(Actualisé après rencontre avec la filière viticole)

par Gus Trompiz

PARIS, 22 février (Reuters) - Emmanuel Macron a inauguré samedi le 57e Salon international de l'agriculture à Paris en exprimant son soutien aux agriculteurs dans un contexte de remise en cause d'une partie de leurs pratiques et d'inquiétudes sur la pérennité de la Politique agricole commune (Pac).

"Nous sommes derrière nos agriculteurs et nos paysans. Ce sont nos paysans qui nous nourrissent chaque jour. On doit être fier de notre agriculture française", a dit le président dans les allées du centre des expositions de la porte de Versailles.

"On lui demande (à l'agriculture) des changements très profonds pour l'environnement, la qualité, la sécurité alimentaire et elle est au rendez-vous de ces changements", a-t-il poursuivi.

"Je sais pouvoir compter sur l'ensemble du monde paysan pour réussir cette transformation (...) tout en gardant une agriculture forte, pour réussir à réduire nos pesticides, le faire de manière apaisée réconciliée et en permettant à nos paysans d'avoir leurs revenus", a insisté Emmanuel Macron, soulignant que "rien ne doit justifier des actions contre nos paysans" et promettant d'être "intraitable" sur le sujet.

Le chef de l'Etat est arrivé vers 08h15 à la Porte de Versailles, où il a eu un premier échange d'une demi-heure avec des jeunes agriculteurs et des représentants de la FNSEA, dont sa présidente, Christine Lambert.

Il a évoqué avec eux les motifs d'inquiétude du monde agricole, dont les distorsions de concurrence, l'impact des normes phytosanitaires ou les inquiétudes sur le maintien de la Politique agricole commune (Pac), les controverses sur l'environnement et le bien-être animal ou encore l'"agribashing", le dénigrement que les agriculteurs disent ressentir.

LES INQUIÉTUDES DE LA FILIÈRE VITICOLE

Le sort des agriculteurs aujourd'hui à la retraite a également constitué un thème important de ces échanges, les représentants de la FNSEA réclamant une revalorisation immédiate des pensions de retraite actuelle à 85% du smic.

"Je ne peux pas gérer l'avenir et le passé en même temps. Je ne vais pas vous mentir", leur a-t-il répondu.

"Tous ceux qui rentreront dans le nouveau système, contrairement à l'ancien, ils auront une garantie de retraite minimum. Est-ce que je peux aujourd'hui vous dire l'ensemble du stock, c'est-à-dire tous nos (agriculteurs) retraités d'aujourd'hui peuvent y rentrer ? C'est impossible. C'est impossible, parce que c'est 1,1 milliard", a-t-il insisté avant d'entamer une lente déambulation dans les allées de la porte de Versailles, rencontrant des éleveurs, mangeant du boeuf charolais ou posant devant les smartphones des visiteurs.

Il a également multiplié, comme le veut la tradition de ces visites présidentielles au rendez-vous annuel de l'agriculture, les appartés, les contacts et les prises de parole impromptues.

En fin de matinée, aucun incident notable n'était signalé, sinon l'évacuation d'Eric Drouet, qui fut l'une des figures du mouvement des Gilets jaunes.

Sur BFM TV, Christine Lambert a insisté sur la difficulté d'un secteur agricole particulièrement exposé à la concurrence extérieure, où l'imposition de normes trop strictes en France, à l'image du "haro sur les produits phytosanitaires", favorise les produits agricoles importés de pays qui n'appliquent pas les mêmes règles.

"Nous avons dit que nous comprenons qu'il faut protéger la santé des consommateurs et des riverains, mais ça ne peut pas se faire sans accompagnement financier, sinon c'est de la perte sèche pour les agriculteurs", a dit la présidente de la FNSEA.

Après une rencontre avec les représentants de la filière céréalière, Emmanuel Macron s'est entretenu avec la filière viticole, qui souffre des droits de douane établis par les Etats-Unis dans le litige qui oppose Boeing et Airbus devant l'OMC.

"On a dit au président que la viticulture subissait les représailles d'un conflit qui n'est pas le nôtre, avec un chiffre d'affaires de 300 à 400 millions d'euros de moins pour les États-Unis avec les taxes de 25% lié au conflit sur l'aéronautique", a déclaré à Reuters Jérôme Despey, viticulteur dans l'Hérault et secrétaire général de la FNSEA, précisant que le chiffrage porte sur un conflit qui durerait un an.

Le président français, a-t-il ajouté, s'est engagé à porter la demande de création d'un fonds de compensation auprès de l’Union européenne avec l'objectif qu'il soit mis en place au printemps.

"LA PAC NE PAIERA PAS POUR LE BREXIT"

Autre motif d'inquiétude, le sort de la Politique agricole commune (Pac) européenne au-delà de la fin de l'année.

Réunis jeudi et vendredi en sommet extraordinaire à Bruxelles, les dirigeants européens n'ont pas réussi à s'entendre sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 de l'Union européenne.

Les Vingt-Sept s'opposent sur le montant de l'enveloppe budgétaire au moment où le départ du Royaume-Uni va amputer de l'ordre de 75 milliards d'euros le budget communautaire sur la période de sept ans à venir, mais aussi sur la répartition des dépenses publiques.

La France défend les subventions communautaires à l'agriculture que d'autres Etats membres veulent réduire pour réorienter les dépenses européennes vers de nouvelles priorités, à commencer par la lutte contre le dérèglement climatique, mais aussi la gestion des flux migratoires et la transition de l'économie vers le numérique.

"Nous avons refusé un mauvais accord sur la Pac, nous n'avons pas sacrifié la Politique agricole commune et je l'ai dit très clairement: ça n'est pas la Politique agricole commune qui peut payer pour le Brexit", a déclaré Emmanuel Macron vendredi soir à l'issue du sommet de Bruxelles.

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(avec Henri-Pierre André)