Avec cinq baisses en six séances au compteur, dont la dernière hier et assez marquée, le CAC40 français illustre bien les doutes qui ont assailli les marchés boursiers au mois d'avril. Toute la construction sur la baisse de taux aux Etats-Unis est en train de se casser la figure. Et ce n'est pas moi qui le dis, sinon vous pourriez nourrir de sérieux doutes dans la mesure où je n'ai aucun diplôme de banquier central. Non, c'est Jerome Powell, le chef de l'axe monétaire du bien. En tout cas, c'est ce qui est inscrit sur ses cartes de visite. On va parler ce cette déclaration un peu après, parce que c'est l'un des deux exemples que je veux vous présenter aujourd'hui pour illustrer le fait qu'il faut se méfier des réactions immédiates en bourse. 

Mais je commence avec mon premier exemple : les ventes de LVMH au premier trimestre. La publication était très attendue, en particulier en France, parce que le destin du CAC40 lui est intimement lié. D'abord parce que LVMH est sa première pondération. Ensuite parce que la société a l'habitude de publier dès le début de la saison trimestrielle. Enfin parce que le secteur pèse lourd, au-delà de LVMH, dans les indices européens. Le groupe dirigé par Bernard Arnault a vu son chiffre d'affaires baisser de 2% au 1er trimestre, même si, à périmètre et change constants, les ventes progressent de 3%. Les boissons alcoolisées et les montres de luxe font grise mine et la très scrutée division mode et maroquinerie se contente d'une hausse de 2% en données constantes. Des performances très modestes au vu de l'historique de la société, qui confirment les signaux envoyés par d'autres acteurs, notamment le vilain petit canard Kering. Le luxe est clairement dans une phase de non-croissance. La première réaction à ces chiffres a été une baisse du titre peu avant 18h00 hier soir sur les plateformes d'échange hors marché ou sur l'OTC américain, où sont cotés quelques titres LVMH (nota bene : un certain nombre de valeurs européennes sont cotées sur l'OTC, c'est assez pratique pour juger du sentiment de marché lors des publications). On était autour de -2,5% au plus bas deux ou trois minutes après la publication du communiqué par LVMH. Mais peu après, le titre s'est redressé pour finir dans le vert (+1,5% sur l'OTC US, +1,8% sur les plateformes européennes). Pour résumer, la publication de LVMH n'est pas folle mais les analystes lui accordent le bénéfice du doute : on ne prête qu'aux riches. La plupart des notes que j'ai pu consulter sont du genre "c'est pas terrible mais ça aurait pu être pire". Bernstein par exemple : "les résultats du 1er trimestre 2024 sont globalement corrects, même si un peu court sur mode & maroquinerie". Jefferies : "bien dans l'absolu, encore flou dans le relatif". Dans le cas de LVMH, la première réaction négative, plutôt légitime vue la tête des chiffres, a été balayée au profit d'une approche plus mesurée, même si je suppute qu'il y a une part de mansuétude de la part du marché parce que le groupe de luxe a déjà prouvé qu'il a du répondant.

Autre illustration d'interprétation fluctuante, le discours prononcé par Jerome Powell hier peu après 19h00. Je fais une avance rapide avant de revenir dessus, pour préciser le déroulement de la séance. Après deux journées de baisse marquée, la bourse de New York était encore nerveuse hier. Le S&P500 a oscillé entre le vert et le rouge une partie de la journée, signe que les baissiers ont gardé la main, puisque les tentatives de rebond, envisageables après la contraction marquée de l'indice, ont été étouffées dans l'œuf. Or le patron de la Fed a communiqué dans le registre des faucons, c’est-à-dire en faveur d'une politique monétaire plus stricte que ce que le marché prévoyait il y a encore peu de temps. En gros, il a expliqué que les baisses de taux de la Fed pourraient être retardées si l'inflation ne baisse pas, tout en soulignant qu'il n'y a pas beaucoup eu de progrès sur la baisse des prix. Pas besoin d'être extralucide pour croiser les deux informations et en conclure que le plan ne se déroule pas exactement comme la banque centrale l'avait prévu. Et a fortiori comme le marché l'avait prévu, lui qui est structurellement plus optimiste que la Fed. La première réaction épidermique du marché a été de reculer, ce qui est logique puisque l'assouplissement monétaire des Etats-Unis a l'air d'être repoussé aux calendes grecques. Puis les indices ont fait le yoyo et le bilan final n'est pas si catastrophique. Le S&P500 a quand même clôturé pour la troisième fois consécutive dans le rouge, mais de -0,2%. Le Dow Jones et le Nasdaq 100 se sont même permis de finir symboliquement dans le vert. Pour le Dow Jones, c'est pas du jeu parce que sa plus forte pondération, UnitedHealth, s'est envolée de 5%. L'assureur santé américain a publié des résultats étonnamment robustes. Je rappelle que le plus vieil indice de Wall Street est archaïque : il est pondéré par le prix des actions et pas par leur capitalisation, Ainsi UnitedHealth, dont l'action affiche le cours le plus élevé du Dow Jones (469 USD depuis hier soir) a beaucoup plus d'influence qu'Apple par exemple, qui n'a qu'un cours de 169 USD. Alors que la capitalisation du groupe technologique est de 2 667 milliards de dollars, soit 6,5 fois plus que l'assureur. Du côté du Nasdaq 100, c'est un retour des investisseurs sur les semiconducteurs qui a permis de sauver les meubles, alors que Tesla et Apple ont continué à souffrir.  

