(Actualisation: avec part du capital offert par Orange à Bouygues pour régler la transaction selon des proches du dossier, éléments de contexte)

Les groupes Orange (>> ORANGE SA) et Bouygues (>> BOUYGUES) ont annoncé vendredi l'échec des négociations engagées en vue d'un rachat de Bouygues Telecom par l'opérateur historique, mettant un terme à plusieurs mois de spéculations autour d'une nouvelle phase de consolidation du marché français.

"A l'issue de discussions approfondies, le conseil d'administration d'Orange a constaté qu'un accord en vue d'un rapprochement avec Bouygues Telecom n'a pu être trouvé", a annoncé le groupe dans un communiqué.

L'opérateur a précisé que les négociations engagées en janvier avec Bouygues étaient désormais terminées et qu'il entendait poursuivre la mise en oeuvre de son plan stratégique lancé en 2015. Orange a par ailleurs maintenu l'ensemble de ses objectifs financiers.

De son côté, Bouygues a indiqué avoir décidé de mettre fin aux discussions avec Orange, faute d'accord sur les principaux points des négociations, dont le niveau de la participation souhaitée par Bouygues au capital d'Orange, et la valeur retenue pour Bouygues Telecom.

"Dans un marché où l'hypothèse d'une consolidation devient désormais durablement exclue, Bouygues Telecom poursuivra sa stratégie stand alone qui a permis d'ores et déjà un retour à la croissance du chiffre d'affaires et de l'Ebitda dès 2015", a déclaré le groupe de BTP, de télécom et de médias.

Bouygues a également confirmé son objectif de marge d'Ebitda de Bouygues Telecom de 25% en 2017 et de 35% à plus long terme.

Alors que les négociations touchaient à leur fin, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, a tenté d'obtenir de Bouygues un engagement à ne pas augmenter sa participation dans Orange pendant au moins sept ans une fois la transaction bouclée, ont indiqué des personnes au fait de la situation.

Emmanuel Macron aurait aussi demandé à Bouygues de renoncer à ses droits de vote doubles pour une période de 10 ans, ont ajouté ces personnes. En vertu de la loi, Bouygues pouvait disposer de droits de vote doubles après une présence de deux ans au capital d'Orange.

Un porte-parole d'Emmanuel Macron a refusé dans l'immédiat d'apporter un commentaire.

Martin Bouygues a qualifié ces exigence d'"inacceptables", selon les personnes interrogées par le Wall Street Journal.

"Tout le monde a l'impression que M. Macron fait tout son possible pour que cela échoue", a affirmé l'une des personnes proches des discussions.

Orange souhaitait régler la transaction en émettant notamment de nouvelles actions au profit de Bouygues à un prix de 18 euros pièce, soit une prime de 17% par rapport au cours de clôture de vendredi (de 15,395 euros), a affirmé une personne au fait du dossier. Cela aurait permis à Bouygues de détenir une participation de 12% dans Orange.

Mais un porte-parole de Bouygues avait indiqué le mois dernier que le groupe de construction cherchait à obtenir une participation de 15% dans Orange, en ajoutant qu'il était prêt à acheter des titres de l'opérateur sur le marché pour atteindre le niveau de participation souhaité.

Orange travaillait également de son côté avec des concurrents pour vendre environ 6 milliards d'euros d'actifs de Bouygues Telecom afin de satisfaire les autorités de la concurrence.

Une opération structurante pour le secteur

La reprise de Bouygues Telecom par Orange aurait profondément transformé le secteur des télécoms en France et mis fin à la guerre des prix qui fait rage depuis l'arrivée d'Iliad en 2012 sur le marché de la téléphonie mobile. Depuis des années, les opérateurs français sont confrontés à une baisse de leur chiffre d'affaires et de leurs bénéfices, mais les tentatives de consolidation se sont jusqu'à présent heurtées à des résistances politiques et à la réticence de Martin Bouygues, le PDG du conglomérat éponyme, à vendre l'activité de télécommunications qu'il a fondée.

Un accord aurait par ailleurs ravivé le mouvement de consolidation du secteur fragmenté des télécommunications en Europe. Ces dernières années, plusieurs fusions ont été finalisées en Allemagne, en Autriche et en Irlande, les opérateurs cherchant à partager le fardeau que représentent des coûts croissants et des bénéfices en déclin. D'autres projets de rapprochement, qui entraîneraient une réduction du nombre d'opérateurs en Italie et au Royaume-Uni, doivent encore recevoir l'aval de la Commission européenne.

Martin Bouygues a qualifié par le passé de "franchement stupides" les règles qui ont conduit à une augmentation du nombre d'opérateurs de téléphonie mobile en France et dans d'autres pays d'Europe. Le dirigeant accuse cette réglementation d'avoir provoqué des suppressions d'emplois et une diminution de l'investissement dans les réseaux.

Intérêts pourtant convergents

Les discussions entre Orange et Bouygues, qui ont duré plusieurs mois, ont été compliquées par la nécessité d'aligner les intérêts des quatre grands opérateurs télécom français, ainsi que par les négociations sur la participation de l'Etat dans Orange après le rapprochement.

Orange et Bouygues travaillaient sur un accord qui aurait valorisé Bouygues Telecom à 10 milliards d'euros, un prix correspondant à celui offert l'été dernier par Altice pour reprendre Bouygues Telecom. La proposition d'Altice avait été rejetée par Martin Bouygues, qui avait évoqué des risques d'exécution et une volonté de protéger les salariés d'éventuelles réductions massives des coûts. Selon son dernier rapport annuel, Bouygues valorise les actifs de sa branche de télécommunications à 6,2 milliards d'euros.

Bouygues Telecom, le plus petit des opérateurs historiques de téléphonie mobile en France, a beaucoup souffert de la guerre des prix engagée à l'arrivée de Free Mobile sur le marché en 2012 et les analystes estiment qu'il aura du mal à survivre en restant indépendant.

Bouygues et Orange avaient déjà discuté d'un possible rapprochement en 2014, mais avaient abandonné le projet au bout de quelques semaines, en l'absence d'accord sur les conditions d'une fusion.

-Thomas Varela, Valérie Venck et Nick Kostov, Dow Jones Newswires; +331 40 17 17 72; thomas.varela@wsj.com

(Version française Jérôme Batteau, Patrick Ramamonjisoa)

Valeurs citées dans l'article : ORANGE SA, BOUYGUES