Paris (awp/afp) - En annonçant mercredi le rachat de la branche Eau de l'américain General Electric (GE), le français Suez fait un grand pas dans sa stratégie de renforcement dans les services aux industriels, rattrapant un peu son retard sur son concurrent Veolia.

Le groupe français va racheter GE Water&Process Technologies en partenariat avec la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) pour un montant de 3,2 milliards d'euros (3,415 milliards de dollars), payés en numéraire, ont détaillé les deux partenaires dans un communiqué.

Les deux entreprises ont signé un accord engageant en ce sens avec le géant industriel américain GE, qui avait annoncé fin 2016 son intention de se séparer de ses activités eaux dans le cadre de sa fusion avec Baker Hughes (services pétroliers).

La branche Eau de l'américain sera regroupée dans une nouvelle entité, comprenant également les actuelles activités dans l'eau industrielle de Suez, plus modestes avec ses 2.500 salariés, qui sera détenue à 70% par le français et à 30% par la CDPQ. Ce nouvel ensemble regroupera environ 10.000 personnes.

C'est une opération "tout a fait stratégique" pour Suez, a commenté le directeur général de Suez, Jean-Louis Chaussade, lors d'une conférence téléphonique.

- International et industriels -

"Stratégique par sa dimension, sa taille, mais stratégique aussi parce qu'elle permet une véritable complémentarité à la fois géographique et technologique qui va permettre d'accélérer la stratégie de croissance profitable du groupe", a-t-il ajouté.

Sur les 2,1 milliards de dollars de chiffre d'affaires réalisés en 2016 par GE Water, 80% ont été engrangés hors d'Europe, qui concentre au contraire environ deux-tiers des 15,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires de Suez.

Actuellement encore très tourné sur les services aux collectivités, Suez va surtout renforcer sa présence auprès des industriels, un marché "en forte croissance", rappelle M. Chaussade, et que le groupe évalue à plus de 95 milliards d'euros.

Le portefeuille clients de GE Water est déjà doté de nombre de grands noms mondiaux, comme ExxonMobil, Nestlé, Shell, Pfizer ou BASF. Et Suez compte aussi sur ce rapprochement pour leur proposer ses services de gestion des déchets, deuxième pan de son activité.

Le groupe "a essayé depuis quelques années d'augmenter la proportion de l'eau industrielle (...) et ça a récemment fonctionné assez bien mais ils sont quand même très loin derrière Veolia et d'autres acteurs plus spécialisés", explique Thomas Guennegues, analyste chez RobecoSAM.

Veolia, leader mondial de la gestion de l'eau et des déchets, réalise environ 40% de son chiffre d'affaires auprès des industriels dans l'eau et les déchets, alors que Suez "est toujours en dessous des 20%", ajoute-t-il à l'AFP, et cette opération va lui permettre de "changer de dynamique".

GE Water permettra aussi à Suez de renforcer son savoir-faire numérique, de plus en plus important pour une gestion de l'eau plus intelligente.

- Augmentation de capital -

Il s'agit de la plus importante acquisition réalisée par Suez depuis la prise de contrôle, en plusieurs étapes entre 2007 et 2014, de l'espagnol Agbar.

Pour régler cette transaction, Suez "a sécurisé un financement-relais" qui sera refinancé notamment par une augmentation de capital "d'environ 0,75 milliard d'euros", à laquelle ses principaux actionnaires (Engie, CriteriaCaixa et le groupe italien Caltagirone) se sont engagé à participer au prorata de leur participation actuelle à son capital.

Dans un communiqué distinct, Engie, premier actionnaire de Suez, a confirmé qu'il "souscrira" à cette augmentation de capital "à hauteur de sa participation dans Suez, soit environ 240 millions d'euros".

Cette opération a d'ailleurs été adoptée "a l'unanimité" du conseil d'administration de Suez, a assuré M. Chaussade.

Le reste du financement sera couvert par de la dette (dette obligataire et titres hybrides). De son côté CDPQ apportera 0,7 milliard d'euros en capital.

Suez et CDPQ envisagent une finalisation de l'opération "plutôt au début du troisième trimestre 2017", a indiqué le directeur financier du groupe français Christophe Cros, sous réserve de l'obtention des autorisations réglementaires. L'augmentation de capital suivra dans un délai rapproché.

Suez compte dégager des synergies de coûts et de revenus, qui seront pleinement atteintes au bout de cinq ans. Cela inclut des synergies de revenus évaluées à 200 millions d'euros par an, et un impact de 65 millions d'euros par an sur l'excédent brut d'exploitation (ebitda).

afp/rp