Que l'on ne s'y trompe pas, le coronavirus reste la préoccupation économique majeure de ce début d'année 2020. Mais c'est bien sa ramification pétrolière qui est en train de faire la une. Et à juste titre, puisque le baril de brut léger américain (le WTI) est passé en territoire négatif hier pour la livraison de mai (à -37,63 USD au plus bas !). Du jamais vu, évidemment. Je ne reviendrai pas sur les justifications détaillées de cette situation de "contango" (toujours bien expliquées par mon collègue Jordan Dufee, le gourou pétrolier maison qui nous alerte depuis longtemps sur le déséquilibre offre / demande). Si j'essaie de résumer le mécanisme en une phrase, ça donne à peu près ça : chute de la demande et surproduction aux Etats-Unis forcent les producteurs à stocker à court terme pour espérer vendre leur pétrole à un prix plus correct plus tard, mais les capacités de stockage sont déjà saturées donc il faut payer cher pour entreposer. Le brut de Mer du Nord (Brent) et celui du Moyen-Orient (Dubaï) évoluent eux dans la zone des 20 à 26 USD ce matin. Ces dernières heures, le WTI est revenu en territoire symboliquement positif pour le dernier jour de l'échéance de mai, mais les spécialistes craignent déjà que l'échéance de juin ne se retrouve sous intense pression.

Les conséquences de ce tsunami pétrolier sont difficiles à cerner, n'en déplaise aux pseudo-spécialistes qui disent tout et son contraire en moins de temps qu'il n'en faut pour changer de plateau de télé. Elles sont bien sûr terribles pour l'industrie du pétrole de schiste aux Etats-Unis et pour ses fournisseurs par exemple. Mais les économistes sérieux repoussent l'idée qui circule parfois selon laquelle la chute des cours pétroliers équivaut à une baisse de la pression fiscale. Ou que ce serait un jeu à somme nulle. Cette incursion incongrue sous le niveau 0 est à ajouter sur l'étagère des bizarreries économiques de notre époque, qui comprenait déjà les taux d'intérêts négatifs et le succès du hand spinner.

Après avoir exploré les abysses, direction les sommets avec l'action Amazon.com. En général en période de crise, les investisseurs cherchent des cachettes bien tranquilles pour éviter de perdre trop d'argent. Ils baptisent ces planques "T-Bond", "Or" ou "Cash" et attendent blottis à l'intérieur que l'orage passe. Durant la crise du Covid-19, l'action du géant du commerce semble être à la fois un sanctuaire (+29,5% depuis le 1er janvier) et un investissement d'avenir. Ça coule de source pour certains. C'est rageant pour d'autres. Mais le tentaculaire marchand en ligne américain a démontré sa capacité d'adaptation en assurant la continuité de l'approvisionnement en biens et en permettant à des entreprises de poursuivre leur activité. Ce qui ne devrait pas réduire sa popularité, bien au contraire, malgré la façon dont il maltraite parfois son armée de "collaborateurs". "Une fois qu'on a acheté un roman en pyjama, on ne peut plus faire machine arrière", écrivait un brin désabusé Richard Powers en 2018 dans son roman L'Arbre Monde. L'ancien libraire en ligne en sait quelque chose, et ses actionnaires aussi. Peut-être devrait-il proposer du stockage de pétrole ?

Dans le reste de l'actualité "chaude" du matin, le leader nord-coréen Kim Jong-Un aurait subi une opération cardiaque compliquée et serait en convalescence selon les uns et dans un état critique selon les autres. Le leader américain Donald Trump a gelé temporairement l'immigration. Et le Covid-19 poursuit sa prolifération lente, avec toutefois des décomptes d'une fiabilité douteuse dans plusieurs pays.

Le CAC40 perdait 1,3% environ à 4468 points peut après l'ouverture. 

Les temps forts économiques du jour

L'indice du jour est le "ZEW", l'indice de confiance des milieux financiers allemands (grosso-modo, 300 professionnel(le)s de la finance en Allemagne sont interrogé(e)s sur leur sentiment économique; l'indicateur synthétise l'évolution de leur perception depuis le mois précédent). Il est publié à 11h00. Aux Etats-Unis, les chiffres de l'immobilier ancien devraient fort logiquement se dégrader (à 16h00).

