DETROIT (awp/afp) - L'attentat terroriste de Nice a ravivé dans le secteur automobile américain le scénario apocalyptique d'une voiture piratée à distance pour être utilisée comme un projectile dans une ville occidentale.

Cette scène, digne d'un scénario d'Hollywood, est alimentée par la présence de plus en plus répandue sur les routes de voitures semi-autonomes et connectées, qui disposent de systèmes multimédias embarqués censés les rendre plus sûres et fiables.

Ces mêmes technologies de pointe en font paradoxalement des cibles privilégiées pour les hackers, selon les sociétés de sécurité informatique américaines Mission Secure Inc (MSi) et Perrone Robotics Inc car, avancent-elles, les pirates les pénètrent via les connexions sans fil, bluetooth et wifi, nécessaires à leur fonctionnement.

"La technologie crée beaucoup d'opportunités nouvelles et excitantes pour les consommateurs mais (génère) aussi des défis", opine Mary Barra, la PDG de General Motors (GM).

"L'un de ces défis est la problématique sur la cybersécurité. Il ne faut pas s'y tromper: la cybersécurité est la base", a-t-elle insisté vendredi devant un parterre composé de ses pairs, d'officiels et d'experts de l'automobile réunis à Detroit pour évoquer les cyberattaques.

Le 14 juillet, un Tunisien, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, au volant d'un camion, fonce dans la foule à Nice tuant 84 personnes, dont plusieurs enfants, et blessant plus de 330 personnes.

- Vol de données -

"Nous connaissons ces terroristes. Ils n'en ont peut-être pas encore les capacités mais s'ils parviennent à convaincre les gens de foncer dans une foule avec un camion, il ne faut pas beaucoup d'imagination pour penser qu'ils vont se servir d'une voiture autonome et la faire foncer dans une foule", redoute John Carlin, un ministre-adjoint de la Justice américain.

"Les méchants emploient de plus en plus des moyens sophistiqués", souscrit David Johnson, un des responsables du FBI en charge des cybercrimes et des menaces sur internet.

A l'été 2015, deux chercheurs américains en informatique ont démontré qu'il était facile de prendre le contrôle d'une voiture "connectée".

Charlie Miller et Chris Valase étaient parvenus à pirater à distance la Jeep Cherokee d'un journaliste du site spécialisé Wired. Ils avaient ainsi pu allumer la radio, fait fonctionner les essuie-glaces et surtout couper le moteur. Ils étaient aussi parvenus à désactiver les freins.

Les "menaces évoluent", avance Titus Melnyk, en charge de la sécurité chez Fiat Chrysler Automobiles (FCA), qui vient de lancer un programme visant à encourager les hackers à informer le groupe des failles liées à la cybersécurité de ses voitures. Le constructeur des Jeep promet une prime pouvant aller jusqu'à 1.500 dollars par alerte.

"On ne sait jamais. Cela peut être la base d'une attaque", défend M. Melnyk insistant sur le fait que ce programme est "très sérieux".

En 2015, le constructeur de véhicules électriques de luxe Tesla, dont les deux modèles commercialisés (Model S et Model X) sont équipés d'un système d'aide à la conduite leur permettant d'effectuer seuls certaines manoeuvres comme le freinage en urgence, avait été parmi les tous premiers à lancer un tel plan.

Tesla, qui a construit sa réputation sur l'innovation, n'avait pas le choix: deux chercheurs avaient révélé comment ils pouvaient couper à distance le moteur d'une berline Model S en piratant le système multimédia.

GM, qui dit recevoir et résoudre plusieurs alertes liées à de possibles cyberattaques par jour, gère un programme sur les vulnérabilités de ses voitures sur le site hackerone.com.

Les nouvelles technologies embarquées dans les voitures exposent également les conducteurs à un vol potentiel de leurs données et informations personnelles quand ils connectent leur téléphone intelligent.

"Le fait est qu'il y a des données personnelles stockées ou transmises à travers les systèmes multimédias des véhicules", avance Mary Barra, ce qui ouvre, reconnaît-elle, "des opportunités" pour les hackers.

Une des pistes pour contrer les pirates est de partager des informations, s'accordent les experts.

Faisant leur ce conseil, les groupes automobile et leurs équipementiers ont réussi à obtenir en 2015 du département américain de la Justice de pouvoir travailler ensemble sur la question sans encourir des accusations d'entente.

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