* La Commission pourrait suspendre la ré-exportation de gaz

* Elle pourrait aussi limiter son utilisation dans l'industrie

* L'Europe de l'Est dépend presque totalement du gaz russe

par Henning Gloystein

LONDRES, 1er septembre (Reuters) - Bruxelles pourrait interdire les exportations de gaz et limiter son utilisation dans l'industrie dans le cadre d'un plan d'urgence pour assurer l'alimentation des ménages en énergie cet hiver en cas de coupure des livraisons russes, selon une source.

La Russie est le premier fournisseur de l'Union européenne en pétrole, charbon et gaz naturel et ses pipelines qui traversent le territoire ukrainien sont, pour le énième fois, au centre de manoeuvres politiques tournant autour conflit entre les pays occidentaux et la Russie sur le comportement de cette dernière en Ukraine.

Kiev a averti que Moscou avait l'intention de couper le robinet du gaz, tandis que Moscou dit qu'il est plus probable que l'Ukraine utilise une partie du gaz destiné à l'Union européenne pour sa propre consommation.

S'il n'est pas très compliqué pour l'Union européenne de trouver d'autres fournisseurs de pétrole et le charbon, la question du gaz est plus problématique puisque les gazoducs européens sont alimentés par un unique fournisseur: le géant russe Gazprom.

Des navires-citernes du Qatar et de l'Algérie apportent du gaz naturel liquéfié (GNL) en Europe, via les ports des l'Atlantique et de la Méditerranée, mais les acheteurs de gaz européens le revendent souvent à l'étranger à des prix plus élevés plutôt que d'approvisionner leur marché intérieur.

Une source proche de la Commission européenne a fait savoir qu'une interdiction de ces pratiques de revente était envisagée afin de protéger les réserves de gaz du bloc européen.

"A court terme, nous sommes très inquiets pour l'approvisionnement de cet hiver en Europe du sud-est", indique la source directement informée des projets de la Commission.

"Notre plus grand espoir en cas de coupure est la mesure 994/2010 qui empêcherait le GNL de quitter l'Europe et limiterait l'utilisation de gaz industriel afin de protéger les ménages", dit-elle.

Cette réglementation européenne 994/2010, adoptée en 2010 pour protéger les ressources en gaz, pourrait prévoir d'interdire aux compagnies gazières de vendre des cargaisons de GNL hors d'Europe et aux groupes industriels d'utiliser du gaz.

PROBLÈME D'INFRASTRUCTURES

Le commissaire européen à l'Energie Günther Öttinger a déclaré la semaine dernière, lors de négociations avec la Russie et l'Ukraine, que les Vingt-Huit préparait un "Plan B" pour assurer l'approvisionnement en gaz en cas de scénario du pire.

Les fournisseurs d'électricité en Europe se sont eux aussi préparés à une éventuelle coupure des livraisons de gaz russe en stockant autant de gaz que possible et leurs cuves, qui sont pleines à 90%, soit 70 milliards de mètres cubes, représentent l'équivalent de 15% de la demande annuelle européenne.

Mais quelles que soient les mesures prises, l'Europe aura du mal à compenser entièrement une coupure du gaz russe, estiment les sources politiques et industrielles. Les prix du gaz ont grimpé de 35% depuis juillet en raison de cette menace.

La Russie fournit près d'un tiers de la demande de gaz, de pétrole et de charbon de l'Union européenne, selon les données européennes, ce qui lui rapporte 250 milliards de dollars par an.

Le problème réside aussi dans le fait que les infrastructures de transport ont été conçues d'est en ouest pour importer le gaz russe. La construction de nouvelles infrastructures orientées dans l'autre sens, pour transporter du GNL en provenance des ports de l'Atlantique, n'est pas suffisante pour l'heure pour répondre aux besoins de l'Europe du sud-est.

Les fournisseurs européens d'énergie pourraient utiliser davantage de charbon: l'offre de charbon est surabondante en raison du ralentissement de la demande asiatique et des améliorations de la production minière en Colombie, en Australie et en Afrique du Sud. Tout cela a entraîné une baisse de 40% des prix du charbon au cours des trois dernières années.

Toutefois, il existe là encore un problème d'infrastructures: une part importante des ménages en Europe centrale et orientale dépend du gaz de ville pour son chauffage, ce qui signifie que le recours au charbon pour produire de l'électricité n'empêchera pas les ménages d'avoir froid cet hiver. (Barbara Lewis à Bruxelles, Michael Kahn à Prague et Marton Dunai à Budapest, Juliette Rouillon pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)