L'euro perd un peu de terrain à 1,0830 USD. Le baril de WTI ne vaut donc plus grand-chose, à 0,0090 USD ce matin. Le Brent s'en sort mieux à 25,54 USD (-3%). L'once d'or s'effrite à 1688 USD. L'obligation d'État américaine affiche un rendement de 0,6 % sur 10 ans. Le Bitcoin grappille 0,2% à 6856 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Assa Abloy : Jefferies passe de conserver à acheter avec un objectif de cours ajusté de 225 à 217 SEK.
  • Aurubis : Baader Helvea passe de vendre à accumuler avec un objectif de cours relevé de 41 à 47,50 EUR.
  • BAE Systems : AlphaValue passe d'accumuler à acheter avec un objectif de cours relevé de 613 à 761 GBp.
  • Basic-Fit : Berenberg passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 20 à 28 EUR.
  • Burckhardt : UBS passe de vendre à neutre avec un objectif de cours réduit de 235 à 190 CHF.
  • Bureau Veritas : Citigroup réduit son objectif de cours de 22 à 19 EUR.
  • Croda : Liberum passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 4700 à 5100 GBp.
  • Dätwyler : Baader Helvea passe d'acheter à accumuler avec un objectif de cours ajusté de 190 à 185 CHF.
  • DNB ASA : Jefferies reste à sousperformance avec un objectif de cours réduit de 125 à 94 NOK.
  • Faurecia : RBC relève son objectif de cours de 27 à 33 EUR. Deutsche Bank reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 60 à 40 EUR.
  • Fnac Darty : HSBC réduit son objectif de cours de 70 à 35 EUR.
  • Givaudan : Liberum passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 2184 à 3588 EUR.
  • GTT : Société Générale passe d'acheter à conserver en visant 70 EUR.
  • Heidelberger Druck : HSBC passe de conserver à alléger en visant 0,40 EUR.
  • J D Wetherspoon : Jefferies passe de conserver à acheter avec un objectif de cours réduit de 1590 à 1150 GBp.
  • Norma : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 49 à 37 EUR.
  • Symrise : Liberum passe de vendre à conserver avec un objectif de cours relevé de 60 à 102 EUR.
  • The Restaurant Group : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 170 à 80 GBp.

L’actualité des sociétés

Danone annonce que ses ventes du premier trimestre 2020 ont progressé de 3,7% en données comparables à 6,24 Mds€, en intégrant des effets de stockage positifs en mars en Europe et en Amérique du Nord. Toutefois, le manque de visibilité de l'entreprise l'oblige à retirer ses objectifs 2020. Peugeot enregistre une contraction de ses revenus trimestriels et voit le marché européen reculer de 25% cette année. Le groupe d'Emmanuel Faber sait bien que le second trimestre sera beaucoup plus compliqué. Carrefour divise par deux son dividende prévu (0,23 EUR contre 0,46 EUR programmé) et tiendra son assemblée générale à huis clos. Sartorius Stedim Biotech relève ses objectifs 2020. Schneider Electric a annulé l'augmentation de capital réservée à ses salariés. Ils communiquent autour du Covid-19 : La Française des Jeux (activité, dividende), Plastic Omnium (activité, dividende), Sodexo (émissions obligataires), JCDecaux (émission obligataire), Total Gabon (activité), Technicolor (activité), Nanobiotix (activité), AST Groupe (activité), Barbara Bui (activité), PCAS (assemblée générale), Europlasma (assemblée générale). TechnipFMC a signé un beau contrat subsea avec Woodside Petroleum. Erytech accusera 3 à 4 mois de retard sur le calendrier de la phase III avec eryaspase dans le traitement de seconde ligne du cancer du pancréas. Median Technologies reçoit une première tranche de 15 M€ de son prêt BEI. Emova lance une augmentation de capital. Acuitas a converti ses derniers BSA Noxxon. ST Dupont reporte sa publication annuelle. Oncodesign crée une unité intelligence artificielle. DBT reprend la production. Fromageries Bel, Unibel, Mercialys, Awox, Balyo, Wedia, Kalray, La Française de l'EnergieGensight, Valbiotis, DMS (diagnostic Medical Systems) ont publié leurs comptes.

Le Trésor américain a fait savoir qu'il avait conclu des accords avec les principales compagnies aériennes du pays (American Airlines, Delta Air Lines, Southwest Airlines, Spirit Airlines, United Airlines et Allegiant Air) dans le cadre du plan de soutien pour traverser la crise du Covid-19. International Business Machines rejoint la liste des entreprises qui retirent leurs prévisions 2020. La seconde compagnie aérienne australienne, Virgin Australia, passe par la cessation de paiements pour se réorganiser. SAP SE abandonne son exécutif dual six mois après l'avoir mis en place, avec le départ de la co-CEO Jennifer Morgan et la confirmation de Christian Klein en tant que seul CEO. General Electric a signé un crédit revolving de 15 Mds$ avec ses banques. Hertz va supprimer 10 000 emplois en Amérique du Nord en réponse à la crise. Starbucks va lancer un nouveau menu végétarien en Chine, en s'appuyant sur les produits Beyond Meat. Nissan va fermer son siège social ainsi que différentes autres implantations au Japon jusqu'à la mi-mai, à cause du coronavirus. Jungfraubahn renonce au dividende pour 2019 à cause du coronavirus. Singapour ouvre une enquête sur les pertes d'Hin Leong Trading.

Ça publie. Coca-Cola, Netflix, SAP SE, Philip Morris, Lockheed Martin, Texas Instruments, Kering, Danone, Adyen, Sika, Grifols, Sartorius Stedim Biotech, Peugeot, Segro, Stora Enso