Dans le reste de l'actualité, la Chine continue à s'agiter pour rassurer les investisseurs, avec un succès mitigé. Le régulateur de marché a dû faire une mise au point après ses déclarations précédentes. Il a précisé que le resserrement des règles de cotation annoncé dernièrement ne visait qu'à faire le ménage dans les sociétés zombies et pas à radier de la cote un maximum d'entreprises. Suite aux annonces initiales, les indices de petites capitalisations chinoises s'étaient effondrés (-10% en deux séances) en craignant une purge élargie. En Chine comme ailleurs, les politiques à la petite semaine ne font qu'amplifier la confusion.

Le baril de pétrole s'est un peu assagi alors que les tensions au Proche-Orient sont en décrue relative. Les efforts diplomatiques pour favoriser la désescalade entre l'Iran et Israël semblent pour l'heure porter leurs fruits, même si personne n'a de certitude quant aux intentions des belligérants.

Enfin, on compte beaucoup de résultats d'entreprises aujourd'hui en Europe et aux Etats-Unis. Je détaille ça dans la seconde partie.

Les marchés d'Asie Pacifique restent prudents, même si des touches de vert sont apparues çà et là. La Chine continentale reprend 0,5%, pendant que Taiwan rebondit de 1,2% après une séance difficile hier. L'Australie grappille 0,1% en clôture. On reste dans le rouge clair en Corée du Sud, en Inde et à Hong Kong. A Tokyo, le Nikkei 225 perd encore 0,5%, là aussi pour une cinquième séance de baisse en six journées. Les indicateurs avancés européens pointent vers un rebond, dans des marchés qui restent nerveux.

Le CAC40 reprend 0,3% à 7958 points, sauvé des eaux par LVMH (+2% à l'ouverture). Le Bel20 perd 0,2% à 3790 points. Le SMI recule de 0,06% à 11 190 points.

Les temps forts économiques du jour

L'indice des prix à la consommation du Royaume-Uni (08h00) et de la zone euro (11h00) occuperont la matinée. L'après-midi sera consacrée aux Etats-Unis avec les stocks de brut du département de l'énergie (16h30). Tout l'agenda ici.

