Commodesk - Le débat se poursuit au Danemark sur le potentiel minier du Groenland, et les conséquences qu’aurait l’exploitation de l’uranium que recèle son sous-sol.

Le parlement groenlandais doit rendre un avis le 12 mars sur la poursuite ou l’abandon de la politique de « tolérance zéro » interdisant l’extraction, la production ou le stockage de matériaux radioactifs, du point de vue de l’environnement et de la santé publique. Le vote aura lieu trois semaines avant des élections municipales, ce qui fait de la production d’uranium un enjeu du scrutin. Le parti socialiste au pouvoir, Ataqatigiit Inuits, s’est prononcé pour le maintien du gel de l’exploitation, mais son adversaire social-démocrate Siumut voit au contraire dans les mines une source d’emplois futurs.

La pression des minières

L’entreprise australienne Greenland Minerals & Energy (GME) annonce qu’elle réduira son personnel sur place si les élus groenlandais ne donnent pas le feu vert à l’exploitation des terres rares de Kvanefjeld. Or, les métaux rares de ce site ne peuvent pas être extraits indépendamment de l'uranium (d’une teneur de 350 ppm) et du thorium associés dans la roche.

GME, qui a investi 600 millions de couronnes (80,4 millions d’euros) dans l’exploration minière au Groenland, annonce qu’elle mettra encore 2,5 milliards  (335 millions d’euros) dans le projet pour lancer l’exploitation. L’entreprise a laissé entendre à l’automne que le parlement du territoire modifierait ce printemps sa politique de tolérance zéro concernant le nucléaire et ses produits dérivés. Cette annonce prématurée a suscité une levée de boucliers des défenseurs de l’environnement. L’objectif de la minière est d’extraire 43.000 tonnes de concentré de terres rares par an, à destination de raffineurs chinois et sud-coréens. Ces partenaires font miroiter des investissements encore plus considérables, jusqu’à 15 milliards de couronnes (2 milliards d’euros).

Une coopération dano-groenlandaise est requise sur les questions de politique de sécurité et de relations internationales, si le Groenland décide d’autoriser l’extraction de minerais stratégiques comme l'uranium et les terres rares. Copenhague a proposé son expertise dans le domaine fiscal vis-à-vis des entreprises multinationales et sur les questions de recherche.

Double jeu sur l’uranium groenlandais

Le Danemark, qui conserve des prérogatives diplomatiques sur le territoire groenlandais, a pourtant ignoré la volonté du Groenland d’être placé dans le champ du traité de non-prolifération nucléaire.

Cinq années de suite, de 2007 à 2011, l’Agence internationale de l’Energie atomique a proposé au Danemark de prendre en compte le territoire glacé sous la couverture du traité, des avertissements que les autorités de Copenhague n’ont pas entendus. Le Ministre de l'Énergie Martin Lidegaard admet aujourd’hui que c’était une regrettable erreur.

Le parlement groenlandais avait émis dès 2004 un vote demandant le rattachement au protocole de l’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA) qui l’aurait protégé de l’exploitation ou du stockage de matériaux nucléaires, comme l’uranium que recèle le territoire.

En tenant à l’écart le Groenland, le Danemark lui laissait la capacité de produire et exporter de l'uranium, contrairement à la politique danoise d’exclusion de l’atome.