PARIS (Agefi-Dow Jones)--Renault a tiré un trait sur l'ère Carlos Ghosn en présentant vendredi un vaste plan de réduction de coûts fixes de 2,15 milliards d'euros s'étalant jusqu'à la fin 2022, visant à restaurer la rentabilité du constructeur automobile.

L'industriel met ainsi fin à la course aux volumes mise en place par son ancien PDG.

"La crise [de la ] Covid-19 n'a fait qu'aggraver les difficultés déjà existantes" , a affirmé la directrice générale par intérim, Clotilde Delbos, lors d'une conférence de presse.

La dirigeante a pointé les limites du modèle passé de Renault: "le groupe a atteint un dimensionnement et des coûts structurels taillés pour une croissance qui n'a pas eu lieu". "Aujourd'hui nous payons le prix de cette politique: nos dépenses de R&D, nos objectifs de ventes axés sur les volumes et réalisés parfois au détriment de notre position de prix ont fortement affecté notre capacité à générer des liquidités", a-t-elle ajouté.

Comprimer les coûts fixes était donc devenu un impératif pour le groupe qui a décidé de réduire ses capacités de production de 4 millions de véhicules en 2019 à 3,3 millions en 2024, soit près de 20%. Ce plan sur les coûts fixes constitue "la première pierre de l'édifice" visant à relancer la compétitivité de Renault, a poursuivi Clotilde Delbos.

La présentation d'un nouveau plan stratégique par le futur directeur général, Luca De Meo, marquera la prochaine étape. L'Italien, ancien numéro un de Seat qui prendra ses fonctions le 1er juillet, devrait présenter sa vision stratégique à la fin de l'année ou au début de 2021.

En dépit de ses difficultés, le groupe a exclu une augmentation de capital. "Une recapitalisation n'est absolument pas à l'ordre du jour", a déclaré Clotilde Delbos.

Une seule fermeture de site

Dans le détail, sur les 2,15 milliards de réductions de coûts fixes prévues, environ 650 millions d'euros doivent être générés en adaptant l'appareil industriel du groupe. Quelque 800 millions d'euros seront réalisés sur l'ingénierie en diminuant notamment de 25% le nombre de composants par modèle entrant en usine. Le groupe au losange va également dégager environ 700 millions d'euros d'économies en améliorant l'efficacité de ses fonctions support.

Au niveau social, Renault projette de supprimer environ 15.000 postes dans le monde dont près de 4.600 dans l'Hexagone, sans licenciement sec. Le constructeur a annoncé la fermeture d'un seul site : celui de Choisy-le-Roi, qui emploie environ 260 salariés. Les activités de cette usine spécialisée dans la rénovation des organes mécaniques seront transférées sur le site de Flins qui cessera de fabriquer des automobiles à la fin de la production de l'actuelle Zoé, en 2024.

Les dirigeants du groupe au losange ont insisté à plusieurs reprises sur le fait que l'ensemble de ce plan constituait encore un "projet", qui sera discuté avec les partenaires sociaux et les élus locaux. "Il n'y aura pas de souffrance sociale dans le déploiement de ce plan", a assuré Jean-Dominique Senard. Le coût du plan est quant à lui évalué à 1,2 milliard d'euros sur trois ans.

Le marché a réagi fraîchement aux annonces de Renault. A la Bourse de Paris, le titre du constructeur automobile fléchit de 5,4% à 20,55 euros, gagnant toutefois plus de 20% sur l'ensemble de la semaine . "Le plan en valeur faciale est très solide mais les détails manquent", regrette un analyste. "Le plan est séduisant si l'on a une confiance aveugle dans la direction, cela est plus compliqué si on adopte une approche prudente", remarque l'opérateur de marché.

Pour sa part, Citi acceuille favorablement ce plan qui pourrait, selon la banque américaine, entraîner encourager les analystes à relever leurs prévisions en matière de génération de trésorerie. "Il est clair que la principale question qui se pose aux investisseurs est celle de la faisabilité de ce plan", note toutefois la banque américaine. UBS considère que le projet de Renault est "crédible" mais estime que les investisseurs attendront son exécution effective avant de lui accorder du crédit.

Réunion mardi à Bercy

Renault devra donc démontrer sa capacité à mettre en musique sans fausse note cet ambitieux plan. Les négociations avec les représentants du personnel pourraient être tendues. En France, la CFDT a qualifié vendredi le plan de réductions de coûts du groupe de "projet de casse sociale" et "dé-industrialisation". De son côté, la CFE-CGC a manifesté "son incompréhension et son désaccord devant le diagnostic fait par la direction", sur la réorganisation industrielle en France. Fort de son expérence en matière de dialogue social chez Michelin, Jean-Dominique Senard estime que les concertations avec les partenaires sociaux devraient "très bien" se dérouler.

Le constructeur au losange devra également mener à bien ce plan sous l'étroite surveillance de l'Etat, qui détient 15% du capital. L'industriel attend le feu vert du gouvernement pour bénéficier d'une facilité de crédit de 5 milliards d'euros garantie par l'Etat. Mardi, le président de la République, Emmanuel Macron, a posé comme préalable à l'octroi de cette aide la tenue d'une table ronde sur l'avenir des sites industriels du groupe, à laquelle participeront Renault, les sous-traitants, les élus et les syndicats. Cette table ronde sera organisée mardi prochain à Bercy.

-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: ECH

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