Paris (awp/afp) - Le géant électricien EDF a fini l'année 2023 avec un bénéfice net de 10 milliards d'euros, fort du redressement de sa production nucléaire, sur fond de prix encore élevés, mais toujours lesté d'une dette abyssale, à l'orée d'une année chargée en défis financiers et industriels.

Ces résultats "exceptionnels" aux dires du groupe français contrastent avec l'année noire de 2022 marquée par sa perte inédite de 17,9 milliards d'euros en 2022.

Cette progression s'explique "par une très bonne performance opérationnelle", notamment dans la production nucléaire en France, "dans un contexte de prix historiquement élevés", a commenté EDF.

En 2023, la production nucléaire a repris des couleurs en atteignant 320,4 TWh, dans le haut de la fourchette annoncée.

Selon ses dernières estimations, EDF prévoit de produire entre 315 et 345 TWh en 2024 et 335-365 TWh en 2025 et 2026, ce qui placerait le groupe encore bien loin de l'objectif des 400 TWh à 2030 fixé par le gouvernement.

Le groupe entame donc un retour à la normale après une année noire en 2022 qui avait vu sa production nucléaire chuter à 279 TWh, son plus bas niveau depuis 30 ans, sur fond de difficultés industrielles (découverte d'un problème de corrosion, décalage des calendriers de maintenance pour cause de Covid). Fin 2023, 15 des 16 réacteurs les plus sensibles à la corrosion sous contrainte ont été réparés, a affirmé l'entreprise publique.

En outre, en 2022, EDF n'avait pas pu profiter pleinement de la flambée des prix de l'électricité, contraint par l'Etat de vendre plus de courant à prix cassé à ses concurrents fournisseurs alternatifs. En 2023, ce mécanisme n'a pas été reconduit et cette fois l'entreprise a pu à la fois vendre plus d'électricité et profiter de prix soutenus.

La situation pourrait ne pas durer: l'électricien s'attend en 2024 à voir sa rentabilité s'éroder sous l'effet de "la détente des prix".

Agenda chargé

Grâce à ses profits records, le groupe a réduit sa dette de 10 milliards d'euros, la ramenant à 54,4 milliards d'euros.

"2023 marque pour nous un rétablissement, et ce rétablissement nous permet maintenant de nous consacrer à la préparation de l'avenir", a déclaré aux journalistes le PDG Luc Rémont, égrenant un "agenda opérationnel et stratégique chargé".

Outre la gestion de son parc vieillissant, EDF doit traiter une pile de dossiers complexes, liés à la relance du nucléaire avec la construction de nouveaux réacteurs de type EPR2 en France - jusqu'à 14 - , et au déploiement des énergies renouvelables.

Au total, EDF va avoir besoin de 25 milliards d'euros par an pour affronter ce mur d'investissements, et ce dès 2025-2026 a reconnu vendredi M. Rémont. Comment les financer?

Sans attendre l'arrivée d'une nouvelle loi sur l'énergie qui soit fixer notamment le nouveau cadre de la régulation, le groupe mise sur la vente d'électricité à long terme sur 10,15 ou 20 ans avec de gros industriels, comme récemment avec ArcelorMittal, pour sécuriser ses investissements.

Au rang des priorités, M. Rémont a indiqué vouloir "continuer d'accélérer la performance du groupe", "poursuivre le redressement de la production (...) sur 2024 et sur 2025", mais aussi raccorder l'EPR de Flamanville, qui accuse déjà 12 ans de retards, avec "l'horizon de l'été" comme échéance. "Nous y travaillons tous les jours," a-t-il assuré.

Il s'agit aussi de "continuer le déploiement des projets dans leur ensemble". Parmi ceux-ci, les EPR britanniques d'Hinkley Point, touchés eux aussi par des dérapages de coûts et de calendrier, dont les derniers, annoncés en janvier.

La facture d'Hinkley Point, évaluée à 18 milliards de livres au lancement du projet en 2016, atteint désormais entre 41,6 et 46,5 milliards en livres courantes dans un scenario de base, plus 1,4 milliard de livres en cas de scenario défavorable, a détaillé Xavier Girre, directeur financier d'EDF.

Compte tenu de ces difficultés, EDF a inscrit une dépréciation de 12,9 milliards d'euros comprenant 11,2 milliards pour les actifs d'Hinkley Point et 1,7 milliard pour l'écart d'acquisition ("goodwill") de sa filiale britannique EDF Energy. M. Rémont a toutefois assuré que le projet restait "rentable".

En France, la direction d'EDF a admis début février que l'estimation initiale de 51,7 milliards d'euros pour le programme des six premiers EPR voulus par le gouvernement allait être dépassée, sans dévoiler de nouveau montant, au grand dam des parlementaires qui l'auditionnaient. Le programme est "en phase de définition détaillée", a répondu vendredi M. Rémont.

afp/rp