques de drones sur la base aérienne Roi Khaled. 
  • 25/08: les houthis disent avoir attaqué l’aéroport d’Abha avec des drones.
  • 17/08 : les houthis mènent une attaque aux drones contre des installations pétrolières d’Aramco à Shaybah.
  • 16/08: les houthis disent avoir lancé un raid de drones sur l’aéroport d’Abha.
  • 13/08: les houthis disent avoir lancé un raid de drones sur l’aéroport d’Abha.
  • 10/08: les houthis disent avoir lancé un raid de drones sur l’aéroport d’Abha.
  • 16/07 : les houthis mènent une attaque de drones contre la base aérienne Roi Khaled et l’aéroport de Djizan.
  • 06/07 : les houthis revendiquent des attaques de drones contre les aéroports de Djizan et d’Abha.
  • 04/07 : les houthis disent avoir lancé un raid de drones sur l’aéroport de Djizan.
  • 02/07: les houthis disent avoir lancé un raid de drones sur l’aéroport d’Abha.
  • 29/06 : les houthis revendiquent des attaques de drones contre les aéroports de Djizan et d’Abha.
  • 25/06: les houthis revendiquent des attaques de drones contre les aéroports de Djizan et d’Abha.
  • 23/06: les houthis revendiquent des attaques de drones contre les aéroports de Djizan et d’Abha.
  • 17/06 : les houthis disent avoir lancé un raid de drones sur l’aéroport d’Abha.
  • 15/ 06 : les houthis revendiquent des attaques de drones contre les aéroports de Djizan et d’Abha.
  • 14/06 : les houthis disent avoir lancé un raid de drones sur l’aéroport d’Abha.
  • 12/06: les houthis ont tiré un missile de croisière contre l’aéroport d’Abha.
  • 14/05 : les houthis revendiquent l’attaque de deux stations de pompage situées près de Ryad.

Attaques revendiquées par les houthis sur le territoire saoudien – source : Zonebourse (cliquez pour agrandir)

A la lumière de cette carte, plusieurs enseignements peuvent être tirés. Premièrement, si les cibles visées en priorité par les rebelles houthis sont d’ordre militaire (aéroports, entrepôts stratégiques et autres infrastructures), les installations pétrolières font aussi partie du plan de harcèlement  des insurgés yéménites. Sur les cinq derniers mois, les infrastructures d’Aramco ont été ciblées à trois reprises.

La position saoudienne se fragilise à mesure que le conflit s’enlise

Bien que la plupart des attaques soient interceptées par les défenses aériennes saoudiennes, les frappes réussissent parfois et concernent une vaste portion du territoire saoudien. Les houthis revendiquent effectivement des attaques à plus d’un millier de kilomètres de leur fief au Yémen, poussant certains observateurs à suspecter l’Iran de se cacher derrière ces bombardements ciblés. Pire encore, la situation semble échapper aux stratèges saoudiens, qui ont dernièrement subi l’un des pires revers militaires depuis le début de leur engagement au Yémen. Des "milliers" de soldats auraient été capturé au sud de Najran, dont des officiers et des centaines de blindés.

La position de l’Arabie Saoudite tend ainsi à se fragiliser à mesure que l’instabilité augmente dans la région, poussant à ce titre Fitch à réviser à abaisser d’un cran la note de la dette de l’Arabie Saoudite. L’agence de notation insiste sur la vulnérabilité de Ryad face aux menaces militaires en déclarant que "l'Arabie Saoudite est vulnérable à l'escalade des tensions géopolitiques en raison de sa position dominante en matière de politique étrangère, y compris son alignement étroit sur la politique américaine à l'égard de l'Iran et sa participation continue à la guerre au Yémen".

L’Arabie Saoudite promeut le choix de l’apaisement en plein préparatif de l’IPO d’Aramco

C’est dans ce contexte tendu que l’Arabie Saoudite prépare l’introduction de son poulain, Saudi Aramco. Le Royaume joue donc la carte de l’apaisement. Mohamed ben Salman, le prince héritier d’Arabie Saoudite, a réaffirmé sa préférence pour une solution politique plutôt que militaire face à l’Iran, tout en appelant la communauté internationale à faire front face aux agissements de Téhéran. Pour cela, le spectre d’une explosion des cours du brut a été agité, ben Salman prophétisant une menace sur les intérêts mondiaux en cas d’escalade militaire dans le Golfe.