La SSII, qui a révélé lundi soir avoir présenté le 28 novembre une offre de 4,3 milliards d'euros sur Gemalto, mène les hausses du CAC 40, gagnant 6% à 132 euros à 16h.

Gemalto, dont le cours avait chuté cette année à la suite de "profit warnings" successifs, flambe de son côté, s'octroyant 34,8% à 45,70 euros, après un pic à 45,90 euros en début de séance, s'approchant du prix de l'offre en cash d'Atos, 46 euros par action, dividende détaché.

Cette évolution du cours de Bourse montre que le prix de l'offre est correct, s'est félicité Thierry Breton, le PDG d'Atos, lors d'un déjeuner de presse.

Analystes et gérants n'excluent pas toutefois un relèvement de l'offre.

"Il y a des marges de manoeuvre sur le prix proposé, d’autant que l’opération est clairement relutive. Il est possible qu’Atos relève son offre pour emporter le soutien de tous les actionnaires", dit Xavier de Buhren, gérant actions françaises chez Mirabaud AM, qui détient des titres Atos mais pas Gemalto.

Une porte-parole de Bpifrance, deuxième actionnaire de Gemalto derrière la famille Quandt avec 8,3% du capital, a dit voir d'un bon oeil la consolidation entre deux acteurs français de la technologie.

Lors d'une conférence téléphonique, Thierry Breton, qui a plus que doublé le chiffre d'affaires du groupe depuis son arrivée fin 2008, s'est dit confiant dans sa capacité à intégrer Gemalto, promettant des synergies élevées et une opération fortement relutive pour le bénéfice par action (BPA) d'Atos dès la première année.

Atos s'est également montré confiant sur sa capacité à ramener en 18-24 mois la marge de Gemalto dans les "mid-teens" (autour de 16%) contre 6,7% au premier semestre.

"Même si l'acquisition de Gemalto n'est pas la proposition simple que nous anticipions, la direction d'Atos a prouvé sa capacité à redresser des entreprises", écrit dans une note Kepler Cheuvreux, qui juge l'opération cohérente d'un point de vue stratégique.

L'intermédiaire prévoit une relution du bénéfice par action pouvant aller jusqu'à 20% si Atos parvient à faire remonter les marges de Gemalto, tombées de 15% à 10%.

SYNERGIES DE COÛTS ÉLEVÉES

Le directeur financier d'Atos Elie Girard a dit anticiper des synergies de coûts élevées, à 6% du chiffre d'affaires annuel de Gemalto, soit quelque 190 millions d'euros.

"Comme nous sommes dans une démarche amicale, nous devons discuter avec la direction de Gemalto sur la meilleure manière d'appliquer nos méthodologies et normes, et nous sommes très confiants sur le fait que nous parviendrons à trouver un terrain d'entente", a dit Elie Girard aux analystes.

Gemalto a fait une réponse évasive à l'offre "non sollicitée et conditionnelle" d'Atos.

"Il n'y a aucune certitude que l’offre débouche sur une offre ferme et recommandée pour la société", a précisé dans un communiqué le groupe, qui a engagé Deutsche Bank et J.P. Morgan comme conseils financiers. "D'autres annonces seront faites lorsque le conseil d'administration aura finalisé l'examen de l'offre."

Dans son communiqué, Gemalto indique que l'offre est valable jusqu'à vendredi. Le PDG d'Atos a cependant déclaré par la suite à la presse qu'elle n’avait plus de date limite.

Atos a décidé de révéler lundi soir son offre sur Gemalto, invoquant des "risques accrus pouvant désormais affecter le titre Gemalto" et déclarant avoir pour souci la "bonne information" du marché, tout en se disant déterminé à parvenir à une transaction recommandée par le conseil d'administration de Gemalto".

Depuis son arrivée à la tête de Gemalto en septembre 2016, Philippe Vallée a vu l'activité Morpho de Safran qu'il convoitait rachetée par son rival Oberthur Technologies et a dû abaisser de plus de moitié son objectif de bénéfice opérationnel pour 2017, ramené en juillet à 293-323 millions d'euros.

Thierry Breton a dit envisager des partenariats pour le pôle de cartes SIM de Gemalto, en déclin, précisant avoir déjà été contacté par des partenaires éventuels.

Il a dit espérer des discussions avec la direction de Gemalto dans les prochains jours, disant vouloir conserver la marque qui abriterait les activités de cybersécurité du nouvel ensemble, aux côtés de la gestion et le stockage de données d'Atos et l'activité de paiement de Worldline.

Worldline, la division d'Atos introduite en Bourse en 2014 pour consolider le secteur européen, ne prend pas part à la fête sur le marché parisien, le titre perdant 4,7% à 38,93 euros.

"On s’attendait plutôt à voir une opération importante provenant de Worldline. Or, avec l’offre d’Atos sur Gemalto, la maison mère siphonne une partie des liquidités qui étaient prévues pour les deux sociétés en termes de croissance externe", estime Xavier de Buhren.

"Worldline conserve néanmoins une force de frappe élevée et toute baisse trop marquée du titre pourrait constituer une opportunité d’achat", ajoute-t-il cependant.

Thierry Breton n'a d'ailleurs pas exclu d'appliquer la même méthode à sa division de cybersécurité et de l'introduire en Bourse.

Atos, fort d'une trésorerie nette de 342 millions d'euros fin juillet, compte utiliser notamment 2,7 milliards d'euros de déficits fiscaux reportés, issus principalement de l'acquisition de Bull qui avait accumulé les pertes.

(Avec Blandine Hénault, édité par Dominique Rodriguez)

par Cyril Altmeyer et Mathieu Rosemain

Valeurs citées dans l'article : AtoS SE, Gemalto, Worldline