par Benjamin Mallet

Tout l'enjeu pour l'électricien public sera d'obtenir des hausses de tarifs intégrant cette possible hausse de coûts dans le cadre de la mise en oeuvre du marché de l'électricité français (loi Nome), prévue le 1er juillet.

"Bien que la France soit une zone à faible risque sismique, les pouvoirs publics ainsi que les parties prenantes au sujet du nucléaire civil pourraient souhaiter que de nouveaux investissements soient réalisés pour diminuer le risque lié à un éventuel tremblement de terre", estime dans une note Louis Boujard, analyste chez Aurel BGC.

"Le projet d'allongement de la durée de vie des centrales prévoyait jusqu'ici un investissement moyen de 600 millions d'euros par tranche (soit 550 millions par gigawatt), nous jugeons possible que celui-ci soit révisé à la hausse dans les prochains mois à 750 millions par gigawatt", ajoute-t-il.

Anne Lauvergeon, la présidente du directoire du spécialiste public du nucléaire Areva, déclarait au Parisien en début de semaine : "En France, il n'y a pas de risque de tsunami, ni de tremblement de terre de (l'ampleur de celui survenu au Japon). Mais il y a peut-être des leçons à tirer, notamment sur les problèmes d'inondations."

Le PDG d'EDF, Henri Proglio, a jusqu'à présent évalué entre 35 et 40 milliards d'euros sur 20 ans le coût de prolongation de la durée de vie des 19 centrales nucléaires françaises, soit une fourchette de 600 à 700 millions d'euros environ pour chacun des 58 réacteurs en service.

MISE À NIVEAU

EDF estime que les réacteurs français ont été initialement conçus pour fonctionner au moins 40 ans et le groupe espère étendre leur durée de vie à 60 ans, à l'instar de certains réacteurs aux Etats-Unis.

Mais l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui doit se prononcer entre avril et juin sur la prolongation de la durée de vie de la centrale de Fessenheim - la plus vieille du pays -, pourrait se montrer de plus en plus exigeante à mesure que les résultats de l'audit des centrales demandé par le gouvernement seront connus.

"Un revirement de la stratégie nucléaire de la France est selon nous peu probable et les coûts potentiels de mise à niveau devraient être répercutés dans les tarifs fixés par la loi Nome", estime cependant Vincent Ayral, analyste chez Unicredit.

Dans le cadre de la loi Nome, EDF demande que le prix de départ du nucléaire qu'il devra céder à ses concurrents soit fixé à 42 euros par mégawatt/heure (MWh) - tandis que ses rivaux réclament 35 euros - et veut qu'il évolue progressivement vers 45 à 46 euros.

Ce tarif de vente sera déterminant pour l'évolution des tarifs appliqués aux particuliers d'ici à 2015.

"Une hausse des exigences en matière de sureté nucléaire passerait par une hausse des prix régulés pour permettre le financement des projets", souligne Louis Boujard, qui mise sur un prix de départ du nucléaire fixé à 40 euros.

Il estime toutefois que "la marge de manoeuvre des pouvoirs publics pour significativement relever le prix de l'électricité régulée apparaît très limitée".

Plusieurs analystes soulignent que le renforcement des normes de sécurité pourrait aussi contraindre EDF à prolonger la durée des arrêts pour mise à niveau de ses centrales et donc réduire leur taux de disponibilité et affecter sa rentabilité.

INCERTITUDES SUR LES OBJECTIFS MOYEN TERME

Vincent Ayral juge en outre que la fixation du prix du nucléaire d'EDF pourrait être retardée, alors que le gouvernement devait se prononcer en avril et que les incertitudes sur ce sujet pesaient sur le cours de l'électricien avant même le début de la crise japonaise.

Le groupe attendait d'ailleurs la fixation de ce prix avant de présenter, au printemps, sa stratégie et ses objectifs à moyen terme.

"Si l'ASN publie un programme de mise à niveau avant la fin juin, on peut douter de la capacité d'EDF à présenter un plan de moyen-terme crédible avant de connaître et d'évaluer ce programme", estime Sofia Savvantidou, analyste chez Citigroup.

"A un an de l'élection présidentielle et à l'approche de la campagne électorale à l'automne, il y a un risque qu'EDF ne puisse pas présenter son plan avant 2012."

Depuis le début de l'accident en cours à la centrale de Fukushima-Daiichi il y a une semaine, aux cours de clôture de jeudi, EDF a perdu près de 8,7% pendant que le CAC 40 s'est replié de 3,6%.

Edité par Jean-Michel Bélot