"Quel regard portez-vous sur le parcours des valeurs cycliques cette année ?
L’année 2015 a été difficile pour toutes les valeurs cycliques, au sens large. La mise à mal a été alimentée par le repli additionnel des prix des matières premières et des annonces défavorables de certaines sociétés du secteur, comme ArcelorMittal.
La volonté accrue des investisseurs de se protéger contre la volatilité exacerbée en se positionnant massivement sur des ETF smart beta a été un autre facteur fortement contributif de la sous performance des valeurs cycliques. Ces produits indiciels tendent à limiter leur exposition à la volatilité en mettant l’accent sur des valeurs déjà inscrites sur un trend haussier sur le marché, autrement dit essentiellement des valeurs de croissance ou des valeurs défensives offrant une plus forte visibilité sur les perspectives de résultats.
En cela, un parallélisme troublant peut être observé entre le mouvement des flux entrants sur les ETF smart beta et le creusement de l’écart de performance entre les valeurs cycliques et les valeurs de croissance.

Que pressentez-vous pour 2016 ?
L’année 2016 s’annonce complexe en ce que les valeurs défensives et les valeurs de croissance sont devenues plus chères. Ainsi certaines sociétés de croissance bien gérées, très diversifiées, et qui présentent une expectative de croissance des résultats de 5% par an sur un horizon de moyen long terme se paient près de 30 fois les bénéfices attendus. Tel est par exemple le cas d’Essilor, de Legrand, de L’Oréal ou encore de LVMH.
Si l’on considère que les taux ont vraisemblablement touché leur plancher, que l’euro est dans ses cours autour de 1,05, que le cours du pétrole a vocation à se stabiliser vers les 30 dollars nous pouvons admettre que la trajectoire ascendante de ces valeurs devraient bientôt toucher à sa fin.

Selon vous, le retournement devrait prendre du temps à se matérialiser
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La prudence affichée à l’égard des valeurs cycliques ne va pas disparaitre du jour au lendemain.
Il n’y a pas lieu de s’attendre à une envolée des titres cycliques de 25% en 15 jours. Les investisseurs auront besoin de s’assurer de la durabilité du rallye de ces titres avant de revenir plus substantiellement dessus. Ces derniers ont été échaudés par ce qui s’est passé cette année. Les valeurs cycliques avaient commencé à faire un bon début d’année, confortant l’espoir de ceux qui étaient positionnés dessus. Cependant compte tenu des lourdes phases de correction qui ont suivi, l’enthousiasme a assez rapidement laissé place à la désillusion dont les séquelles continueront à se faire sentir un moment calmant l’ardeur à tenter une nouvelle réorientation.

De quelle manière êtes-vous positionné en cette fin d’année ?

Nous sommes toujours surpondérés sur les valeurs de croissance. Nous avons le doigt sur la gâchette s’agissant des valeurs cycliques. Nous gardons le dos rond sur les bons dossiers sur lesquels nous avons une forte conviction afin d’éviter la « porte de saloon ».

Qu’est ce qui pourrait vous conduire à vous réexposer ?

La multiplication de bons chiffres macroéconomiques, des résultats et des discours des dirigeants rassurants, une accalmie sur le marché des devises et des matières premières. Ces conditions ne sont aujourd’hui clairement pas réunies.

Une inflexion de la gestion axée sur les valeurs cycliques est-elle concevable l’année prochaine ?

Il est difficile de donner une réponse tranchée. Je ne m’attends pas à une réallocation abondante sur les titres cycliques tant que le marché n’anticipera pas une hausse des taux en Europe, autrement-dit pas avant au moins l’été 2016.

Quelle démarche préconisez-vous pour revenir sur les titres « cycliques » ?

Patienter jusqu’à ce que le rallye soit bien amorcé. Concrètement, si l’on pense qu’un titre cyclique renferme un potentiel de rebond de 30%, commencer à se positionner lorsque le titre a déjà gagné 10%. Le risque d’investir dans un titre qui connait une lourde correction est de subir des pertes supplémentaires. La contreperformance d’un titre peut s’étaler sur une longue période lorsque la perception des investisseurs sur la société, en dépit de la relative solidité de ses fondamentaux, est très mauvaise. En cela se mettre à acheter en face d’un consensus largement baissier peut s’avérer dangereux même si on est convaincu d’avoir raison. Entre le rationnel et les flux, ce sont pratiquement toujours les flux qui l’emportent.

Vous évoquiez au début de notre conversation les flux entrants dans les ETF smart beta comme facteurs aggravants de la sous performance des titres value. Ne pensez-vous pas que l’engouement pour ces produits pourrait constituer un obstacle à un retour en grâce de la gestion value ?

A travers la crise Internet des années 2000 ou encore de la crise des subprimes survenue en 2008, nous avons pu constater à quel point les excès commis dans des fonds indiciels pouvaient mal se terminer.

Si vous faisiez le choix d’amorcer un retour sur les titres value l’année prochaine, dans quels secteurs commenceriez-vous à investir ?

Les valeurs automobiles. Au sein des valeurs financières, je n’opterai pas pour un pari sectoriel mais un véritable stock picking car dans ce segment certaines valeurs sont de nature à connaitre un vif rebond tandis que d’autres ne devraient pas grandement bouger. Nous avons plus de réticence sur les banques que sur les assurances. Nous sommes investis pour l’heure sur Crédit Agricole et sur Axa.


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