La volte-face du président américain Donald Trump sur les droits de douane a encore accru la volatilité des marchés, faisant déraper les investisseurs des actions vers les valeurs refuges et vice-versa, et si les crises précédentes ont donné lieu à des mouvements plus importants, peu ont été aussi rapides.

Mercredi, M. Trump a déclaré qu'il réduirait temporairement les droits de douane élevés imposés à des dizaines de pays tout en augmentant la pression sur la Chine, ce qui a déclenché l'un des retournements de situation les plus intenses pour les marchés depuis la crise du COVID en 2020.

En matière de volatilité, c'est la rapidité d'un mouvement qui peut déclencher l'alarme. Les fluctuations du marché en avril se sont produites avec à peu près la même intensité qu'en 2020 et près de celle de la crise financière de 2008, mais en une fraction du temps utile.

Voici comment les mouvements se sont déroulés depuis l'annonce de la réciprocité des droits de douane par Trump le 2 avril :

1/ VERS LA LUNE ?

Les marchés boursiers du monde entier ont rebondi mercredi et jeudi après la pause de M. Trump. Le S&P 500 a grimpé de 9,5 % mercredi, son plus grand gain quotidien depuis 2008, tandis que l'Europe a réalisé jeudi son plus grand bond depuis mars 2020.

Toutefois, la plupart des grands indices restent en deçà de l'annonce du "jour de la libération" de Trump et ont tous subi l'une des plus fortes baisses de ces dernières années.

Les actions de Hong Kong ont chuté de 13 % lundi, leur plus forte baisse depuis 1997, tandis que l'indice européen STOXX 600 et le S&P 500 ont connu leur plus forte baisse sur trois jours depuis la pandémie de COVID-19.

"Nous constatons des niveaux d'incertitude et de volatilité que nous n'avons pas vus depuis la crise financière mondiale", a déclaré George Lagarias, économiste en chef chez Forvis Mazars.

"Ces niveaux de volatilité ne sont pas bons pour les marchés financiers. Ils risquent de provoquer des bouleversements", a-t-il ajouté.

2/ VORTEX OBLIGATOIRE

Le marché obligataire américain s'est retrouvé à l'épicentre des fluctuations, car les investisseurs, inquiets de l'impact des droits de douane sur l'économie américaine et des dommages qui en résulteraient pour la stabilité des actifs américains, se sont débarrassés des bons du Trésor. Les rendements des bons du Trésor à dix ans, qui ont chuté de 30 points de base au cours des jours qui ont suivi le 2 avril, ont augmenté de 25 points de base à un moment donné mercredi, avant de baisser presque aussi rapidement une fois que la nouvelle de la pause est tombée. Les rendements ont grimpé de 36 points de base entre le 2 avril et le sommet du 9 avril et sont maintenant plus élevés de 14 points de base. Lors de la crise COVID au début de 2020, ils ont chuté de 120 points de base avant de se redresser pour s'échanger quelque 100 points de base plus haut lorsque le pire de la crise est passé.

3/ MON AMI, POUVEZ-VOUS ÉPARGNER LE DOLLAR ?

Le dollar n'a pas joué son rôle de valeur refuge sur le marché des changes et a chuté par rapport à un certain nombre de grandes devises depuis le 1er avril. Il a perdu près de 5 % par rapport au franc suisse et près de 3 % par rapport au yen japonais et à l'euro. En ce qui concerne la volatilité, les opérateurs se sont empressés de se protéger contre les fortes variations de prix, notamment parce que les gagnants et les perdants de la prochaine série de tarifs douaniers risquent de ne pas être évidents. Par rapport à un panier de devises, le dollar a fait, depuis le 2 avril, un aller-retour comparable à celui qu'il avait fait pendant le COVID, mais, là encore, en une fraction du temps utile.

4/ MISER SUR UN REBOND ?

Les banques mondiales ont dû faire face aux attentes d'un choc pour la croissance mondiale et à la perspective d'une accélération des réductions de taux dans le sillage des plans tarifaires de Trump, une combinaison qui a fait plonger les actions, avant de rebondir avec la pause de Trump.

L'indice américain KBW Bank s'est effondré de près de 16 % en deux jours, sa plus forte baisse de ce type depuis mars 2020, tandis que les créanciers européens ont connu leur plus forte chute depuis 2020, deux jours après le "jour de la libération".

Il s'agit d'un revirement remarquable pour le secteur qui avait auparavant bénéficié de taux d'intérêt plus élevés, d'une économie américaine robuste et d'une croissance améliorée en Europe.

Les marchés ont rapidement intégré les réductions de taux de la Banque centrale européenne et de la Réserve fédérale en raison des risques accrus de récession, mais ils ont depuis revu certaines de ces attentes à la baisse.

Les actions bancaires ont rebondi. L'indice KBW Bank a bondi de 9 % mercredi, son plus grand bond en un jour depuis la réélection de M. Trump en novembre.

Les valeurs bancaires européennes ont augmenté de près de 7 % jeudi, en passe de connaître leur plus forte hausse en une journée depuis le rebond de mars 2022 après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

5/ UN ACCÈS DE VOLATILITÉ ÉPIQUE

Il y a bien eu des périodes où les marchés ont évolué davantage dans un sens ou dans l'autre qu'aujourd'hui, mais peu de périodes avec une telle rapidité. L'indice VIX, qui reflète la mesure dans laquelle les investisseurs se protègent contre la volatilité, a atteint des niveaux de crise. Il a atteint un sommet de 60 cette semaine, ce qui ne s'était produit qu'à trois reprises depuis la création de l'indice en 1990, lors d'une chute brutale des marchés en août, en 2020 et en 2008. Depuis, l'indice a baissé pour se rapprocher de 35, ce qui signifie que la hausse et la baisse de ces trois derniers jours ont été parmi les plus rapides jamais enregistrées.