New York (awp/afp) - La baisse des prix du pétrole revient hanter ExxonMobil et Chevron, qui ont annoncé vendredi un plongeon de leurs bénéfices trimestriels susceptible d'inquiéter leurs actionnaires sur les dividendes futurs, sur fond de défiance vis-à-vis des énergies fossiles.

ExxonMobil, poursuivi actuellement en justice par l'Etat de New York dans une affaire liée au réchauffement climatique, a vu son bénéfice net réduit de moitié au troisième trimestre, à 3,17 milliards de dollars.

Le profit de Chevron a pour sa part chuté de 36,2% à 2,58 milliards de dollars.

Cette détérioration de leur rentabilité s'inscrit dans le sillage de ses rivaux européens: le bénéfice trimestriel de BP a été divisé par près de cinq à 749 millions de dollars, tandis que celui de Total a chuté de 29% à 2,8 milliards. Royal Dutch Shell a vu le sien quasiment stagner à 5,9 milliards.

"Les bas prix du brut et du gaz naturel ont plombé" les comptes, a déploré vendredi Michael Wirth, le PDG de Chevron, soulignant que son groupe avait vendu son baril de pétrole à 47 dollars au troisième trimestre, en baisse de 24,2% sur un an.

En moyenne, le cours du brut échangé à New York était de 56,4 dollars le baril au troisième trimestre 2019, contre 69,4 dollars à la même période en 2018. Il accuse ainsi une baisse en moyenne de 19% en un an.

Brader les actifs ?

Les choses ne devraient pas s'arranger de sitôt, estiment les experts, d'autant que les majors pétrolières ne peuvent plus compter sur leurs stations essence et la vente de leurs produits pétrochimiques: résines de pétrole, lubrifiants, éthylène, butadiène, propylène et caoutchouc synthétique entre autres.

Les coûts de maintenance des raffineries ont notamment augmenté, ce qui a entraîné une chute de 57% du bénéfice de cette activité chez ExxonMobil, propriétaire des stations Esso, Mobil et Exxon.

De nombreux signaux font en outre craindre une offre d'hydrocarbures nettement supérieure à la demande en 2020, malgré la volonté de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) de contrôler les approvisionnements en baissant les quotas de production.

Le Fonds monétaire international (FMI) a par exemple calculé que la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, les deux premières puissances économiques mondiales, allait amputer le PIB mondial de 0,8%, soit 700 milliards de dollars, d'ici 2020 si la totalité des droits de douane renforcés entrait en vigueur d'ici la fin de l'année.

Ces tensions commerciales devraient affecter la demande pour les produits pétroliers et pétrochimiques, assurent les experts.

L'avènement des véhicules électriques et le durcissement des politiques d'émissions de CO2 ajoutent aux incertitudes.

Un procès a démarré le 23 octobre à New York opposant ExxonMobil à l'Etat démocrate, qui accuse le groupe d'avoir trompé les investisseurs en prétendant à tort, depuis 2014, intégrer pleinement les risques de durcissement des législations sur les émissions de gaz à effet de serre dans ses projections à long terme.

De quoi inquiéter les marchés financiers sur la capacité des majors à continuer à choyer les actionnaires, comme ce fut le cas par le passé.

ExxonMobil et Total n'ont pas généré suffisamment de liquidités cette année pour couvrir leurs dépenses et dividendes, selon le cabinet FactSet, tandis que BP a dû s'endetter pour pouvoir verser des dividendes.

Pour contenter des actionnaires, habitués à d'importantes rémunérations (programmes de rachats d'actions et dividendes) quand le baril du brut était encore à 100 dollars début 2014, ExxonMobil a lancé un programme de cessions d'actifs de 15 milliards de dollars d'ici 2021.

Il a déjà vendu ses avoirs norvégiens en échange de 4,2 milliards de dollars, mais la défiance vis-à-vis des énergies fossiles sous l'impulsion des ONG environnementalistes pourrait compliquer cette stratégie, comme vient de l'apprendre à ses dépens BP.

Le groupe britannique a dû brader récemment certains de ses actifs américains, ce qui l'a forcé à inscrire une charge de dépréciations de l'ordre de 2,6 milliards de dollars dans ses comptes trimestriels.

Seul point positif actuellement: la production d'hydrocarbures. Elle a augmenté de 3% aussi bien chez ExxonMobil que chez Chevron.

afp/rp