L'euro se négocie 1,063 USD. L'once d'or est ferme à 2381 USD. Le pétrole a perdu du terrain, avec un Brent de Mer du Nord à 89 USD le baril et un brut léger américain WTI à 84,32 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans attient 4,66%. Le bitcoin se négocie 63 800 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Accor : Oddo BHF maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours relevé de 46 à 48 EUR.
  • Adidas : JP Morgan maintient son avis de surpondérer et relève l'objectif de cours de 227 à 240 EUR.
  • Akzo Nobel : Jefferies passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 72 à 79 EUR.
  • Asos : Oddo BHF passe de sousperformance à neutre avec un objectif de cours relevé de 340 à 890 GBX.
  • B&S Group : ING Bank passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 6 EUR à 7,25 EUR.
  • Biomérieux : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 90 à 96 EUR.
  • Boliden : JP Morgan passe de souspondérer à neutre avec un objectif de cours relevé de 260 SEK à 335 SEK.
  • Elkem : SEB Bank passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 18 NOK à 24 NOK.
  • Enagás : Bestinver Securities dégrade sa recommandation de vendre à conserver avec un objectif de cours de 15 EUR.
  • Fresnillo Plc : JP Morgan passe de neutre à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 5 GBP à 7,50 GBP.
  • Lvmh : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat et réduit l'objectif de cours de 1000 à 992 EUR.
  • Metso Outotec Oyj : Oddo BHF démarre le suivi à surperformance avec un objectif de cours de 15,20 EUR.
  • Michelin : Morgan Stanley maintient sa recommandation de surpondérer et relève l'objectif de cours de 37 à 39 EUR.
  • Naturgy Energy Group : Mirabaud Securities passe de vendre à acheter avec un objectif de cours de 27,80 EUR.
  • Pennon Group Plc : Bernstein passe de surperformance à performance de marché avec un objectif de cours réduit de 930 GBX à 810 GBX. RBC Capital passe de performance de marché à surperformance avec un objectif de cours réduit de 875 GBX à 850 GBX.
  • Renault : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours relevé de 48 à 64 EUR.
  • Sandvik Ab : Oddo BHF démarre le suivi à neutre avec un objectif de cours de 242 SEK.
  • Severn Trent Plc : Bernstein passe de performance de marché à surperformance avec un objectif de cours relevé de 2740 GBX à 2760 GBX.
  • Sika Ag : JP Morgan maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 224 à 260 CHF. Octavian AG maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours réduit de 240 à 235 CHF.
  • Société Générale : BNP Paribas Exane maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 27 à 28 EUR.
  • Soitec : Citigroup maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours réduit de 180 EUR à 165 EUR.
  • Stellantis : RBC Capital maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours relevé de 29 à 31 EUR.
  • UCB : Barclays maintient sa recommandation de surpondérer et relève l'objectif de cours de 130 à 150 EUR.
  • Unibail-Rodamco-Westfield : Citi passe de neutre à acheter avec un objectif de cours relevé de 52,50 EUR à 85,20 EUR.
  • Veolia Environnement : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance et réduit l'objectif de cours de 34,80 à 34,10 EUR.

En France

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Derichebourg devrait dégager un EBITDA courant compris entre 140 M€ et 145 M€ au S1, en nette baissé, à cause de la conjoncture et de la réévaluation du coût de la cyberattaque à 15/20 M€.
  • Esker améliore ses revenus de 12% au T1, les entrées de commandes accélèrent.
  • LVMH enregistre une croissance organique de 3% au premier trimestre. D'abord sanctionné poste-séance, le titre a fini par repasser dans le vert.
  • Orpea revoit en baisse ses objectifs 2024.
  • Virbac affiche une croissance organique de 10,8% au T1 et vise 15% de marge sur l'année.

Annonces importantes (et moins importantes)

Dans le vaste monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres, sauf pour les échanges post-séance aux Etats-Unis, qui reflètent normalement bien la tendance)

  • AB Volvo affiche un bénéfice d'exploitation ajusté qui dépasse les attentes au premier trimestre.
  • Adidas relève sa prévision de résultat opérationnel 2024 de 500 à 700 M€.
  • ASML annonce un bénéfice de 1,3 milliard de dollars pour le premier trimestre, mais des entrées de commandes inférieures aux prévisions.
  • ASOS s'enfonce dans les pertes au premier semestre et nomme Dave Murray au poste de directeur financier.
  • Continental a publié des chiffres préliminaires pour le premier trimestre inférieurs aux attentes du marché.
  • Entain affiche des revenus de jeux en ligne supérieurs aux attentes.
  • JB Hunt perd 6% hors séance après ses trimestriels.
  • Just Eat Takeaway affiche une valeur de transaction brute supérieure aux attentes pour le premier trimestre.
  • Rio Tinto déçoit avec des expéditions de minerai de fer en baisse de 5% au premier trimestre.

Annonces importantes (et moins importantes)                                                                                                                                                                                

En Europe

  • Les nouvelles mesures proposées par Lufthansa concernant une prise de participation dans ITA Airways ne sont pas très différentes de celles présentées précédemment et qui avaient été rejetées par l'UE, selon plusieurs sources.
  • Galenica place un emprunt obligataire de 100 MCHF.
  • Fortum va moderniser une centrale hydroélectrique en Suède.

En Amériques

  • Morgan Stanley va supprimer une cinquantaine d'emplois dans la banque d'investissement en Asie-Pacifique, selon plusieurs sources.
  • Take-Two Interactive va réduire de 5% ses effectifs.
  • Vale annonce une croissance de 6% de sa production de minerai de fer au premier trimestre.
  • Les résultats du premier trimestre d'America Movil baissent en raison de la vigueur du peso et des ventes des antennes-relais en 2023

En Asie Pacifique

  • BYD dévoile trois nouveaux modèles pour sa gamme de véhicules tout-terrain Fangchengbao.

Les principales publications du jour : Abbott, ASML, BHP, Rio Tinto, AB Volvo, Antofagasta, Prologis, The Travelers, Las Vegas SandsTout l’agenda ici.

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