Suez

PARIS (awp/afp) - La crise du coronavirus appelle à réfléchir sur les priorités pour demain, notamment environnementales, plaide Bertrand Camus, directeur général de Suez.

"En cette période plus que secouée", le groupe compte dans l'immédiat sur son retour d'expérience du coronavirus en Chine pour traverser au mieux cette crise, sans pouvoir en évaluer encore l'impact, explique-t-il à l'AFP.

Q: Numéro deux mondial de l'eau et des déchets, Suez intervient sur tous les continents, notamment en Chine (7 à 8% de son activité). Qu'observez-vous?

R: En Chine on assiste à un redémarrage de l'activité économique. Nous le voyons sur la consommation d'eau, la production de déchets dangereux... A Macao par exemple, la production d'eau était de -20% (au pic de la crise, NDLR), nous ne sommes plus qu'à -5%. Sur 10.000 collaborateurs, un seul a été infecté et hospitalisé, il est aujourd'hui guéri. Nos équipes en Chine peuvent aussi par exemple aller voir les producteurs de masques, un sujet critique (pour équiper tout le groupe).

Nous avions éliminé les activités non essentielles, séparé les équipes pour qu'elles ne tombent pas malades... Il faut faire le dos rond, rester concentré et nous avons pu assurer la continuité du service. Nous allons voir comment se gère cette première phase de reprise, il y aura peut-être des choses à mettre en place en Europe.

En Europe on est en gestion de crise depuis trois semaines, nos objectifs sont la protection des équipes, la continuité du service public et les questions financières autour de l'entreprise pendant cette période plus que secouée.

Nous avons moins de demande des services municipaux, nous observons une contraction des volumes de 5-10%. Des clients industriels ont arrêté, d'autres continuent.

Notre message (aux salariés) est qu'il faut se préparer pour durer. On discute aussi avec les autorités pour simplifier certaines démarches. Nous avons une capacité à tenir plusieurs mois, comme profession et comme entreprise.

Q: En février, vous évaluiez de 30 à 40 millions d'euros l'impact de la crise chinoise sur votre activité au 1er trimestre. Qu'en est-il maintenant que le virus se diffuse?

R: Il est trop tôt pour le dire, on reviendra vers le marché quand on pourra. Nous avons basculé d'un monde à un autre en peu de temps.

L'assemblée générale (le 12 mai) est maintenue, elle se tiendra virtuellement.

Concernant le versement de dividendes, nous en avons débattu au conseil d'administration, et nous le maintenons. Il y a un arbitrage entre gestion de trésorerie et marque de confiance sur la solidité de l'entreprise à l'égard des actionnaires nous accompagnant sur la durée.

La question de la prise de congés payés par les personnels est en discussion avec leurs représentants, de même que la possibilité d'une prime supplémentaire (pour les agents sur le terrain).

Q: Comment voyez-vous l'avenir après cette crise?

R: Il y a une tendance de fond sur les sujets environnementaux. C'était là avant: il y a quatre mois on parlait des incendies en Australie, de sécheresse en France, beaucoup de crises localisées. Avec une crise globale et massive, on voit que beaucoup de nos modes de fonctionnement ne sont pas adaptés. J'appelle de mes voeux qu'on re-réflechisse aux enjeux majeurs. Où met-on les ressources? Dans quoi investissons-nous pour préparer le lendemain? Je pense à l'accès aux masques en France, à la capacité à produire localement des gels... Sur nos sujets, il faut par exemple mieux protéger les rivières, sécuriser l'approvisionnement en eau. Les stations d'épuration ont été construites il y a 30 ans sur une vision d'il y a 30 ans: il faut des investissements massifs pour améliorer les traitements. Jusqu'ici c'était un peu théorique, mais cette crise est d'une telle ampleur que c'est peut-être l'occasion de relancer ces questions. Comme disent les Américains "don't waste the crisis" (tirez les leçons de la crise)!

Propos recueillis par Catherine Hours

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